Une collaboration forte pour une amélioration continue
L’Agence du Numérique de la Sécurité Civile s’appuie sur l’implication et l’engagement de tous les établissements et de la communauté de la sécurité civile dans la conception et la mise en œuvre des solutions qu’elle déploie. Son Directeur, Michel Monneret, nous éclaire sur la démarche de l’Agence du Numérique de la Sécurité Civile à travers cet interview.
Parlez-nous de la vocation de l’Agence du Numérique de la Sécurité Civile.
L’ANSC est un établissement public administratif de l’Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la sécurité civile. L’ANSC agit en qualité de prestataire de services pour l’État, les services d’incendie et de secours et tout organisme public ou privé chargé d’une mission de service public dans le domaine de la sécurité civile. Créée par le décret n° 2018–856 du 8 octobre 2018, l’ANSC a pour mission principale la réalisation du futur système d’information unifié des sapeurs-pompiers sur l’ensemble du territoire national.
Notre rôle se traduit à travers quatre principaux axes :
- améliorer le service rendu aux citoyens : à travers l’utilisation des nouveaux outils de communication (photos, vidéos, chat) pour une meilleure interaction entre les services de secours et les citoyens. En effet, nous avons mis en place depuis avril 2020 un service de géolocalisation par smartphone, l’AML (Advanced Mobile Location), qui permet de secourir plus aisément les victimes lorsqu’elles sont dans l’incapacité de se situer et ce avec une précision d’une dizaine de mètres en moins de 30 secondes au lieu d’une dizaine de kilomètres avec les anciens systèmes de géolocalisation ;
- apporter plus d’interopérabilité : en renforçant l’entraide entre les SIS et l’interopérabilité verticale. Nous travaillons aussi sur la fluidification de la communication entre les services de sécurité et de secours grâce à un système de gestion des alertes multi-métiers (112). Ainsi, en cas d’attentat terroriste par exemple, les services de secours des autres départements peuvent intervenir en distribuant la charge ;
« En mutualisant nos moyens, nous sommes capables d’optimiser et de simplifier notre gestion. »
- projeter les acteurs de la sécurité civile à l’ère digitale : nous avons mis en place un système partagé de gestion des alertes et des opérations qui nous permettra de valoriser les données et donc d’être plus efficaces. Ainsi, les pompiers et tout le personnel administratif par exemple n’auront plus besoin de passer des heures à faire le suivi des activités. Nous travaillons également avec toutes les parties prenantes afin de promouvoir la mobilité (tablette, PC portable..) ;
- payer le juste coût : en mutualisant nos moyens, nous sommes capables d’optimiser et de simplifier notre gestion. Nous aurons ainsi une gouvernance partagée entre l’État et les services d’incendie et de secours, ce qui permet à son tour de renforcer l’efficacité budgétaire transversale pour les SIS, les collectivités territoriales, et l’État.
Dites-nous en plus sur votre feuille de route en tant que Directeur de l’ANSC.
Depuis mon arrivée en 2018 et jusqu’à présent, la lettre de mission consistait à mettre sur pied l’établissement dont j’ai été le premier salarié. J’ai eu donc comme responsabilités le recrutement des équipes et l’aménagement des locaux à Paris afin que nous soyons plus proches de nos tutelles. Le choix de cet emplacement est en effet un volet stratégique puisque nous collaborons avec toute une communauté de sécurité civile en France. Des sapeurs-pompiers des quatre coins de l’hexagone viennent régulièrement participer et il a donc été essentiel d’avoir des locaux adaptés et fonctionnels pour accueillir un plateau technique.
Nous avons récemment finalisé la VSSO, « Version de Secours et de Soutien Opérationnel » du système opérationnel de gestion des secours qui a été livré au premier semestre de 2020 au SDIS de la Seine-et-Marne (77). Cela leur permet d’avoir un instrument de secours en cas de défaillance de leur système actuel. L’année dernière nous nous sommes orientés vers la finalisation de NexSIS 18–112, qui sera le futur système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours.
