L’IoT et l’intelligence environnementale au service de la santé
L’IoT est un outil précieux pour mesurer les données environnementales qui ont un impact sur la santé des individus et pour mesurer les données de l’état de santé de ces individus. L’exploitation de toutes ces données, avec une modélisation de plus en plus efficace, conditionne les prises de décision pertinentes tant par les pouvoirs publics que par les entreprises. Les perspectives de développement en la matière sont gigantesques.
On pense souvent à l’impact de l’Homme sur l’environnement, mais on a tendance à oublier la situation inverse, c’est-à-dire l’impact de l’environnement sur l’Homme et plus particulièrement sur sa santé. Treize millions, c’est le nombre de décès enregistrés chaque année dans le monde ayant pour cause la pollution de l’air ; 40 %, le nombre de cancers qui pourraient être évités en améliorant notre environnement de vie et nos habitudes. L’étude de cet impact environnemental sur la santé a donné naissance au concept d’exposome.
La réglementation environnementale
De nombreux acteurs publics tels que les villes, les métropoles et même l’État sont soumis à des réglementations environnementales indiquant des seuils à respecter afin de protéger la santé humaine et l’environnement dans son ensemble. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande des seuils servant de base pour les autorités du monde entier dans le but de garantir une bonne santé pour tous. Les seuils réglementaires, d’origine européenne et imposés aux nations, sont cependant moins contraignants que les lignes directrices proposées par l’OMS, ces dernières étant données uniquement à titre d’objectif. En cas de non-respect des seuils, les États sous contrainte juridique peuvent être soumis à des amendes. Ainsi, les acteurs publics sont tenus d’assurer un suivi de la qualité environnementale, telle que la qualité de l’air ou la pollution sonore, afin de s’assurer du respect de la réglementation. En octobre 2022, l’État a été condamné à 20 millions d’euros pour dépassement des seuils limites de pollution au dioxyde d’azote.
La modélisation des données
Les acteurs publics peuvent avoir recours à de la modélisation environnementale. Un modèle est la construction et l’utilisation d’outils mathématiques afin de représenter un phénomène environnemental. Les modèles mathématiques peuvent avoir de nombreuses formes et utiliser différents outils. Ils peuvent être statistiques, fondés sur des équations différentielles, des systèmes dynamiques ou encore des théories du jeu. Cependant, l’opération est toujours la même : les modèles ont comme entrées un grand nombre de données. Ces données peuvent être des combinaisons de données satellitaires, d’usage des sols, de trafic, de météorologie, ainsi que des données de capteurs. C’est la précision des données et leur variété qui participent à l’obtention de modèles performants et réalistes. De plus, la modélisation permet de reconstruire des historiques d’exposition ou de faire des prédictions. Néanmoins, la modélisation étant fondée sur un nombre de paramètres finis et dépendant du modèle mathématique choisi, elle ne peut refléter totalement la réalité, notamment sur des événements ponctuels (incendies, catastrophes naturelles, Covid…).
L’exposome
Introduit dans le Code de la santé publique (CSP) et dans le Plan national santé environnement 4 (PNSE 4), le concept d’exposome propose de considérer l’ensemble des expositions dans l’environnement d’un individu, qui l’impactent tout au long de sa vie. Analyser l’exposome d’un individu, c’est prendre en compte son exposition à un ensemble de déterminants de l’état de santé, tels que la qualité de l’air, le bruit, les UV, les expositions chimiques, l’activité physique, le sommeil, le stress, l’alimentation… Par ailleurs, l’exposome d’un individu évolue au cours du temps. Ainsi, étudier l’exposome requiert de capturer de manière dynamique la variété d’expositions auxquelles est soumis un individu. Son étude implique donc le recours à l’IoT et l’IA pour un suivi très précis, afin de mieux comprendre et agir sur la survenue de maladies chroniques. Les objets connectés, sans lesquels le suivi de l’exposome ne serait pas possible, peuvent prendre la forme de capteurs connectés (qualité de l’air, bruit, expositions chimiques), d’une modélisation de l’exposition aux polluants, du big data (bases de données…), d’appareils de mesure connectés non invasifs permettant de mesurer l’ECG, la respiration ou l’IMC (montre wearable, tensiomètre connecté, balance connectée…) ou encore du smartphone. L’acquisition à grande échelle de données fiables est une étape essentielle pour la collecte de données exposomiques, qui implique d’améliorer le développement, l’utilisation et l’interconnexion des objets connectés (plus petits, plus légers, plus performants, plus économiques…). L’IA explicable vient aussi en complément révolutionner l’approche épidémiologique, afin de faire de l’inférence causale entre exposition environnementale et maladies chroniques.
