L’événementiel travaille pour tous les secteurs économiques de la France

« L’événementiel travaille pour tous les secteurs économiques de la France »

Dossier : L'Industrie de la connaissanceMagazine N°775 Mai 2022
Par Pierre-Louis ROUCARIES
Par Alix VERDET
Par Pierre-René SÉGUIN (X73)

L’événementiel pro­fes­sion­nel est une acti­vi­té à l’impact stra­té­gique sur la crois­sance. La varié­té des sec­teurs aux­quels il est relié et sa capa­ci­té à faire rayon­ner les ter­ri­toires en font un puis­sant outil de dyna­mi­sa­tion éco­no­mique en favo­ri­sant les ren­contres pro­fes­sion­nelles et l’implantation d’entreprises. C’est aus­si un moyen de com­mu­ni­ca­tion très effi­cace et un sec­teur qui s’est enga­gé dans la trans­for­ma­tion socié­tale et envi­ron­ne­men­tale de ses pro­fes­sions, et qui compte entraî­ner tous les acteurs de son éco­sys­tème dans cette évolution.

Pouvez-vous nous présenter l’Unimev dont vous êtes le coprésident ?

C’est l’union de l’événementiel pro­fes­sion­nel qui repré­sente plus de 400 adhé­rents et 80 % du chiffre d’affaires du sec­teur. Si le nombre ne semble pas si impor­tant, il s’agit en réa­li­té des opé­ra­teurs stra­té­giques : orga­ni­sa­teurs de salons, de foires, de congrès ; pres­ta­taires de ser­vices ; agences événe­mentielles, centres de congrès et parcs expos ; agences de desi­gn. Dans cet éco­sys­tème on retrouve envi­ron 5 000 entre­prises qui génèrent un entraî­ne­ment d’activités colos­sal sur les ter­ri­toires, dans des sec­teurs comme l’hôtellerie, la res­tau­ra­tion, mais aus­si le trans­port flu­vial (acti­vi­té sémi­naires), les loca­tions de voi­tures, la mobi­li­té… Ain­si la crise sani­taire a eu un fort impact sur le trans­port auto­ca­riste qui a récla­mé le retour de l’activité de l’événementiel pro­fes­sion­nel pour se relancer.

Après une crise sanitaire mondiale éprouvante particulièrement pour l’événementiel, comment réagit le secteur ?

Le sec­teur s’est trans­for­mé mais sans rup­ture, car il n’a pas en son sein d’acteur dis­rup­teur comme Airbnb l’a été pour l’hôtellerie. Les acteurs de l’événementiel profes­sionnel se sont adap­tés et se sont trans­for­més via entre autres la numé­ri­sa­tion, qui n’était cepen­dant pas une évo­lu­tion nou­velle. Jusqu’en 2019, c’était le numé­rique qui per­met­tait la crois­sance du sec­teur évé­ne­men­tiel, par exemple avec les applis à dis­po­si­tion des par­ti­ci­pants à un congrès mises à jour en temps réel, qui trans­forment la rela­tion entre l’organisateur et les participants.

Le sec­teur, comme d’autres, a connu une accé­lé­ra­tion de sa numé­ri­sa­tion qui entraîne une trans­for­ma­tion des métiers et révèle par­fois des dif­fi­cul­tés. La ges­tion de la don­née est dif­fi­cile à réa­li­ser dans les PME. Il s’agit de com­pé­tences très tech­niques, pour les­quelles les étu­diants for­més sont absor­bés par les métiers du numé­rique et de l’informatique. Dans notre sec­teur essen­tiel­le­ment for­mé de PME, les entre­prises ne sont pas struc­tu­rées pour accueillir cette typo­lo­gie d’acteurs, alors que le besoin y est impor­tant. Les jeunes for­més dans l’événementiel le sont de manière trop géné­ra­liste. Ils ne maî­trisent pas les sujets comme le mar­ke­ting digi­tal ou le mar­ke­ting de la data. C’est donc un défi auquel la pro­fes­sion est confrontée.


