La 5G, une opportunité pour SNCF !
Sébastien Kaiser, directeur Connectivité & Réseaux au sein de SNCF, nous explique pourquoi son entreprise s’intéresse de près à la 5G. Il revient pour nous sur les ambitions de SNCF ainsi que les initiatives lancées dans ce cadre.
Vous êtes directeur Connectivité & Réseaux de la DG e.SNCF. Quels sont vos missions et votre périmètre d’action ?
Ma mission consiste à créer les conditions du succès d’une connectivité performante et moderne pour les services de demain, au bénéfice de nos clients et de nos collaborateurs, mais aussi de la performance de notre appareil industriel.
Dans ce cadre, notre réflexion stratégique doit intégrer les évolutions technologiques, les dynamiques de marché et les enjeux territoriaux.
La nature et la diversité de nos activités favorisent une organisation adaptée au temps long, contrairement au monde des télécoms , qui raccourcit toujours plus ses cycles, porté par la virtualisation et la « softwarisation ». Délivrer les services futurs en accord avec la demande client (B2B, B2C, B2B2C) nécessite de comprendre cette différence et de travailler au bon rythme des écosystèmes.
Ainsi mes équipes accompagnent, conseillent, sponsorisent et orientent les décisions et les projets suivant ces critères.
SNCF s’intéresse notamment à la 5G. Pourquoi ?
Nous avons une multitude de cas d’usages, dont la 5G semble être un des éléments de solution technique. Jusqu’ici, la 2G, 3G et 4G adressaient surtout les besoins de la grande consommation, et le monde industriel suscitait un intérêt et un volume d’affaires marginal. Si nous consommons des terminaux et des cartes SIM pour des usages classiques ou M2M (machine to machine), nous avons peu d’interaction réellement partenariale.
La 5G est par conception tournée vers les enjeux industriels, promettant plus de débit, une latence très faible et une densité de connexion très élevée. Elle promet aussi des services à la demande et sur-mesure en fonction de la nature et de la criticité du besoin. Nous sommes convaincus qu’exprimer nos besoins et travailler avec les différentes parties prenantes au plus tôt permettra de mieux caractériser les services à développer et anticiper les évolutions qu’ils susciteront.
Vous avez lancé des expérimentations dans ce sens. Quelle en est l’approche ?
Nous avons lancé un programme 5G avec la volonté de nous ouvrir sur cet écosystème et de travailler avec les opérateurs de télécommunications et les autres partenaires dans une logique d’expérimentation. Nous voulions valider dans un environnement réel, et non pas en laboratoire, la faisabilité de cas d’usages divers et pertinents pour SNCF et favoriser l’émergence de ces plateformes en régions.
Notre première volonté est de créer un savoir commun au sein de l’écosystème et co-construire les modalités technologiques, économiques, juridiques et opérationnelles possibles demain, au plus tôt.
En parallèle, la Direction Technologies, Innovation et Projets du groupe et la Direction Technique du Gestionnaire d’Infrastructure SNCF Réseau ont mis en place un programme dédié aux tests des composantes techniques industrielles pour le futur de l’exploitation ferroviaire.
Quels sont les cas d’usages sur lesquels vous travaillez ? Qu’en retenez-vous ?
À ce jour, avec les Activités SNCF, nous avons identifié 28 cas d’usages et cette liste est loin d’être exhaustive et nous testons dès maintenant les plus accessibles.
À Lyon, nous testons avec Bouygues Telecom, Ericsson et Samsung, la capacité à remonter les informations techniques des trains dès leur arrivée en gare. Transmettre rapidement ces données aux centres de maintenance afin de gagner en réactivité sur l’identification des pannes et la préparation des actes de maintenance est un enjeu de productivité et in fine de qualité de service.
À Rennes, avec Nokia, Sony et Qualcomm, nous testons du 26 gigahertz dans une installation intérieure en gare. C’est un très haut débit avec une faible latence.
Le but est de permettre, par exemple, au travers d’une application mobile, l’échange vidéo en temps réel et très haute qualité entre les clients et les agents pour l’ensemble des actes de vente, et dans toutes les langues avec de la traduction simultanée.
À Nantes, avec SFR et Huaweï, nous expérimentons des moyens de mise en œuvre de caméras HD pour compléter nos services de vidéo-protection.
Utiliser un média radio et non physique comme la fibre optique nous donnerait plus de flexibilité, de rapidité, tout en réduisant les coûts de déploiement.
Ces tests entrent dans une logique de développement de services et de solutions qui ont pour vocation d’être contributifs de la performance de SNCF. Ils apportent aussi des services qui vont permettre de répondre aux grands enjeux et échéances à venir, notamment Paris 2024.
Quels sont vos enjeux et les objectifs que vous vous êtes fixé ?
Aujourd’hui, notre principal enjeu est de développer cette démarche de co-construction et de multiplier les partenariats.
Les premières plateformes ont été déployées dans une logique verticale, avec d’un côté, SNCF, et de l’autre l’opérateur télécoms et l’équipementier sur des cas qui relèvent intrinsèquement de l’usage de SNCF.
La prochaine étape est de monter des cas d’usages trans-verticaux pour développer de nouvelles synergies. Le principal objectif est de fédérer d’autres industriels pour inventer et déployer des cas d’usages qui seraient en mesure d’apporter des bénéfices évidents pour toutes les parties prenantes. Ces coopérations doivent se construire dans un modèle non transactionnel où chacun apporte son actif afin de ne pas risquer de bloquer prématurément la définition du modèle de service. Je pense qu’il est important d’apprendre à se connaître avant d’entrer dans ces dimensions économiques.
Enfin, toutes ces initiatives s’inscrivent dans la dynamique de transformation de SNCF, qui est déjà bien amorcée. C’est également un enjeu fort sur le plan national alors que se profile Paris 2024 qui sera l’occasion de mettre en avant la performance des industriels et des services français.
En effet, la compétition ne se joue pas uniquement dans les stades, mais aussi tout autour !
Le mot de la fin ?
En France, les industriels et les entreprises peinent à chasser en meute. L’arrivée de la 5G, tournée vers l’industrie et les services professionnels, nous donne l’opportunité de peser ainsi sur le marché télécoms historiquement grand public et de travailler dès maintenant avec les opérateurs au dimensionnement de services qui vont dans le sens de notre performance. Mais pour y parvenir, nous aurions tout intérêt à avancer ensemble !