Jouer en liberté organisée
Créé il y a plus de trente ans, le groupe X‑Musique permet aux camarades (et membres de leurs familles) instrumentistes de se rencontrer pour jouer de la musique de chambre en petites formations, au cours de séances informelles ou en concert amical.
À Vienne au début du XIXe siècle, les Schubertiades étaient des réunions informelles où Schubert et ses amis jouaient de la musique et présentaient leurs compositions. C’est en référence à l’esprit de ces réunions que Jean-François Guilbert et son épouse, violoniste, aujourd’hui disparue, ont lancé en 1977 un groupe essentiellement tourné vers la pratique de la musique de chambre.
Un groupe à géométrie variable
Jean-François Guilbert présente X‑Musique comme « un groupe à géométrie variable au sein duquel se constituent des sous-groupes à l’initiative des membres, en fonction des oeuvres qu’ils choisissent « . Le groupe comprend plus de 80 membres et une grande variété d’instruments : violon, alto, violoncelle, flûte, hautbois, basson, clarinette, trompette, chant, piano, guitare, harpe…
« L’idée essentielle est de permettre aux différents instrumentistes de se retrouver et de constituer de petits ensembles, du duo au septuor voire plus. Tous les deux mois environ, un dimanche après-midi (à l’heure où d’autres vont à la pêche) se tient à mon domicile une » réunion plénière » du groupe : une vingtaine de participants, se répartissant dans plusieurs pièces, déchiffrent ou rejouent des œuvres qu’ils choisissent en fonction des instruments présents ce jour-là et des partitions disponibles, la meilleure façon de faire connaissance en musique, en particulier pour les nouveaux membres, et de découvrir ensemble des œuvres que l’on aura peut-être envie de travailler plus à fond en vue d’un prochain concert. Il peut y avoir jusqu’à cinq groupes en parallèle, dont trois avec clavier qui se répartissent alors entre le piano à queue du salon, un piano électronique dans mon bureau, une épinette dans une chambre. »
Chacun son rythme
« On trouve dans le groupe une variété de niveaux en techniques instrumentales, et les membres participent à la mesure de leur niveau et de leur temps disponible en formant des groupes homogènes et en abordant des oeuvres à leur portée ; certains joueront en concert, d’autres se contenteront de se retrouver en petits groupes et dans les réunions plénières pour le plaisir de jouer ensemble. Il est tout à fait possible, si l’on a commencé l’étude d’un instrument assez tardivement, ou en cas de reprise après une longue interruption, de goûter au sein du groupe les joies de la musique de chambre. »
» Le groupe X‑Musique est centré sur la Région parisienne, mais la diffusion des adresses de week-end ou de vacances a permis à certains de se découvrir voisins et de se retrouver en musique à la campagne ou à la mer, et même d’organiser des concerts sur place. »
Les concerts
Une ou deux fois par an, le groupe donne un concert devant un public de 100 à 300 camarades, parents et amis. Cette année, il a eu lieu le 20 mars, avec au programme des œuvres pour violon et piano de Grieg (Sonate n° 1), Fauré (Sonate n° 2), Bartók (2e Rhapsodie), des sonates avec flûte de Bach, Haendel, des trios de Mendelssohn (n° 1 en ré mineur), Bruch (Pièces op. 83).
On pourra juger de l’éclectisme du groupe X‑Musique à travers cette liste (partielle) de noms glanés dans les programmes de ses concerts : Haendel, Scarlatti, Bach (toute la famille), Boccherini, Haydn, Mozart, Beethoven, Weber, Schubert, Mendelssohn, Chopin, Schumann, Brahms, Bruch, Alkan, Borodine, Franck, Fauré, Rachmaninov, Debussy, Ravel, Dvorak, Bartók, Stravinski, Roussel, Martinu, Berg, Poulenc, Prokofiev, Duke Ellington, Chostakovitch, Messiaen, Milhaud, Berio…
Jazz, théâtre, humour
Plusieurs membres du groupe, parallèlement à la musique classique, pratiquent aussi le jazz, qui présente ses attraits propres, le plaisir des rythmes et des harmonies du blues, du be-bop ou de la bossa-nova, le plaisir de l’improvisation dans la « liberté organisée » : la possibilité pour chaque musicien, au moment des solos, de créer sa propre musique en « temps réel « , en respectant toutefois un canevas harmonique (lié au morceau) également suivi par ses comparses.
Le programme du concert du 30e anniversaire d’X-Musique comportait une séquence jazz donnée par un quintette constitué spécialement pour cette occasion avec Claude Abadie (clarinette), Francis Behr (trompette), Jean-François Guilbert (piano), Massimo Piccoli (contrebasse) et Albert Glowinski (batterie).
