L’urgence et la patience
L’urgence et la patience sont les deux côtés de la médaille pour l’auteur aux prises avec l’élaboration d’un texte, nous dit Jean-Philippe Toussaint. L’impériosité d’un côté qui garantit l’impulsion, l’inévitable lenteur de l’autre qui est propre aux choses sérieuses. La même dichotomie me vient à l’esprit lorsqu’il est question de l’hydrogène énergie.
À la lecture du dossier de ce mois-ci on prend conscience, si on ne l’avait déjà, que le développement de la filière hydrogène est aussi impératif qu’il sera laborieux. Pourtant l’élément premier de la table de Mendeleïev n’est pas ce qui manque dans la nature.
Avec le dihydrogène gaz c’est une autre affaire, et pas nouvelle car ce gaz prisé dans la pétrochimie, la fabrique des engrais, celle du verre, est un vieil ami de l’industrie de papa. On l’y manipule avec précaution puisqu’il est hautement explosif, et l’on n’a pas toujours été dérangé par son poids carbonique calamiteux. Aujourd’hui on l’est, mais l’hydrogène qui donne un certain espoir et que l’on dit vert, voire bleu, c’est celui qui n’existe pas encore, ou si peu, celui qui n’est pas lesté de carbone à l’amont par le méthane dont il provient. Il sera le pendant d’une électricité elle-même peu carbonée, renouvelable ou nucléaire, qu’il faudra produire massivement.
“Le développement de la filière hydrogène est aussi impératif qu’il sera laborieux.”
L’électrification en cours des usages de la vie courante suffisant à faire bondir les besoins en électricité des prochaines décennies, comme RTE ne manque pas de le répéter, ce qu’il faudra pour fabriquer de l’hydrogène propre devra venir en plus. Et aujourd’hui c’est trop cher pour être envisagé sans des incitations et des régulations fortes. Avec l’hypothèse que le développement des sources de production électrique en France suffira tout juste à satisfaire les besoins directs en électrons, il faudra donc faire venir l’hydrogène de plus ou moins loin. Peut-être des déserts ensoleillés d’Afrique. En espérant ne pas être confronté un jour au même problème que l’Allemagne avec sa perfusion de gaz russe.
Donc, comme à chaque fois qu’il s’agit de questions énergétiques, la complexité est de la partie, la régulation et l’accès au capital sont les clés de la bataille et les injonctions contradictoires jamais très loin. En dépit de l’urgence, une certaine patience sera de rigueur. Bonne lecture !