Julien Solé (93), un artiste en trois dimensions
En 1999, à la fin de ses études d’ingénieur (Polytechnique et les Eaux & Forêts), Julien Solé repart en voyage et se met sérieusement à dessiner.
S’il installe à Marseille son camp de base, c’est surtout parce que, de ce port ouvert sur tous les ailleurs, le départ est plus évident. Il continue à faire des allers retours entre l’Orient et la France : Égypte, Inde, Népal, Éthiopie… Ce qu’il dessine ? les visages, les postures, les villes et leurs accumulations : foules, maisons, objets se superposent et s’enchevêtrent. Il remplace peu à peu les carnets et les feuilles par des supports moins conventionnels : des rouleaux qu’il installe sur des machines à manivelle, des pages de livres et d’archives qui racontent l’histoire d’un lieu et qu’il assemble pour former d’immenses fresques comme celle de la Bibliothèque d’Alexandrie (2010).
Et que dire de l’accumulation dans le minimalisme qui distingue beaucoup de ses travaux ? Les lieux d’accumulation, de stratification, les palimpsestes, les épaisseurs et juxtapositions de temps, de langues et de cultures sont des lieux de prédilection pour l’artiste. Comme la ville d’Alexandrie elle-même, où l’épaisseur du temps passé investit l’espace du présent.
Faire parler la science
Évidemment, Julien « n’a pas le train de vie d’un polytechnicien ». Mais c’est un choix raisonné. S’il s’est « isolé » loin de Paris, c’est aussi pour « s’éloigner du tempo du groupe », de la société, du rythme social car la peinture est pour lui un travail solitaire et d’introspection.
Traiter du rapport, jamais achevé, avec le monde
Et pourtant c’est à l’École qu’il a commencé à dessiner, le jour où une amie lui offre une boîte d’aquarelles. Et c’est en suivant les cours d’arts plastiques et de sculpture dispensés sur le Plateau qu’il a appris ce langage nouveau pour lui. D’ailleurs, remarque-t-il, n’est-il pas intéressant de compléter son art par la compétence technique de l’ingénieur, la connaissance du scientifique ? Rien d’incompatible, à l’instar d’un Léonard de Vinci : il existe en art de multiples occasions de faire parler la science, d’être systématique dans sa démarche. S’obstiner et tracer un sillon, quelle qu’en soit la matière. Il y a là un héritage que Julien est loin de renier. Avec ses rouleaux qui défilent de diverses façons, ses machines étranges, la densité de ses paysages urbains, la peinture investit l’espace dans une démarche artistico-scientifique inconsciente.
Des projets pour l’avenir ? Traiter du rapport, jamais achevé, avec le monde. À travers les phases de crise comme des phases de créativité jubilatoire. Il est important de rester en dialogue, de travailler son rapport au monde tout en travaillant le dessin.
Propos recueillis
par Anne-Béatrice Muller
Fresque de la Bibliothèque d’Alexandrie : Paris, vue d’ici, 2010. |
« La ville ne tient que par des poutres et des cales, chaque maison pousse l’autre, chaque rue est une cathédrale de bois, on entend de temps en temps un grand craquement et un bruit sourd » |
Pont de Roosevelt Island, huile et fusain sur papier, 40 cm x 50 cm, 2005. |
Un lion et des hommes, aquarelle et fusain sur papier, 10 cm x 30 cm, 2010. |
De gauche à droite : Victoria de dos, encre sur journal, 20 cm x 30 cm, 2011. Dot guiri, aquarelle et fusain sur papier, 30 cm x 40 cm, 2007. Hicham à Horreyab, encre sur page de livre, 10 cm x 15 cm, 2008. Notes de février, aquarelle sur agenda, 15 cm x 20 cm, 2011. |
Ravi Baba, dormant, aquarelle et fusain sur soie, 20 cm x 30 cm, 2007. |
« Poly-technique » : d’accord, mais, précise, Julien, il faut d’abord choisir au moins une technique, la travailler et la maîtriser. « Il faut se méfier de la boulimie qui entraîne à changer tous les jours de technique. » |
Vendeuse de triangles, aquarelle et fusain sur papier, 15 cm x 30 cm, 2008. |
Pashupati, trois fumées, aquarelle et crayon sur papier, 25 cm x 35 cm, 2009. |
Une place à Baktapur, crayon sur papier, 30 cm x 70 cm, 2010. |
Vue de Central Park, encre sur papier, 20 cm x 30 cm, 2007. |
Toits de New York, acrylique sur papier, 40 cm x 50 cm, 2005. |
Commission 1893, encre sur page de livre, 20 cm x 30 cm, 2004. |
Arbre à Bénarès, huile sur papier, 40 cm x 50 cm, 2005. |
Tram à Ras e Tin, encre sur papier archive, 20 cm x 30 cm, 2011. |
Abou Abbas et compagnie, encre sur papier archive, 20 cm x 30 cm, 2011. |
Bénarès, de l’autre rive, fusain sur papier, 8 cm x 40 cm, 2007. |