LA BANQUE : Délocalisation dans les institutions financières : mythe ou réalité ?
Le recours à la délocalisation pour faire face à un contexte concurrentiel accru et un développement croissant des activités à l’international est de plus en plus envisagé par les institutions financières. Si la délocalisation apparaît comme une réponse séduisante, à l’image de son ampleur auprès d’acteurs du monde anglo-saxon, elle est source de nombreuses inquiétudes en France.
Les institutions financières françaises restent pour l’instant relativement à l’écart de ce mouvement. Ce relatif retrait est-il dû à un excès de prudence ou bien à un réalisme légitime en raison des difficultés à anticiper ? En effet, au-delà des objectifs, quels sont les risques inhérents à un projet de délocalisation, les freins à anticiper, les prérequis à lever pour réussir des projets de ce type et en tirer les bénéfices attendus ? Quelle incidence sur le modèle organisationnel et le mode de management ?
Délocalisation, mutualisation, externalisation : des approches différentes mais complémentaires
La délocalisation est à positionner par rapport à d’autres approches, notamment la mutualisation et l’externalisation :
• la délocalisation est le fait de déplacer géographiquement dans un autre pays des activités internes, afin de bénéficier soit d’un savoir-faire pointu, soit d’une législation du travail plus avantageuse sur le plan économique,
• la mutualisation est le regroupement d’activités et répond principalement à un objectif de recherche d’effets d’échelle,
• l’externalisation est le transfert de responsabilité d’activités vers un tiers, avec obligation de résultat (et est donc à différencier de la sous-traitance qui répond à une obligation de moyen).
Ces trois notions ne sont pas exclusives et peuvent être combinées :
• les activités externalisées peuvent être délocalisées par le partenaire,
• les activités mutualisées peuvent être délocalisées ou externalisées,
• les activités délocalisées peuvent être dans un second temps externalisées auprès d’un prestataire local.
Les délocalisations s’intensifient… mais avec des résultats aléatoires
Une récente étude auprès de 50 institutions financières mondiales montre une intensification des projets de délocalisation, à la fois en termes d’ampleur par les employés concernés, mais aussi par les activités couvertes. Si le rythme des délocalisations se ralentit en nombre de projets, ceux-ci sont plus importants, à la fois en termes d’activités couvertes, et le nombre d’employés délocalisés (jusqu’à 20 000 employés pour certains acteurs). Quels que soient les établissements, les stratégies de délocalisation s’envisagent désormais sur des fonctions proches du cœur de métier (back-office, centres d’appels) et non plus uniquement sur des fonctions supports (développement informatique, comptabilité…).
Enfin, ce type de projet, initialement limité à des acteurs de la banque d’investissement, concerne de plus en plus des acteurs de la banque de détail, conduisant à un élargissement du périmètre géographique. C’est donc une triple tendance qui se dégage :
• une professionnalisation du processus de délocalisation auprès des acteurs les plus mûrs,
• un élargissement du périmètre d’activités concernées,
• une diversification des acteurs, notamment sur la banque de détail.
Les résultats de ce type de projet peuvent être significatifs : près de la moitié des acteurs ayant délocalisé certaines de leurs activités enregistrent une réduction du coût des activités correspondantes d’au moins 40 %. A contrario certains acteurs enregistrent des résultats beaucoup plus mitigés, avec des réductions inférieures à 10 %, voir nulles dans certains cas.
Il est intéressant à ce stade de noter que les acteurs ayant les meilleures performances sont ceux qui ont réellement industrialisé le processus de délocalisation, en capitalisant sur l’expérience acquise à travers la réussite de plusieurs projets significatifs.
Ainsi la réussite d’un projet de délocalisation repose sur la vérification de quelques principes clés
• anticiper la rationalisation des processus avant toute délocalisation pour éviter d’éventuels allers retours, générateurs de non-qualité et de perte de crédibilité en interne et en externe,
• structurer son organisation au niveau groupe, pour piloter ce type de projet transverse et maîtriser ainsi ses risques.
La délocalisation, un projet stratégique…
La délocalisation est comme on peut le voir une approche séduisante, mais complexe dans sa mise en œuvre. Les retours sur investissement, bien que séduisants, ne doivent certainement pas consister en l’unique facteur de décision.
Les véritables objectifs recherchés doivent être beaucoup plus globaux et s’inscrire dans un véritable projet d’entreprise, cohérent avec les enjeux stratégiques :
• être plus réactif et davantage flexible, en mettant en place un modèle organisationnel plus souple et ouvert, facilitant le développement à l’international,
• se focaliser sur le cœur de métier, en ne conservant que les activités constituant la proposition de valeur différenciante,
. standardiser-industrialiser les processus, en harmonisant les pratiques au sein de l’établissement, dans le cadre d’une optimisation de la productivité ou de l’efficacité,
• disposer des meilleures pratiques, en bénéficiant d’effets d’échelle et de partage de meilleures pratiques de marché.
… et d’entreprise
Il convient donc d’intégrer le projet de délocalisation dans une vision stratégique plus globale de l’entreprise, d’investir suffisamment sur la préparation du projet, en anticipant notamment les aspects systèmes et process, de démarrer avec des processus simples, industriels et de privilégier des zones où l’entreprise est déjà présente, présentant le cas échéant des potentiels de développement et enfin assurer le transfert de compétences sur les sites de délocalisation.
En conclusion, la délocalisation est un véritable projet d’entreprise : projet transversal touchant toute l’organisation, qui doit donc à ce titre être piloté. C’est surtout une réflexion globale sur le modèle organisationnel, avec des impacts forts sur la culture d’entreprise, la gestion des carrières et le mode de management. C’est la confirmation du passage pour les institutions financières d’un modèle multipays à un modèle totalement global dans le cadre de leur stratégie croissante de développement à l’international.
À propos d’INEUMconsulting
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