La Biologie, l’Homme et l’Éthique à l’aube du XXIe siècle
La biologie
La biologie
Le mot biologie, créé par le naturaliste allemand Treviranus, a été employé pour la première fois en français en 1802 par le zoologiste Lamarck et largement utilisé par Auguste Comte. Dans l’édition de 1889 le dictionnaire de Littré donne comme définition à la biologie : Science qui a pour sujet les êtres organisés et dont le but est d’arriver, par la connaissance des lois de l’organisation, à connaître les lois des actes que ces êtres manifestent. Le même dictionnaire définit aussi le terme biochimie : Branche de la biologie qui traite de la constitution chimique des substances produites par l’action de la vie.
C’est au milieu du XXe siècle qu’apparaît le terme : biologie moléculaire pour désigner une discipline qui s’occupe non seulement de la constitution chimique des substances propres aux êtres vivants mais vise à expliquer le fonctionnement des êtres vivants, leur reproduction et leur hérédité par des mécanismes mettant en jeu des molécules de structure définie et spécifique (acides nucléiques, protéines, sucres, lipides) et à décrire les interactions entre ces molécules.
Les progrès de la biologie et plus spécialement de la biologie moléculaire ont eu des applications nombreuses et essentielles en médecine mais aussi dans plusieurs domaines industriels, ce qui a conduit à créer le terme biotechnologie. Depuis longtemps d’ailleurs la préparation du pain, des boissons fermentées, des fromages ainsi qu’un grand nombre de pratiques agricoles (cultures et élevages) faisaient appel à ce que l’on peut appeler des biotechnologies.
Il était dans la nature des choses que l’essor des applications de la biologie à la médecine et à d’autres activités humaines conduise à porter un jugement moral sur la portée et les conséquences de ces applications, ce qui a forgé le mot bioéthique.
Enfin, l’utilisation possible, dans certains conflits, d’armes biologiques (virus, bactéries pathogènes, toxines microbiennes) correspond à ce que l’on doit, hélas, appeler le bioterrorisme.
La génétique
Par ses concepts et par ses applications actuelles et potentielles, l’une des branches les plus importantes et les plus dynamiques de la biologie n’est autre que la science de l’hérédité, en d’autres termes : la génétique. Depuis les travaux, d’abord surtout descriptifs, puis de plus en plus explicatifs de Gregor Mendel (1822−1884), de T. H. Morgan (1866−1945) et de très nombreux autres généticiens, la génétique est devenue elle aussi moléculaire, comme l’illustre l’étude de la constitution chimique et de la structure de l’acide désoxyribonucléique (ADN), support du code génétique, de celles des gènes eux-mêmes, puis le séquençage des génomes (c’est-à-dire de la totalité des gènes) d’organismes vivants de plus en plus complexes : virus, bactéries (par exemple le bacille de la tuberculose), d’une levure, tout récemment de la Drosophile (la petite mouche du vinaigre, tant utilisée par Morgan et ses successeurs), en attendant le décryptage, prévu pour les premières années du siècle prochain, du génome humain.
D’ores et déjà, la technique des « empreintes génétiques » déterminées à partir de fragments d’ADN présentant un très haut degré de spécificité individuelle révolutionne la médecine légale.
Comme l’a souligné François Jacob, les conceptions théoriques en matière de génétique humaine sont à la base de systèmes de pensée politique profondément différents. À la question de savoir quelle est, dans le comportement humain, la part du déterminisme génétique, deux philosophies s’affrontent : celle du « tout génétique » et celle de la « cire vierge ».
Pour les partisans de cette dernière, qui découle logiquement de la pensée marxiste, l’individu est entièrement façonné par sa classe sociale et son éducation, et son patrimoine génétique n’a qu’une importance secondaire. Il est intolérable que les caractères des plantes, des animaux et de l’espèce humaine soient figés, déterminés par la structure des gènes : le système social et le pouvoir politique doivent être capables de s’opposer à ce déterminisme génétique. C’est dans cette optique que Staline a accordé toute sa confiance à un pseudo-généticien, Trofim Lyssenko (1898−1976), lequel, extrapolant à partir de techniques de vernalisation, qu’il connaissait, a pu faire croire au dictateur soviétique qu’il était possible de modifier durablement et favorablement, par des influences extérieures, les génomes de céréales et d’autres végétaux, autrement dit que l’on pouvait transmettre héréditairement des caractères acquis pendant la vie. La conformité de cette croyance erronée avec la doctrine marxiste a même provoqué la déportation en Sibérie de plusieurs généticiens soviétiques qui n’acceptaient pas les vues totalement fantaisistes de Lyssenko !
À l’inverse, les partisans trop systématiques de la conception du « tout génétique », à savoir le déterminisme absolu des gènes, ont été à l’origine, dès le début de ce siècle, de mouvements visant à l’eugénisme, cherchant à améliorer l’espèce humaine en éliminant, par la stérilisation forcée, les porteurs de « tares » considérées à l’époque comme héréditaires : retard mental, alcoolisme, tuberculose, syphilis, épilepsie, voire pauvreté…
Au début de ce siècle, l’eugénisme a été d’abord prôné en Grande-Bretagne, par des généticiens de renom, de droite comme de gauche, mais les lois visant à empêcher la reproduction des porteurs de tares n’ont pas été appliquées. Aux États-Unis, dès la fin du XIXe siècle et jusqu’en 1917, certains États pratiquaient la stérilisation forcée de porteurs de tares dites héréditaires, et ces pratiques eugéniques ont également été utilisées, sur une assez grande échelle, en Norvège et en Suède.
