L’éco-organisme du monde de la construction
Responsabilité Élargie du Producteur (REP), éco-conception, recyclage, réemploi, maillage du territoire, sensibilisation… sont autant de sujets qui mobilisent Valobat, l’éco-organisme agréé par l’État pour développer l’économie circulaire dans le monde de la construction. Rencontre avec Hervé de Maistre (X85), président de Valobat.
Qui est Valobat ?
Valobat est un éco-organisme, une société de droit privé, dont l’objectif est de développer l’économie circulaire dans la construction, en reprenant notamment à sa charge la responsabilité élargie des producteurs (REP) et des metteurs en marché des produits et matériaux de construction et du bâtiment. En parallèle, Valobat apporte son soutien à l’ensemble de la filière pour accélérer les performances en matière de réemploi, de recyclage et pour développer l’éco-conception dans le bâtiment.
Selon l’ADEME, on estime que le bâtiment « produit » chaque année 45 millions de tonnes de déchets. Plus de deux tiers sont des déchets de matériaux inertes (filière minérale, des gravats, du béton, des tuiles, des briques…). Le tiers restant est constitué de matériaux dits non-inertes, c’est-à-dire tout ce qui reste des matériaux mis en œuvre pour la construction (isolant, plâtre, plastique, menuiseries, verre, métaux, bois…). Environ 70 % de ces 45 millions de tonnes sont valorisés, via le recyclage ou la valorisation énergétique. Les 30 % de déchets qui ne sont pas valorisés sont enfouis. L’enjeu de la filière aujourd’hui est de faire en sorte que ces matériaux soient à termes valorisés, réemployés ou recyclés en priorité dans la construction.
Concrètement, quel est votre positionnement ?
Aujourd’hui, Valobat a un positionnement de leader : c’est le seul éco-organisme à avoir obtenu un agrément de l’État pour opérer sur les deux catégories de produits concernés : les matériaux inertes et non-inertes. Les autres éco-organismes sont actifs dans une de ces deux catégories.
Dès le départ, Valobat a souhaité et a réussi à obtenir une visibilité et une représentativité très complète au sein de la filière. Aujourd’hui, plus de 50 % des metteurs sur le marché du bâtiment ont adhéré à notre éco-organisme qui compte plus de 4 000 adhérents ainsi que 50 actionnaires représentatifs de toutes les familles de matériaux et toutes les catégories de metteurs sur le marché.
Depuis le 1er janvier 2023, les producteurs de produits et matériaux de la construction et du bâtiment (PMCB) doivent répondre à cette obligation d’adhérer à un éco-organisme auquel ils transfèrent la Responsabilité Élargie du Producteur (REP). Pouvez-vous nous en dire plus ?
La REP est un principe qui est inscrit dans le droit européen depuis plus d’une trentaine d’années et qui a donné lieu à la création de nombreuses filières, comme celle de l’emballage ménager, qui a été la première à se structurer.
Ce principe considère qu’un metteur sur le marché d’un produit se doit de gérer, d’un point de vue financier et juridique, la fin de vie des produits qu’il met sur le marché y compris la gestion des déchets. Pour s’acquitter de cette mission, le metteur sur marché peut mettre en place une initiative individuelle ou bien adhérer à un éco-organisme auquel il transfère cette responsabilité. Dans ce cadre, ce dernier prend à sa charge cette responsabilité qui couvre notamment la gestion des déchets avec la collecte, le tri, la valorisation et le recyclage des déchets en fin de vie des produits.
Au-delà, Valobat prend également à sa charge des actions visant à la dynamisation de l’économie circulaire dans le secteur, une activité de R&D pour développer les solutions de réemploi ou de recyclage des matériaux qui n’existent pas encore. Nous travaillons également à promouvoir l’éco-conception, en intégrant la fin de vie dans la conception des nouveaux produits et bâtiments.
Vous êtes en déjà à l’étape suivante puisque vos adhérents ont commencé à déclarer leurs mises sur le marché et sont en position de répercuter l’éco-contribution à leurs clients. Qu’en est-il concrètement ?
Les déclarations en ligne ont été ouvertes dès le début du mois de mars. La très grande majorité de nos 4 000 adhérents ont d’ores et déjà finalisé leurs déclarations et nous accompagnons ceux qui sont en cours de finalisation de ce processus. Nous avons mis à leur disposition une procédure pour répercuter sans inflation ni déflation l’éco-contribution à leurs clients sur leurs factures. L’idée est d’avoir une approche pédagogique autour de cette éco-contribution, dont l’objet est de répondre aux objectifs d’accélération de l’économie circulaire dans le bâtiment. Les éco-contributions servent intégralement aux missions pour lesquelles Valobat a été agréé : organiser la collecte, le tri et le recyclage des déchets ; dynamiser le réemploi des matériaux.
