Julien Solé (93), un artiste en trois dimensions

Dossier : ExpressionsMagazine N°676 Juin/Juillet 2012Par : Propos recueillis par Anne-Béatrice Muller

En 1999, à la fin de ses études d’ingénieur (Poly­tech­nique et les Eaux & Forêts), Julien Solé repart en voyage et se met sérieu­se­ment à dessiner.

Julien SOLÉ devant sa fresque : Paris, vue d'iciS’il ins­talle à Mar­seille son camp de base, c’est sur­tout parce que, de ce port ouvert sur tous les ailleurs, le départ est plus évident. Il conti­nue à faire des allers retours entre l’Orient et la France : Égypte, Inde, Népal, Éthio­pie… Ce qu’il des­sine ? les visages, les pos­tures, les villes et leurs accu­mu­la­tions : foules, mai­sons, objets se super­posent et s’enchevêtrent. Il rem­place peu à peu les car­nets et les feuilles par des sup­ports moins conven­tion­nels : des rou­leaux qu’il ins­talle sur des machines à mani­velle, des pages de livres et d’archives qui racontent l’histoire d’un lieu et qu’il assemble pour for­mer d’immenses fresques comme celle de la Biblio­thèque d’Alexandrie (2010).

Et que dire de l’accumulation dans le mini­ma­lisme qui dis­tingue beau­coup de ses tra­vaux ? Les lieux d’accumulation, de stra­ti­fi­ca­tion, les palimp­sestes, les épais­seurs et jux­ta­po­si­tions de temps, de langues et de cultures sont des lieux de pré­di­lec­tion pour l’artiste. Comme la ville d’Alexandrie elle-même, où l’épaisseur du temps pas­sé inves­tit l’espace du présent.

Faire parler la science

Évi­dem­ment, Julien « n’a pas le train de vie d’un poly­tech­ni­cien ». Mais c’est un choix rai­son­né. S’il s’est « iso­lé » loin de Paris, c’est aus­si pour « s’éloigner du tem­po du groupe », de la socié­té, du rythme social car la pein­ture est pour lui un tra­vail soli­taire et d’introspection.

Trai­ter du rap­port, jamais ache­vé, avec le monde

Et pour­tant c’est à l’École qu’il a com­men­cé à des­si­ner, le jour où une amie lui offre une boîte d’aquarelles. Et c’est en sui­vant les cours d’arts plas­tiques et de sculp­ture dis­pen­sés sur le Pla­teau qu’il a appris ce lan­gage nou­veau pour lui. D’ailleurs, remarque-t-il, n’est-il pas inté­res­sant de com­plé­ter son art par la com­pé­tence tech­nique de l’ingénieur, la connais­sance du scien­ti­fique ? Rien d’incompatible, à l’instar d’un Léo­nard de Vin­ci : il existe en art de mul­tiples occa­sions de faire par­ler la science, d’être sys­té­ma­tique dans sa démarche. S’obstiner et tra­cer un sillon, quelle qu’en soit la matière. Il y a là un héri­tage que Julien est loin de renier. Avec ses rou­leaux qui défilent de diverses façons, ses machines étranges, la den­si­té de ses pay­sages urbains, la pein­ture inves­tit l’espace dans une démarche artis­ti­co-scien­ti­fique inconsciente.

Des pro­jets pour l’avenir ? Trai­ter du rap­port, jamais ache­vé, avec le monde. À tra­vers les phases de crise comme des phases de créa­ti­vi­té jubi­la­toire. Il est impor­tant de res­ter en dia­logue, de tra­vailler son rap­port au monde tout en tra­vaillant le dessin.

Propos recueillis
par Anne-Béatrice Muller

Julien SOLÉ, fresque :Paris vue d'ici 2010
Fresque de la Biblio­thèque d’Alexandrie : Paris, vue d’ici, 2010.

Julien SOLE :le chat de La Corniche au consulat, sculpture en métal et papier
Le chat de La Cor­niche au consu­lat, sculp­ture en métal et papier, Alexan­drie, 2011.

« La ville ne tient que par des poutres et des cales, chaque mai­son pousse l’autre, chaque rue est une cathé­drale de bois, on entend de temps en temps un grand cra­que­ment et un bruit sourd »
(extrait de l’exposition « Voyage à l’ouest de l’Orient », Fès 2006).


Pont de Roo­se­velt Island, huile et fusain sur papier, 40 cm x 50 cm, 2005.

Un lion et des hommes, aqua­relle et fusain sur papier, 10 cm x 30 cm, 2010.

Julien SOLÉ, Quelques dessins
De gauche à droite : Vic­to­ria de dos, encre sur jour­nal, 20 cm x 30 cm, 2011.
Dot gui­ri, aqua­relle et fusain sur papier, 30 cm x 40 cm, 2007.
Hicham à Hor­reyab, encre sur page de livre, 10 cm x 15 cm, 2008.
Notes de février, aqua­relle sur agen­da, 15 cm x 20 cm, 2011.



Ravi Baba, dor­mant, aqua­relle et fusain sur soie, 20 cm x 30 cm, 2007.
« Poly-tech­nique » : d’accord, mais, pré­cise, Julien, il faut d’abord choi­sir au moins une tech­nique, la tra­vailler et la maî­tri­ser. « Il faut se méfier de la bou­li­mie qui entraîne à chan­ger tous les jours de technique. »
 
Ven­deuse de tri­angles, aqua­relle et fusain sur papier, 15 cm x 30 cm, 2008.

Julien SOLÉ, Pashupati, trois fumées
Pashu­pa­ti, trois fumées, aqua­relle et crayon sur papier, 25 cm x 35 cm, 2009.

Julien SOLÉ, Une place à Baktapur
Une place à Bak­ta­pur, crayon sur papier, 30 cm x 70 cm, 2010.

Vue de Cen­tral Park, encre sur papier, 20 cm x 30 cm, 2007.


Toits de New York, acry­lique sur papier, 40 cm x 50 cm, 2005.


Com­mis­sion 1893, encre sur page de livre, 20 cm x 30 cm, 2004.

Arbre à Béna­rès, huile sur papier, 40 cm x 50 cm, 2005.

Tram à Ras e Tin, encre sur papier archive, 20 cm x 30 cm, 2011.
Abou Abbas et com­pa­gnie, encre sur papier archive, 20 cm x 30 cm, 2011.

Julien SOLÉ, Bénarès, de l’autre rive
Béna­rès, de l’autre rive, fusain sur papier, 8 cm x 40 cm, 2007.

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