Les données des capteurs
D’un point de vue réglementaire, lorsque des dépassements de seuils sont constatés, la modélisation doit être enrichie de mesures physiques provenant de capteurs. Les capteurs, contrairement aux modèles, vont collecter des données environnementales en temps réel. Ils ne sont pas en mesure de prédire les prochaines valeurs sans l’aide d’un système d’IA embarqué ou déporté. De plus, la donnée collectée ne concerne alors qu’une zone très localisée. Cependant, en cas d’événements ponctuels, les capteurs pourront mesurer avec précision les variations dues à la situation.
La complémentarité de l’IoT et des données de modélisation
Les données des capteurs sont complémentaires des données de modélisation environnementale. Chez Meersens, expert en intelligence environnementale, les données des capteurs peuvent venir enrichir les modèles et participer à leur entraînement. Les données des capteurs peuvent également être assimilées à la modélisation, afin d’affiner les valeurs modélisées lors d’événements ponctuels. Pour une assimilation en temps réel, il est nécessaire que les données des capteurs soient communiquées et disponibles dans le cloud à des intervalles de temps réduits et réguliers. De la modélisation, des séries temporelles peuvent également être embarquées dans les capteurs afin, par exemple, de combler des trous de mesure. Ce sont bien évidemment les cas d’usage et la donnée d’entrée disponible qui doivent guider les choix des modèles et des capteurs. L’utilisation de cette donnée environnementale répond à de multiples cas d’usage.
Cas d’usage par les pouvoirs publics
L’analyse environnementale permet d’être conforme avec la réglementation, en particulier dans le cadre du Plan climat-air-énergie territorial (PCAET) des collectivités. La simulation et la modélisation, en fonction de l’évolution des choix d’urbanisme des villes, permettent de prendre des décisions éclairées et les moins impactantes pour la santé des populations. Cela permet par exemple d’optimiser les modes de circulation, tout en s’assurant d’une amélioration de la qualité d’air et du niveau sonore.
“En communiquant sur la qualité environnementale, placer les citoyens comme acteurs de leur santé.”
La modélisation de l’environnement extérieur, couplée à des mesures intérieures par des capteurs, permet de comparer les environnements et d’adapter les solutions de filtration et de ventilation, afin de protéger au mieux les populations sensibles, mais aussi d’optimiser la consommation énergétique des bâtiments. Rendre visible l’invisible en communiquant sur la qualité environnementale permet de placer les citoyens comme acteurs de leur santé et de les engager sur leur impact environnemental.
Le rôle de l’individu
Outre les pouvoirs publics, l’IoT en santé environnementale intéresse des acteurs pionniers dans ce domaine, comme les assurances dans une optique de prévention ou l’industrie du luxe. De même, il est observé une forte demande de la part des pays émergents (en Inde ou en zone Afrique) pour l’évaluation de l’exposition environnementale. Évaluer l’exposition implique de la modélisation environnementale, afin de suivre en continu les fluctuations de l’environnement, mais également le recours à des capteurs portatifs ou mobiles connectés permettant de transmettre les données en quasi-temps réel, afin d’assurer le suivi personnel de l’exposition environnementale d’un individu. Un capteur portatif de qualité d’air va permettre de suivre en temps réel l’exposition aux polluants (PM2,5, PM10, NO2, O3…) d’un individu ; de même, une montre connectée va recueillir ses données physiologiques. Dans le cas où il n’y a pas de capteur, le téléphone portable, par une application mobile utilisant la géolocalisation, pourra également enrichir les données d’exposition environnementale par de la modélisation (air, bruit, UV…). Toutes ces données peuvent transiter via wifi, Bluetooth, LTE (long-term evolution), LoRa et être traitées et visualisées directement sur le téléphone portable. L’utilisation de l’IoT et de la modélisation en santé environnementale permet d’alerter sur l’environnement et de recommander des actions de prévention primaire. Réduire son exposition sur le long terme permet d’augmenter l’espérance de vie des populations et de leur assurer une meilleure santé. À terme, cela représente des milliards d’euros d’économie pour les assurances et le système de santé.
