La bioingénierie, la biologie et la santé à l’X
Un tour d’horizon de trois labos de l’École :
• Traiter les maladies cardiovasculaires avec Abdul Barakat, directeur de recherche au LadHyX.
• Comprendre la dynamique de la cellule avec Cédric Bouzigues (99) chercheur au LOB
• Diagnostiquer le cancer grâce à la lumière avec Angelo Pierangelo, ingénieur de recherche au LPICM
Le centre de recherche de l’École polytechnique rassemble 1 600 personnes dans 22 laboratoires, dont 21 unités mixtes de recherche avec le CNRS. Il allie l’approfondissement des aspects les plus fondamentaux au développement de domaines plus appliqués qui répondront aux enjeux scientifiques, technologiques et sociétaux de notre siècle.
“ Promouvoir les applications médicales des programmes de recherche ”
Huit thématiques impliquent des projets transverses et multidisciplinaires, auxquels sont associés les laboratoires de l’X : Nanosciences, matériaux innovants et procédés efficaces ; Énergies, transports et environnement ; Bioingénierie, biologie et santé ; Matière et lumière en conditions extrêmes ; Structures et lois universelles ; Concepts et méthodes pour la société numérique ; Modélisation et optimisation des systèmes complexes ; Marchés, innovation et relations entre science et société.
Chaque « Jeudi de la recherche » de l’X explore une de ces thématiques.
Un positionnement interdisciplinaire
Au carrefour entre mathématiques, physique, mécanique, informatique, chimie et biologie, de nombreux laboratoires de l’X transposent les concepts et méthodes de leurs disciplines pour observer la dynamique des processus biologiques, les modéliser et les simuler et ainsi améliorer leur compréhension.
Ils conçoivent de nouveaux biomatériaux, des diagnostics personnalisés plus pertinents, ou proposent de nouveaux procédés d’intervention. Ce positionnement résolument interdisciplinaire s’incarne dans le programme X‑BIO, visant une augmentation significative de la recherche dans ces domaines.
Dans cette logique, l’École est devenue partenaire avec l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) afin de promouvoir les applications médicales de ses programmes de recherche et de renforcer la collaboration scientifique avec les praticiens hospitaliers.
Traiter les maladies cardiovasculaires
Abdul Barakat, directeur de recherche au LadHyX, professeur à l’X, travaille sur un programme de stents intelligents. Il explique : « Petits ressorts métalliques, les stents servent à rétablir la circulation sanguine dans une artère encombrée. Le stent intelligent, développé par l’équipe du LadHyX et sa spin-off, Instent, permet de contrôler l’état de l’artère pour détecter les complications, comme la resténose ou la thrombose.
« Véritable technologie de rupture, ce stent intelligent est également un stent connecté, donnant au médecin une connaissance en temps réel de l’état de cicatrisation de l’artère. Le praticien peut alors évaluer les risques de thrombose et anticiper d’éventuelles complications en ajustant le traitement.
Les tests in vivo réalisés en 2015 ont démontré le succès de cette technologie pour laquelle l’équipe de recherche travaille en étroite collaboration avec l’Hôpital européen Georges-Pompidou.
« Le système complet est en cours de mise au point, pour lancer les études cliniques en 2018 en vue d’une mise sur le marché vers la fin 2019. »
Comprendre la dynamique de la cellule
Cédric Bouzigues (99) est chercheur au LOB et maître de conférences à l’X.
Il présente une nouvelle méthode d’imagerie. « L’eau oxygénée (H2O2) est un élément courant du fonctionnement de la cellule, connue pour ses propriétés bactéricides et pour son implication dans la réponse cellulaire au stress. Elle est aussi impliquée dans la réaction cellulaire induite par des lésions vasculaires, la progression de tumeurs cancéreuses ou de pathologies neurodégénératives.
Les méthodes actuelles d’imagerie permettent d’indiquer sa présence dans une cellule mais ni sa quantité, ni sa localisation, ni son évolution dans la cellule.
« Des nanoparticules luminescentes ont été mises au point pour élaborer une nouvelle méthode d’imagerie : leur degré d’oxydation est directement lié à la concentration en eau oxygénée de leur environnement. Une fois ces particules injectées, la zone étudiée est éclairée par un laser bleu qui fait ressortir leur luminescence, permettant de collecter des informations d’une grande précision.
On peut ainsi cartographier et mesurer en temps réel la production d’eau oxygénée dans une cellule en réponse à un stimulus extérieur.
« Cette méthode d’imagerie permet de disséquer les mécanismes de formation de la réponse cellulaire à certains signaux : elle a notamment révélé la réponse à un facteur de croissance, le PDGF, impliqué dans la progression de certaines tumeurs.
Une transposition in vivo doit permettre à terme de réaliser des diagnostics précis et de prescrire des traitements personnalisés et adaptés à chaque patient.
Il sera aussi possible de contrôler quantitativement l’impact de ces traitements et de les ajuster de manière très fine, dans le but de développer des stratégies de contrôle plus efficaces. »
Diagnostiquer le cancer grâce à la lumière
Angelo Pierangelo est ingénieur de recherche au LPICM. Il travaille sur le diagnostic précoce des cancers grâce à la lumière polarisée.
« La détection précoce d’une lésion cancéreuse et l’ablation chirurgicale complète des parties pathologiques sont deux points cruciaux pour améliorer considérablement les chances de guérison d’un patient.
Cependant, le diagnostic d’un cancer en phase initiale reste très difficile car lié à une prise aléatoire de biopsies alors que les parties pathologiques sont difficilement identifiables à ce stade de la maladie. La biopsie consiste à prélever un échantillon de tissu à l’endroit supposé de la lésion : cela implique une connaissance préalable de sa localisation, ce qui n’est pas toujours évident.
Les médecins sont parfois contraints de réaliser un grand nombre de prélèvements, ce qui augmente le coût de l’examen ainsi que les délais de traitement.
“ La polarisation de la lumière peut être utilisée pour la détection précoce des lésions cancéreuses ”
« L’imagerie polarimétrique permet d’obtenir des contrastes liés à la manière dont le tissu exploré modifie la polarisation de la lumière incidente. On illumine la zone d’intérêt avec une lumière dans un état de polarisation déterminé, puis on analyse l’état de polarisation de la lumière rétrodiffusée par l’échantillon.
Dès ses phases initiales, une lésion cancéreuse modifie les propriétés optiques microscopiques d’un tissu en déterminant un changement de sa réponse polarimétrique à une échelle macroscopique.
La polarisation de la lumière peut donc être utilisée pour la détection précoce des lésions cancéreuses situées à la surface des organes et non visibles aux techniques d’imagerie conventionnelles.
« L’équipe développe actuellement des imageurs polarimétriques de Mueller pour améliorer la prise en charge des cancers épithéliaux, qui représentent 80 à 90 % des cancers, notamment (avec trois hôpitaux parisiens) le carcinome du col utérin, deuxième cancer chez la femme. Les premiers résultats sont très encourageants.
« Une autre étude est en cours sur l’utilisation de cette imagerie pour la détection du cancer résiduel après traitement des cancers du col utérin. Un premier prototype de colposcope polarimétrique de Mueller est en phase de réalisation pour l’exploration du col utérin in vivo. Sur ce sujet, la start-up ADMpolar est en cours de lancement (courant 2016).
« Ces études ouvrent la voie à l’exploration d’autres cancers épithéliaux dans plusieurs domaines médicaux (gastroentérologie, pneumologie, urologie). »