« L’événementiel travaille pour tous les secteurs économiques de la France »
L’événementiel professionnel est une activité à l’impact stratégique sur la croissance. La variété des secteurs auxquels il est relié et sa capacité à faire rayonner les territoires en font un puissant outil de dynamisation économique en favorisant les rencontres professionnelles et l’implantation d’entreprises. C’est aussi un moyen de communication très efficace et un secteur qui s’est engagé dans la transformation sociétale et environnementale de ses professions, et qui compte entraîner tous les acteurs de son écosystème dans cette évolution.
Pouvez-vous nous présenter l’Unimev dont vous êtes le coprésident ?
C’est l’union de l’événementiel professionnel qui représente plus de 400 adhérents et 80 % du chiffre d’affaires du secteur. Si le nombre ne semble pas si important, il s’agit en réalité des opérateurs stratégiques : organisateurs de salons, de foires, de congrès ; prestataires de services ; agences événementielles, centres de congrès et parcs expos ; agences de design. Dans cet écosystème on retrouve environ 5 000 entreprises qui génèrent un entraînement d’activités colossal sur les territoires, dans des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration, mais aussi le transport fluvial (activité séminaires), les locations de voitures, la mobilité… Ainsi la crise sanitaire a eu un fort impact sur le transport autocariste qui a réclamé le retour de l’activité de l’événementiel professionnel pour se relancer.
Après une crise sanitaire mondiale éprouvante particulièrement pour l’événementiel, comment réagit le secteur ?
Le secteur s’est transformé mais sans rupture, car il n’a pas en son sein d’acteur disrupteur comme Airbnb l’a été pour l’hôtellerie. Les acteurs de l’événementiel professionnel se sont adaptés et se sont transformés via entre autres la numérisation, qui n’était cependant pas une évolution nouvelle. Jusqu’en 2019, c’était le numérique qui permettait la croissance du secteur événementiel, par exemple avec les applis à disposition des participants à un congrès mises à jour en temps réel, qui transforment la relation entre l’organisateur et les participants.
Le secteur, comme d’autres, a connu une accélération de sa numérisation qui entraîne une transformation des métiers et révèle parfois des difficultés. La gestion de la donnée est difficile à réaliser dans les PME. Il s’agit de compétences très techniques, pour lesquelles les étudiants formés sont absorbés par les métiers du numérique et de l’informatique. Dans notre secteur essentiellement formé de PME, les entreprises ne sont pas structurées pour accueillir cette typologie d’acteurs, alors que le besoin y est important. Les jeunes formés dans l’événementiel le sont de manière trop généraliste. Ils ne maîtrisent pas les sujets comme le marketing digital ou le marketing de la data. C’est donc un défi auquel la profession est confrontée.
L’événementiel professionnel en chiffres (données 2019)
- 77 millions de participants par an tous événements confondus en France
- Plus de 50 millions de visiteurs par an dans les salons et congrès (dont plus de 20 millions d’internationaux)
- 1 200 foires et salons, 3 000 congrès et 380 000 événements d’entreprises et institutionnels
- L’Île-de-France et Paris leaders du marché
- La France, 3e destination mondiale de l’accueil de congrès
- 17,7 millions de contrats signés par an
- 34,5 milliards d’euros de transactions générées
- 20 milliards d’euros de CA au bénéfice de la production événementielle
- 19,5 milliards d’euros de CA au bénéfice des acteurs du tourisme et du commerce local
- 40 600 emplois directs (450 000 indirects, événementiel et tourisme)
Beaucoup d’événements se déroulent dorénavant en phygital, c’est-à-dire en présentiel et à distance, ce qui génère deux difficultés. D’une part, comme on ne peut pas dupliquer le contenu du présentiel, il faut pouvoir créer deux produits distincts à destination des clients en marketant un produit dédié au numérique, par exemple la mise en scène particulière de l’intervenant qui a donné une conférence. D’autre part, cette nouvelle disposition induit une transformation profonde pour l’organisateur et rencontre un problème de financement. En effet le financement du produit numérique n’est pas encore trouvé. L’objectif est de passer ce cap de modélisation nouvelle de revenus potentiels. Ces produits en préparation sont plutôt bien maîtrisés par les organisateurs de l’événementiel en France.
On voit également apparaître de nouveaux métiers qui viennent de l’industrie créative. Notre secteur a besoin de gens qui savent raconter des histoires et qui maîtrisent aussi l’aspect technique de la mise en scène vidéo (montage, enregistrement). Ce sont les lieux d’événementiel professionnel qui doivent s’adapter pour avoir ces équipements.
Comment répondre à cette problématique de la formation ?
Je crois qu’il est nécessaire de faire comprendre aux entreprises du secteur qu’elles doivent être proactives sur le sujet. Les cadres vont devoir expliquer au monde de l’enseignement ce dont l’événementiel a besoin, ce qui n’a rien d’évident. On constate une tendance qui s’accentue dans l’enseignement supérieur : un peu comme dans les grands groupes, l’objectif semble y être de générer une marge en fin d’année. On a parfois tendance à « vendre » aux étudiants ce qu’ils ont envie d’entendre et d’apprendre. Le danger est de découvrir que la formation proposée est dépassée. C’est à nous d’identifier des acteurs qui ont un sens de la valeur éducative.
