Kepler186 : l’intelligence collective au service d’organisations plus humaines
En 2018, Caroline Allard (X98) a cofondé Kepler186, société de conseil qui vise à faciliter et accompagner l’évolution des organisations vers des modèles d’activité plus humains, plus ouverts, plus citoyens et plus écologiques – et par conséquent plus performants. Elle s’appuie sur un ensemble d’approches – facilitation en intelligence collective, gouvernance partagée, coaching – reposant sur l’écoute et l’émergence d’un chemin défini collectivement.
Quelle est l’activité de Kepler186 ?
Notre ambition est de soutenir les entreprises et leurs dirigeants face aux enjeux collectifs : retrouver du sens, faire preuve de résilience, renforcer l’harmonie et l’efficacité dans la collaboration, dépasser le travail en silo, révéler le potentiel des équipes. Nous avons la conviction que le chemin le plus satisfaisant et efficace consiste à impliquer les équipes et à développer des bases communes. Cela passe par des approches structurées mobilisant l’intelligence collective de l’organisation et par l’engagement de ses leaders dans cette direction.
Nous proposons donc du conseil, de la facilitation, de la formation, du coaching, et nous mettons au cœur de nos pratiques l’intelligence collective, l’intelligence émotionnelle et la gouvernance partagée. Nous travaillons étroitement avec les équipes de direction et les managers, dont la posture de soutien et de facilitation joue un rôle majeur pour libérer le potentiel de leurs équipes. En effet, il est plus que jamais temps d’être audacieux pour réinventer des fonctionnements qui permettent aux organisations de se développer et de saisir de nouvelles chances.
Quel est le parcours des fondateurs et fondatrices ?
Nous sommes tous et toutes issus de parcours plutôt classiques (l’X, Engie, Shell pour moi ; HEC, Essec, Insead, BCG… pour les autres). Nous nous sommes rencontrés en 2017 lors du Mooc du MIT : Leading from the Emerging Future (www.presencing.org), à travers un cercle de coaching entre pairs. C’est devenu une de nos approches socles : cette méthode met en mouvement des transformations individuelles et collectives qui permettent des changements importants et enthousiasmants, en invitant à une vision d’ensemble des systèmes.
Comment t’est venue l’idée ?
Ayant vécu des expériences de coopération dans des cultures et des types d’organisation variés, je me confrontais aux limites organisationnelles habituelles. L’ouvrage de Frédéric Laloux, Reinventing Organizations, a agi comme une révélation pour moi. J’y trouvais des clés pour dépasser ces obstacles engrammés dans les systèmes et les organisations, des clés qui s’emboîtaient avec ce que j’avais expérimenté de positif au fil de mes années de management de projet. J’ai alors eu l’élan d’accompagner les entreprises et leurs dirigeants sur ce chemin d’ouverture et de confiance, qui permet des fonctionnements fluides, efficaces, tout en favorisant l’engagement équilibré et le bien-être au travail.
Qui sont les concurrents ?
Nous évoluons dans un écosystème vaste d’acteurs portant des pratiques très différentes. Nos concurrents sont des entreprises ou collectifs qui ont émergé depuis une dizaine d’années, des indépendants, les cabinets de conseil « classiques » qui proposent des transformations vers plus de collaboration.
Nous nous distinguons par l’importance que nous accordons au chemin de transformation, construit de manière collaborative, car il porte en lui les prémisses du résultat, d’une part, et l’expérience que nous avons d’appliquer à nous-mêmes ces pratiques innovantes et ces modes de gouvernance, d’autre part.
Nous pensons qu’il y a de la place pour tout le monde, car nous œuvrons tous à une acculturation des entreprises à des approches plus collaboratives. Notre culture de la coopération et du partage nous permet d’intervenir régulièrement avec des confrères et consœurs.
Quelles ont été les étapes clés depuis la création ?