En juin 1994, dans le cadre des festivités du Bicentenaire de l’École, X‑Musique s’est associé à un groupe de théâtre amateur, pour monter cinq soirées » Musique et Théâtre » (voir le dernier témoignage page 55), avec en particulier la version scénique de L’Histoire du soldat de Stravinski et Ramuz. Une expérience passionnante !
X‑Musique et l’Association VSArt
L’Association VSArt (Volontariat et Soutien par l’Art – http://www.vsart.org) a pour vocation d’apporter un soutien, au moyen de l’art sous toutes ses formes, à ceux qui sont en situation de fragilité morale, physique ou matérielle : enfants et adultes hospitalisés, personnes âgées ou handicapées, jeunes de quartiers dits sensibles, personnes sans domicile ou en détention. Avec le concours de plus de 1 000 bénévoles, VSArt organise des animations musicales (500 concerts en 2009), des conférencesprojections (plus de 200 sujets proposés chaque année), des ateliers de création (dessin, peinture, sculpture, photographie), des ateliers de la parole (conte, mémoire), ainsi que des accompagnements de personnes âgées ou handicapées au spectacle.
X‑Musique contribue régulièrement à cette action, en faisant don de ses bénéfices à VSArt, et surtout par le concours bénévole qu’apportent plusieurs de ses membres en donnant des concerts dans des hôpitaux et maisons de retraite. Jean-François Guilbert est de plus coresponsable (avec Marc Bouvy) de l’activité musique de VSArt depuis 2007.
Mentionnons aussi le spectacle Humour et Musique, enchaînement désopilant de musiques humoristiques, pastiches, anecdotes et sketches musicaux, créé le 1er avril 1987 (cette date n’a pas été choisie au hasard !) à l’occasion du dixième anniversaire du groupe, et repris ensuite plusieurs fois avec succès en 1989, 1999, et partiellement en 2007 pour le 30e anniversaire du groupe.
Activités au profit d’associations
Le groupe a fait profiter plusieurs associations de ses talents, par exemple dans des concerts organisés spécifiquement au profit d’Enfance et Partage (protection et défense des enfants maltraités) et de Naître et Vivre (soutien des parents confrontés à la mort subite du nourrisson) ; depuis trois ans le bénéfice du concert annuel du groupe est versé à l’Association Volontariat et Soutien par l’Art. Dans le cadre de cette dernière association, plusieurs membres du groupe donnent régulièrement des concerts dans des hôpitaux et maisons de retraite.
Un site Internet
Le groupe X‑Musique ne perçoit pas de cotisation annuelle, mais ses dépenses (location de salle de concert, impression de tracts et programmes, affranchissements) sont couvertes par une modeste participation aux frais demandée à l’entrée des concerts. L’essentiel de la communication entre les membres s’effectue par courrier électronique. Le groupe dispose d’un site Internet, animé par Jean-François Guilbert qui fait tout lui-même à l’aide d’outils bureautiques.
Les annonces de réunions et de concerts sont également diffusées dans la lettre de Polytechnique.org, ce qui permet de faire connaître le groupe dans les promotions récentes et fait régulièrement venir de nouveaux membres.
Propos recueillis par Jean-Marc Chabanas (58)
Hommage au doyen
Extraits d’une présentation de Jean Salmona (56) au Petit Journal Montparnasse, à l’occasion du quatre-vingtdixième anniversaire de Claude Abadie (38).
Si l’on voulait symboliser Claude Abadie par une figure géométrique, ce serait sans hésitation une ligne droite. Cette droite jazzique part de Ville-d’Avray où, pendant l’été 1942, il décide de former un groupe avec Boris Vian. Elle passe par des groupes successifs avec des musiciens tels que Raymond et Hubert Fol, Guy Longnon, Benny Vasseur, Jean-Claude Forenbach, Dody Léon. Elle va du New Orleans à Duke Ellington, qui occupe une place de choix parmi les 245 références de son orchestre, de la première avec Merry Go Round à la 245e, Sucrier Velours de la Queen Suite.
Homme rigoureux et sérieux, il pratique aussi l’humour. Il y a une trentaine d’années, Claude Abadie, qui jouait de la clarinette jazz depuis plus de trente ans, décide de faire également de la musique de chambre – classique – et va s’inscrire au Conservatoire de Neuilly : quand on fait les choses, on les fait sérieusement. La personne qui l’accueille pour l’inscrire lui dit : » C’est étonnant, vous avez un homonyme, Claude Abadie, un clarinettiste de jazz que j’admire énormément. »
Ce n’est qu’à la fin de l’entretien que Claude Abadie lui a appris que les deux Abadie ne faisaient qu’un. Souhaitons que Claude continue à parcourir sa ligne droite avec la même rigueur et le même amour du jazz. Rendez-vous en 2020, pour fêter en une grande jam-session les cent ans de Claude Abadie.