En parallèle, cette année, nous travaillons sur le maillage du territoire avec le développement de la collecte des déchets sur l’ensemble du territoire. L’idée est d’avoir des points de collecte et d’apport volontaire où il sera possible de déposer gratuitement les déchets issus de la construction, de la déconstruction, de la rénovation à condition qu’ils aient été triés sommairement au préalable. Nous ouvrons 10 nouveaux points de collecte de ce type chaque jour, nous devrions dépasser les 1 000 points de collecte sur le territoire d’ici fin 2023.
“Un éco-organisme n’a plus de raison d’être une fois qu’une filière est arrivée à maturité, avec 100 % des produits en fin de vie recyclés ou réemployés, et a atteint un équilibre économique… mais nous en sommes loin !”
Depuis juillet, nous avons aussi lancé une démarche de contractualisation avec des déchetteries municipales pour renforcer ce maillage territorial.
Nous organisons également un service de collecte des déchets triés directement sur les gros chantiers, et directement chez les entreprises du bâtiment à partir d’un certain volume.
En optimisant les canaux de collecte, nous espérons ainsi pouvoir mettre en place un tri à la source de bonne qualité.
Enfin, nous travaillons à accélérer le développement du réemploi, qui consiste à réutiliser un produit pour un même usage ou un autre usage, sans avoir à passer par toutes les étapes du recyclage, via un plan d’action dédié de soutien aux acteurs opérationnels.
Quels sont aujourd’hui les principaux enjeux pour Valobat ?
Ils sont nombreux et variés !
Le plus important à mes yeux est de réussir la généralisation du tri des déchets à la source : il s’agit d’un changement des habitudes des acteurs du chantiers… cela prendra du temps.
Nous avons aussi un enjeu de compréhension de la REP et de l’identification des metteurs sur le marché qui peuvent adhérer à un éco-organisme. Il y a un réel besoin de vulgarisation et de pédagogie pour clarifier et rendre plus lisibles les informations. Pour ce faire, nous organisons des événements, mettons en ligne sur le site des webinaires, des notices d’information…
Au-delà, nous aidons aussi nos adhérents à mieux comprendre comment ils peuvent s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire, en privilégiant par exemple l’éco-conception de leurs produits, en intégrant de la matière première recyclée dans leurs produits, en participant à la collecte…
Pour relever l’ensemble de ces défis, Valobat mise sur une méthode de travail très participative, la co-construction et l’intelligence collective.
Qu’en est-il des sujets qui vous mobilisent ?
Nous souhaitons apporter un service plus complet à nos adhérents. Près de 20 % de nos adhérents sont soumis à d’autres filières de REP. Il y a, à ce niveau, un réel besoin de simplification pour que ces derniers puissent avoir un seul et unique interlocuteur. Cela demande de réfléchir à des synergies administratives et de collecte.
Fort de ce constat, Valobat espère obtenir un agrément de l’État pour apporter ce service supplémentaire sur les filières ameublement et articles de bricolage et de jardinage.
En parallèle, nous travaillons aussi sur la notion de traçabilité afin d’avoir une meilleure visibilité sur les flux et les volumes de déchets. Nous avons pour projet de mettre en place un système de traçabilité très précis, depuis la collecte jusqu’au recyclage et au réemploi, pour développer cette connaissance des flux et des performances de la filière afin de pouvoir prioriser les actions.
En parallèle, nous souhaitons renforcer notre présence dans les territoires d’outre-mer qui ont des problématiques très spécifiques en termes de gestion des déchets : les coûts de transport des déchets, la maturité en termes de gestion des déchets, la disponibilité d’exutoires de traitement des déchets…
Enfin, il y a ce sujet du réemploi que j’ai précédemment mentionné et qui nous tient particulièrement à cœur. Le réemploi est une technique qui a été utilisée pendant des années dans le monde de la construction : utiliser un bâtiment en fin de vie pour en rénover ou en construire un autre. Nous souhaitons donner un nouvel élan à cette pratique vertueuse qui aujourd’hui peine à trouver une certaine légitimité.
Et pour conclure, comment vous projetez-vous ?
Sur le moyen terme, notre ambition en tant qu’éco-organisme est de contribuer à changer les habitudes du secteur du bâtiment, une industrie à cycles longs, assez conservative, très normée et réglementée.
À plus court terme, il s’agit de déployer les dispositifs opérationnels que j’ai mentionnés : le maillage du territoire, les points d’apport volontaire…
Enfin, sur le long terme, je dirai qu’un éco-organisme n’a plus de raison d’être une fois qu’une filière est arrivée à maturité, avec 100 % des produits en fin de vie recyclés ou réemployés, et a atteint un équilibre économique… mais nous en sommes loin !