Notre équipe s’est constituée en 2018, avec Georges Rizk, Régis Cornélie, Alexandre Koroleff et Claire Perrin. Aurélia Trombini nous a rejoints rapidement ensuite. À la suite des premiers échanges avec des responsables d’équipe et d’entreprise de nos réseaux, les missions ont rapidement émergé sous forme de séminaires, d’ateliers de coconstruction, de formation-action.
La Covid a bien sûr été un grand bouleversement pour le monde du travail. Elle a aussi rendu les formats numériques plus acceptables. Nous avons saisi cette occasion pour déployer d’autres modèles d’intervention, dans un moment où les équipes avaient particulièrement besoin de soutien. Nous travaillons aujourd’hui de manière hybride, en profitant de l’agilité des fonctionnements à distance et en tirant le meilleur des temps en présentiel.
Tu es passée de grands groupes à une ONG en Inde et à la facilitation ; quel a été le fil directeur de tous ces changements ?
J’ai d’abord mené pendant neuf ans une carrière chez Gaz de France et Shell – en tant que responsable de projets complexes de transformation (France, Royaume-Uni, Pays-Bas). En 2010, j’ai commencé à voyager en Inde. J’y ai découvert la joie de contribuer à une société plus juste, à travers le bénévolat dans une association locale. De retour à Paris, j’ai travaillé pendant plus de quatre ans à l’Agence nouvelle des solidarités actives, en contribuant à des projets de lutte contre la pauvreté en France.
En réunissant la pleine conscience et la « communication non violente » (CNV), que je développais dans ma vie privée, et la recherche d’impact et le sens, que je vivais dans le monde professionnel, j’ai compris qu’il était possible d’apporter des solutions concrètes et réalistes aux entreprises aspirant à plus d’engagement, de coopération, de créativité.
Qu’est-ce que t’apportent ces pratiques sur le plan personnel ?
L’exploration de la méditation m’a appris une autre manière d’être au monde, au-delà du faire et de l’intellect pur. La pratique de la CNV, à laquelle je me forme depuis 2014, permet de sortir de schémas relationnels que l’on croyait solidement ancrés. Enfin les pratiques collectives m’ont montré que, avec un cadre approprié, nous sommes capables de créer des solutions bien au-delà de la somme des actions de chaque personne, avec efficacité et créativité.
Les ingénieurs ont-ils une plus grande responsabilité que le commun des mortels sur les choix de société ?
With great power comes great responsibility. Les ingénieurs sont les bénéficiaires d’avantages structuraux certains. Que choisissons-nous de faire avec ces privilèges ? Cela demande du courage, d’interroger la manière dont notre activité impacte le monde et de mesurer ce que ces remises en question peuvent avoir comme effet sur notre mode de vie.
“Un autre monde est possible !”
J’essaie de me poser régulièrement ces questions : de quelle société ai-je envie et quel rôle suis-je prête à jouer pour y contribuer ? Et c’est vraiment une grande source de joie et de liberté de faire à ma façon des choix alignés avec ce qui me tient à cœur, et de rencontrer des compagnes et compagnons de route pour un enrichissement et un soutien mutuel.
À quoi fait référence le nom de ton collectif ?
Notre nom fait référence à la planète Kepler-186f, découverte en 2014 à partir de données récoltées de 2009 à 2013 par le télescope Kepler. La planète Kepler-186f a la particularité d’avoir une taille similaire à celle de la Terre et des caractéristiques qui la rendraient habitable pour l’espèce humaine. Elle est le signe qu’un autre monde est possible !
Est-ce que cela signifie que notre avenir, en tant qu’espèce sur cette planète, est limité ?
Je crois que cela dépend de nous toutes et tous : sommes-nous collectivement prêts à écrire une nouvelle manière de vivre et d’être ensemble, de produire et de consommer, qui soit à la fois plus sobre et plus généreuse ? Chez Kepler186, nous contribuons à ce nouveau récit.