Quel est le profil des personnes qui travaillent dans l’événementiel ?
C’est très divers car c’est un secteur assez récent, hormis les foires qui font partie de notre histoire. À partir des années 1960 ont émergé les palais des congrès et les parcs des expositions. Ces espaces sont devenus structurants pour les territoires, car ils permettent la mise en valeur des secteurs économiques des régions.
Comment s’établit l’interactivité entre l’événementiel et les territoires ?
L’événementiel ouvre un champ incroyable de perspectives. C’est un excellent moyen de mettre en avant des territoires, car il offre des outils de rencontre avec des entreprises et des intervenants sur le territoire, et même un potentiel pour mettre en valeur et gérer des installations d’entreprises qui vont générer de l’activité. Dans les territoires, le secteur événementiel travaille entre septembre et juin, c’est-à-dire qu’il prend le relai du tourisme de loisirs en dehors des vacances scolaires. L’événementiel professionnel remplit les infrastructures dans les temps morts. Le tourisme d’affaires a transformé des territoires pour avoir de l’affluence toute l’année. Ainsi les emplois saisonniers deviennent permanents, la qualité du personnel s’en trouve améliorée, les personnes sont mieux payées : c’est un cercle vertueux.
L’impact de l’événementiel professionnel est méconnu, comment le faire connaître ?
La crise sanitaire a été un électrochoc. Nous avons compris l’importance d’avoir un programme, l’importance de convaincre les élus du rôle de notre secteur d’activité et l’importance de communiquer davantage. Aujourd’hui, nous avons une vraie stratégie d’information et de communication sur le sujet.
Que signifie l’engagement de l’événementiel professionnel pour l’économie circulaire et la croissance verte ?
C’est une prise de conscience et un engagement de toute la profession. Nous avons choisi tout d’abord de progresser sur la gestion des déchets en optant pour le renouvelable, le réemploi, mais nous savons que nous avons encore des marges de progression. Nous avons identifié cinq familles de déchets – bois, tissus, signalisation, mobilier, alimentation – et plusieurs axes de progression – écoconception du mobilier, seconde vie du matériel ou tout simplement s’en passer.
Un exemple emblématique de l’événementiel professionnel est celui de la moquette qui est le plus souvent jetée après l’événement, ce qui n’est plus acceptable aujourd’hui. Il existe des sols de qualité haut de gamme qui peuvent être utilisés en remplacement de la moquette dans les allées. On trouve aussi de la moquette repositionnable, etc. La quantité de déchets alimentaires est parfois catastrophique pour des raisons réglementaires ; aujourd’hui, l’État est prêt à faire évoluer les règles. Nous avons missionné le cabinet de conseil Deloitte en 2022 sur ces sujets-là. Nous allons fixer des étapes pour progressivement diminuer ces déchets.
Comment définissez-vous le rôle de l’événementiel professionnel dans la reprise économique ?
L’événementiel professionnel travaille pour tous les secteurs économiques de la France. Chaque événement de portée mondiale en France a un impact positif pour la France entière. La France fait partie des grands pays d’événementiel avec les États-Unis, la Chine et l’Allemagne, avec des événements comme le salon du Bourget, le salon Maison & Objet. C’est une mise en lumière extraordinaire, la même qui pousse les pays à être hôtes des Jeux olympiques ou de la Coupe du monde de football. Ce sont des moments d’expérience forte pour les participants et une intense mise en valeur des territoires.
“L’événementiel est un excellent moyen de mettre en avant des territoires.”
En règle générale, un euro investi dans l’organisation d’un salon génère huit euros de bénéfice. Sur le plan économique, nous luttons pour que les services de l’État et les régions cessent d’envoyer les entreprises françaises chez les concurrents ! Pour développer l’activité des PME, la tendance est de les emmener participer à des salons à l’étranger alors que, parfois, le même salon se déroule en France. L’État français crée une sorte de concurrence car il est plus attirant d’emmener les gens à Las Vegas ou à Dubaï. Aujourd’hui – et encore plus dans le contexte post-crise sanitaire –, l’aspect patriotique est important, les mentalités changent.
Enfin, il existe une valeur d’exemple. Si notre filière se transforme de manière profonde sur les thématiques de RSE, elle entraîne la transformation de ses clients et de ses fournisseurs qui se trouvent dans tous les secteurs de la vie économique. Je suis persuadé que le secteur de l’événementiel est un élément de la transformation dont notre économie a besoin. Un événement est aussi un moment fort qui va indiquer la transformation comme l’a fait la COP21. Pour communiquer sur la transformation, créer un événement aura un impact considérable. C’est l’outil majeur de communication et d’évolution de notre société.