Exemples d’usage par l’entreprise
Les industries, dans le domaine du skincare, peuvent se démarquer et enrichir l’expérience client via la modélisation et la collecte de données physiologiques, en conseillant de manière personnelle les meilleures routines et les produits cosmétiques en fonction d’un environnement et d’un mode de vie (pollution, météo, UV, sommeil…). Dans une recherche d’excellence et d’exigence d’hyperpersonnalisation requise par les clients, l’exploitation de ces données permet une véritable différenciation. Dans le cadre des politiques de RSE, les entreprises sont de plus en plus soucieuses de l’environnement de travail de leurs collaborateurs ou de l’impact de leurs usines et de celui de leurs fournisseurs sur les parties prenantes. Ainsi, la donnée provenant de capteurs et de modélisations permet de diagnostiquer et d’agir pour assurer un environnement sain et maîtrisé. Les entreprises conscientes de cet enjeu vont se mobiliser sur des labélisations du type Well, Breeam, B Corp, great place to work, pour valider leurs actions et engagements. La donnée environnementale est aussi fortement utilisée pour effectuer des corrélations entre des ventes de produits et de médicaments et l’environnement d’un territoire donné. L’IA donne les moyens de savoir, par exemple, qu’un pic de pollen va survenir dans les 24 heures et permet aux distributeurs d’antihistaminiques de livrer les pharmacies de ce territoire. Cela contribue à l’optimisation logistique et à la réduction des stocks.
Les défis à relever pour l’avenir
Le développement rapide des technologies fondées sur l’IoT a permis de grandes avancées dans la prise en compte de l’impact de l’environnement sur la santé. Néanmoins, il reste de nombreux défis à relever pour assurer la résilience et la durabilité de ces nouvelles technologies. L’analyse et la comparaison de la donnée nécessitent d’abord une normalisation de la structuration de la donnée fournie par les IoT et par les outils de modélisation. Le prétraitement, directement via l’IoT ou la modélisation, ou le post-traitement de la donnée et son agrégation par des méthodes intégrant de l’IA peuvent permettre de rendre la donnée homogène et utilisable par tous. Il est nécessaire d’assurer la sécurité, mais également la confidentialité de la donnée lors de son transit ou de son stockage, notamment lorsqu’il s’agit de données personnelles. Afin d’assurer le transit des données, la couverture du réseau, mais également sa vitesse, doivent être assurées. Il est ensuite nécessaire de s’assurer que la validité et la pertinence de la data, aussi bien par capteur que par modélisation, répondent bien aux besoins et aux cas d’usage. En effet, la qualité de la modélisation dépend de la qualité des données d’entrée. Garbage in, garbage out : si les données d’entrée sont altérées ou ne sont pas adaptées aux besoins, alors les résultats en sortie du modèle ne pourront être fiables et utilisables.
Réduire l’impact environnemental
L’impact environnemental de la donnée est non négligeable et doit faire partie intégrante du développement des technologies. Il doit y avoir une recherche de sobriété du traitement des données et du choix des méthodes green algorithms, c’est-à-dire une prise en compte de la consommation et de l’impact carbone des méthodes d’analyse. Pour cela, il est par exemple possible d’intégrer des librairies, afin de suivre cet impact ou de le simuler avec des logiciels existants. L’impact de fabrication, d’utilisation et de fin de vie des objets connectés doit évidemment être pris en compte et s’inscrire dans une économie circulaire. Il n’est plus acceptable de mettre sur le marché des produits avec une obsolescence programmée.
Trouver le bon compromis
Le développement des objets connectés avec de l’IA embarquée ou déportée doit être un compromis entre précision, taille des objets, consommation d’énergie, sécurité, scalabilité, qualité de service et impact carbone, tout en considérant le cas d’usage auquel ils sont destinés. Plus que jamais, la donnée générée par l’IoT doit apporter la bonne information, au bon moment, au bon format et à la bonne personne, pour prendre les bonnes décisions. La monétisation de ces données, de plus en plus accessibles en SaaS ou en API sous forme d’abonnement, est étroitement liée à la capacité de calculer un retour sur investissement ou à des obligations réglementaires. Ces données d’IoT sur l’environnement et la santé ne sont qu’à leurs prémices : elles sont en passe de dévoiler tout leur potentiel, au service de nouveaux cas d’usage et d’innovation, pour un environnement plus sain.
Références
- https://www.lemagit.fr/definition/Internet-des-objets-IoT (explication IoT)
- Exposome : connecting the dots for effective… ; https://publications.tno.nl/publication/34626281/bzNeBs/TNO-2018-exposome.pdf
- https://proceedings.ictinnovations.org/attachment/paper/14/technology-enhanced-learning—the-wild-the-innocent-and-the-e-street-shuffle.pdf
- https://ecoinfo.cnrs.fr/wp-content/uploads/2021/04/Cours_CentraleSupelec_IA_responsable‑1.pdf
- https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S095965262032922X