L’événementiel professionnel en chiffres (données 2019)

  • 77 mil­lions de par­ti­ci­pants par an tous évé­ne­ments confon­dus en France
  • Plus de 50 mil­lions de visi­teurs par an dans les salons et congrès (dont plus de 20 mil­lions d’internationaux)
  • 1 200 foires et salons, 3 000 congrès et 380 000 évé­ne­ments d’entreprises et institutionnels
  • L’Île-de-France et Paris lea­ders du marché
  • La France, 3e des­ti­na­tion mon­diale de l’accueil de congrès
  • 17,7 mil­lions de contrats signés par an
  • 34,5 mil­liards d’euros de tran­sac­tions générées
  • 20 mil­liards d’euros de CA au béné­fice de la pro­duc­tion événementielle
  • 19,5 mil­liards d’euros de CA au béné­fice des acteurs du tou­risme et du com­merce local
  • 40 600 emplois directs (450 000 indi­rects, évé­ne­men­tiel et tourisme)

Beau­coup d’événements se déroulent doré­na­vant en phy­gi­tal, c’est-à-dire en pré­sen­tiel et à dis­tance, ce qui génère deux dif­fi­cul­tés. D’une part, comme on ne peut pas dupli­quer le conte­nu du pré­sen­tiel, il faut pou­voir créer deux pro­duits dis­tincts à des­ti­na­tion des clients en mar­ke­tant un pro­duit dédié au numé­rique, par exemple la mise en scène par­ti­cu­lière de l’intervenant qui a don­né une confé­rence. D’autre part, cette nou­velle dis­po­si­tion induit une trans­for­ma­tion pro­fonde pour l’organisateur et ren­contre un pro­blème de finan­ce­ment. En effet le finan­ce­ment du pro­duit numé­rique n’est pas encore trou­vé. L’objectif est de pas­ser ce cap de modé­li­sa­tion nou­velle de reve­nus poten­tiels. Ces pro­duits en pré­pa­ra­tion sont plu­tôt bien maî­tri­sés par les organisa­teurs de l’événe­mentiel en France.

On voit éga­le­ment appa­raître de nou­veaux métiers qui viennent de l’industrie créa­tive. Notre sec­teur a besoin de gens qui savent racon­ter des his­toires et qui maî­trisent aus­si l’aspect tech­nique de la mise en scène vidéo (mon­tage, enre­gis­tre­ment). Ce sont les lieux d’événementiel pro­fes­sion­nel qui doivent s’adapter pour avoir ces équipements.

Comment répondre à cette problématique de la formation ?

Je crois qu’il est néces­saire de faire com­prendre aux entre­prises du sec­teur qu’elles doivent être proac­tives sur le sujet. Les cadres vont devoir expli­quer au monde de l’enseignement ce dont l’événementiel a besoin, ce qui n’a rien d’évident. On constate une ten­dance qui s’accentue dans l’enseignement supé­rieur : un peu comme dans les grands groupes, l’objectif semble y être de géné­rer une marge en fin d’année. On a par­fois ten­dance à « vendre » aux étu­diants ce qu’ils ont envie d’entendre et d’apprendre. Le dan­ger est de décou­vrir que la for­ma­tion pro­po­sée est dépas­sée. C’est à nous d’identifier des acteurs qui ont un sens de la valeur éducative.

Quel est le profil des personnes qui travaillent dans l’événementiel ?

C’est très divers car c’est un sec­teur assez récent, hor­mis les foires qui font par­tie de notre his­toire. À par­tir des années 1960 ont émer­gé les palais des congrès et les parcs des expo­si­tions. Ces espaces sont deve­nus struc­tu­rants pour les ter­ri­toires, car ils per­mettent la mise en valeur des sec­teurs éco­no­miques des régions.

Comment s’établit l’interactivité entre l’événementiel et les territoires ?

L’événementiel ouvre un champ incroyable de perspec­tives. C’est un excellent moyen de mettre en avant des ter­ri­toires, car il offre des outils de ren­contre avec des entre­prises et des inter­ve­nants sur le ter­ri­toire, et même un poten­tiel pour mettre en valeur et gérer des ins­tal­la­tions d’entreprises qui vont géné­rer de l’activité. Dans les ter­ri­toires, le sec­teur évé­ne­men­tiel tra­vaille entre sep­tembre et juin, c’est-à-dire qu’il prend le relai du tou­risme de loi­sirs en dehors des vacances sco­laires. L’événementiel pro­fes­sion­nel rem­plit les infra­struc­tures dans les temps morts. Le tou­risme d’affaires a trans­for­mé des ter­ri­toires pour avoir de l’affluence toute l’année. Ain­si les emplois sai­son­niers deviennent per­ma­nents, la qua­li­té du per­son­nel s’en trouve amé­lio­rée, les per­sonnes sont mieux payées : c’est un cercle vertueux.