Cette année verra donc les premiers adeptes de cette plateforme en commençant par le SDIS de Seine-et-Marne. Ce dispositif va permettre aux services d’incendie et de secours d’accéder à un système interopérable, évolutif, centré sur les usages, la mobilité et les données, et de regrouper le meilleur de la technologie à disposition des services d’incendie et de secours pour des dépenses moindres. Enfin il sera construit dans un environnement technique national sécurisé.
« Nous développons une application de gestion de crise à destination des maires,
en collaboration avec la Direction interministérielle du numérique. »
En parallèle, nous développons une application de gestion de crise à destination des maires, en collaboration avec la Direction interministérielle du numérique. Elle sera interfacée avec NexSIS 18–112 et leur permettra d’exercer leur rôle de directeur des opérations de secours en temps de crise, et de seconder le préfet dans la gestion des moyens d’urgence. Nous avons également expérimenté une maquette d’application « App 112 », qui permettra au citoyen de pré-qualifier une situation de détresse, et cela sans téléphoner.
La feuille de route est donc bien remplie puisque nous passons d’un statut de développeur/constructeur à un statut d’exploitant. Il s’agit d’un vrai challenge car l’idée est non seulement de rattraper le retard d’un savoir-faire détenu par les éditeurs historiques et d’en faire un produit au moins aussi abouti, mais aussi d’être en capacité de l’exploiter efficacement.
Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur votre activité et quelles leçons tirez-vous de cette période ?
Comme toutes les administrations, nous étions obligés d’utiliser pleinement notre capacité de transformation numérique afin d’organiser nos équipes de développement, d’administration ou de déploiement. Travaillant sur un univers Cloud, nous avons réussi à poursuivre la production sans encaisser un impact majeur sur les échéances. Cette période nous a aussi permis de constater les limites du travail virtualisé notamment dans le cadre du projet NexSIS 18–112. S’agissant non pas exclusivement d’un produit informatique mais technique, humain, organisationnel et financier, sa mise en œuvre a nécessité des interactions importantes entre les équipes de l’ANSC et les SIS. Pour pallier cela, nous nous sommes organisés durant le deuxième confinement pour que nos équipes polyvalentes soient présentes deux jours par semaine dans nos locaux.
Parlez-nous du projet ESInet et de sa valeur ajoutée pour les services de secours.
NexSIS 18–112 est conçu de manière à répondre aux obligations du Code européen des communications électroniques de Décembre 2018, visant à améliorer l’efficacité des communications d’urgence dans les pays de l’UE. Pour arriver à cet objectif, l’Agence du Numérique de la Sécurité Civile travaille à la mise en œuvre d’un réseau de collecte et de routage intelligent des communications baptisé ESInet (Emergency Services IP Network), qui assurera l’acheminement des alertes en mode multimédia (appels téléphoniques, vidéo, data) jusqu’au SGA de NexSIS 18–112. Il mettra en relation les requérants et les services de secours à travers les plateformes de réception des appels d’urgence, via les opérateurs téléphoniques ou internet. Ce système de routage permettra notamment de mettre en place l’entraide entre SIS et de sécuriser les communications d’urgence actuellement banalisées. Ainsi, même en cas de défaillance technique d’un centre d’appel, le système redirigera les appels vers un autre centre.
L’architecture cible de l’ESInet est définie sur les principes et standards NG112 européens, qui sont les techniques à utiliser en Europe pour la mise en place de ce type de réseau. Cette architecture permettra la suppression des équipements téléphoniques 18–112 traditionnels (technologie T2 ISDN) et de les remplacer par des liens IP. En complément de l’amélioration du nombre de services rendus, ce système permettra de réduire les coûts associés à l’investissement et au fonctionnement des T2 actuels, mais surtout de ne plus limiter le nombre d’appels pouvant être traités en cas d’afflux.
Et pour conclure, quelles sont vos perspectives ?
Notre ambition est de déployer la solution NexSIS 18–112 à un rythme très soutenu. Le projet consiste à implémenter cette solution progressivement auprès de tous les SIS, dont 7 en 2021 et 15 en 2022. Cela implique de les accompagner sur les volets de conduite du changement, de formation et de soutien technique.