L’impact de l’événementiel professionnel est méconnu, comment le faire connaître ?

La crise sani­taire a été un élec­tro­choc. Nous avons com­pris l’importance d’avoir un pro­gramme, l’importance de convaincre les élus du rôle de notre sec­teur d’activité et l’importance de com­mu­ni­quer davan­tage. Aujourd’hui, nous avons une vraie stra­té­gie d’information et de com­mu­ni­ca­tion sur le sujet.

Que signifie l’engagement de l’événementiel professionnel pour l’économie circulaire et la croissance verte ?

C’est une prise de conscience et un enga­ge­ment de toute la pro­fes­sion. Nous avons choi­si tout d’abord de pro­gres­ser sur la ges­tion des déchets en optant pour le renou­ve­lable, le réem­ploi, mais nous savons que nous avons encore des marges de pro­gres­sion. Nous avons iden­ti­fié cinq familles de déchets – bois, tis­sus, signa­li­sa­tion, mobi­lier, ali­men­ta­tion – et plu­sieurs axes de pro­gres­sion – éco­con­cep­tion du mobi­lier, seconde vie du maté­riel ou tout sim­ple­ment s’en passer.

Un exemple emblé­ma­tique de l’événementiel pro­fes­sion­nel est celui de la moquette qui est le plus sou­vent jetée après l’événement, ce qui n’est plus accep­table aujourd’hui. Il existe des sols de qua­li­té haut de gamme qui peuvent être uti­li­sés en rem­pla­ce­ment de la moquette dans les allées. On trouve aus­si de la moquette repo­si­tion­nable, etc. La quan­ti­té de déchets ali­men­taires est par­fois catas­tro­phique pour des rai­sons régle­men­taires ; aujourd’hui, l’État est prêt à faire évo­luer les règles. Nous avons mis­sion­né le cabi­net de conseil Deloitte en 2022 sur ces sujets-là. Nous allons fixer des étapes pour pro­gres­si­ve­ment dimi­nuer ces déchets.

Comment définissez-vous le rôle de l’événementiel professionnel dans la reprise économique ?

L’événementiel pro­fes­sion­nel tra­vaille pour tous les sec­teurs éco­no­miques de la France. Chaque évé­ne­ment de por­tée mon­diale en France a un impact posi­tif pour la France entière. La France fait par­tie des grands pays d’événementiel avec les États-Unis, la Chine et l’Allemagne, avec des évé­ne­ments comme le salon du Bour­get, le salon Mai­son & Objet. C’est une mise en lumière extra­or­di­naire, la même qui pousse les pays à être hôtes des Jeux olym­piques ou de la Coupe du monde de foot­ball. Ce sont des moments d’expérience forte pour les par­ti­ci­pants et une intense mise en valeur des territoires.

“L’événementiel est un excellent moyen de mettre en avant des territoires.”

En règle géné­rale, un euro inves­ti dans l’organisation d’un salon génère huit euros de béné­fice. Sur le plan éco­no­mique, nous lut­tons pour que les ser­vices de l’État et les régions cessent d’envoyer les entre­prises fran­çaises chez les concur­rents ! Pour déve­lop­per l’activité des PME, la ten­dance est de les emme­ner par­ti­ci­per à des salons à l’étranger alors que, par­fois, le même salon se déroule en France. L’État fran­çais crée une sorte de concur­rence car il est plus atti­rant d’emmener les gens à Las Vegas ou à Dubaï. Aujourd’hui – et encore plus dans le contexte post-crise sani­taire –, l’aspect patrio­tique est impor­tant, les men­ta­li­tés changent.

Enfin, il existe une valeur d’exemple. Si notre filière se trans­forme de manière pro­fonde sur les thé­ma­tiques de RSE, elle entraîne la trans­for­ma­tion de ses clients et de ses four­nis­seurs qui se trouvent dans tous les sec­teurs de la vie éco­no­mique. Je suis per­sua­dé que le sec­teur de l’é­vé­ne­men­tiel est un élé­ment de la trans­for­ma­tion dont notre éco­no­mie a besoin. Un évé­ne­ment est aus­si un moment fort qui va indi­quer la trans­for­ma­tion comme l’a fait la COP21. Pour com­mu­ni­quer sur la trans­for­ma­tion, créer un évé­ne­ment aura un impact consi­dé­rable. C’est l’outil majeur de com­mu­ni­ca­tion et d’évolution de notre société. 

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