La France a échappé aux tentations eugéniques peut-être simplement parce que la génétique n’avait, avant la Deuxième Guerre mondiale, pratiquement aucune place dans les enseignements universitaires de notre pays…
Il est tout à l’honneur du Pape Pie XI d’avoir solennellement condamné, dès 1930, l’eugénisme sous toutes ses formes, et cela avant même que l’Allemagne nazie ne pousse, sous le vocable ignoble « d’hygiène raciale », l’eugénisme dans ses pires excès : stérilisation forcée et en masse des faibles d’esprit, des alcooliques, des schizophrènes, des maniacodépressifs, des aveugles et des sourds de naissance, prélude atroce aux génocides des Tziganes et des Juifs…
Le décryptage en cours du génome humain conduira certainement à d’importantes et décisives avancées en médecine, mais on peut aussi s’attendre à ce que ce décryptage jette une lumière vive et précise sur le déterminisme génétique des capacités intellectuelles, affectives et morales de l’espèce humaine. Cela pourrait éventuellement mettre en évidence des différences ou des inégalités innées existant dans ces domaines entre individus ou même entre populations ; des surprises seront possibles, allant à l’encontre du « politiquement correct » et un affrontement entre généticiens et hommes politiques n’est pas exclu…
Notons d’ailleurs que, à l’heure actuelle, une vision fataliste du « tout génétique » semble imprégner le discours des médias, jusqu’à faire croire aux lecteurs ou aux auditeurs que tout dans le comportement humain est inscrit dans nos gènes, ce qui à la limite aboutirait à réduire à néant la part du libre arbitre et celle de l’éducation et à supprimer la responsabilité morale individuelle. L’image d’un homme prisonnier de son génome paraît être à la mode aujourd’hui et cette vision réductionniste représente un réel danger.
En effet, le rôle et la fonction des gènes sont beaucoup plus complexes que cette vision schématique conduit à penser : une caractéristique physique donnée pourra dépendre de l’action de plusieurs gènes et d’autre part, il convient de distinguer entre la présence dans le génome de tel ou tel gène et l’expression de ce gène, c’est-à-dire sa capacité réelle de jouer son rôle de code : si des influences extérieures n’ont aucune capacité de modifier un gène (à l’exception des techniques de « génie génétique » mentionnées plus loin), elles ont le pouvoir d’en moduler l’expression.
Récemment, des généticiens sont parvenus par introduction d’un gène particulier dans le génome de rongeurs (souris, campagnols) à stimuler les capacités d’apprentissage et de mémorisation de ces animaux ou à modifier leur comportement sexuel : de là à conclure, comme l’ont fait quelques journalistes, qu’il existerait dans l’espèce humaine un « gène de l’intelligence » ou un « gène de la fidélité conjugale », l’extrapolation est ridicule.
Ainsi que l’a écrit François Jacob : Chez les organismes plus complexes, le programme génétique devient moins contraignant, plus ouvert : il ne prescrit pas en détail les différents aspects du comportement, mais laisse à l’organisme la possibilité du choix. Même les cerveaux de vrais jumeaux ne sont pas identiques. Depuis les animaux les plus simples jusqu’à l’homme, le système nerveux comporte une part d’individualisation qui n’est pas dictée par le génome. Cette part s’accroît à mesure qu’on s’élève dans l’échelle de la complexité neuronale, elle est maximale chez l’homme.
L’objectif des recherches actuelles en génétique humaine est précisément de distinguer, pour tel ou tel comportement pathologique, pour telle ou telle maladie, la part revenant aux gènes et celle revenant à l’environnement. Le professeur Bernard Jeanrenaud a rappelé que l’Organisation mondiale de la santé vient de reconnaître que l’obésité était devenue un problème majeur de santé publique dans de nombreux pays industrialisés. Aux États-Unis, le pourcentage d’adultes cliniquement obèses est de 20 à 25 % ; il est de 17 à 19 % en Allemagne et en Grande-Bretagne, de 11 à 15 % en Espagne, de 9 à 10 % en France, de 6 à 7 % en Italie.
Bien entendu, les causes principales de cette augmentation du nombre d’obèses se trouvent dans des comportements alimentaires tout à fait aberrants mais cependant certaines formes d’obésité sont dues à une pathologie neuro-endocrinienne qui est génétiquement conditionnée et qui met en jeu deux facteurs interagissant au niveau du cerveau et du tissu adipeux.
Récemment aussi, des gènes de susceptibilité à l’alcoolisme ont été mis en évidence sur plusieurs chromosomes chez l’homme. Dans un cas comme dans l’autre, l’élucidation des facteurs génétiques est la première étape critique dans l’élucidation de la contribution plus complexe des facteurs de l’environnement. En outre la connaissance précise des bases génétiques de ces désordres est fort utile pour concevoir à leur égard une thérapeutique appropriée.
Le développement embryonnaire
Comme l’a rappelé le professeur Nicole Le Douarin, l’étude biologique du développement embryonnaire occupe une place centrale dans les sciences de la vie. Le fait que, chez tous les êtres vivants à reproduction sexuée, une cellule unique : l’œuf fécondé, résultant de la fusion des cellules sexuelles (gamètes) mâle et femelle, contienne toute l’information nécessaire et suffisante à la constitution d’un individu est sans doute le problème le plus fascinant de la biologie. Comment au cours du développement de l’embryon à partir de la cellule œuf, des cellules issues de cette dernière par division et possédant donc toutes les mêmes gènes peuvent-elles produire des populations cellulaires aussi différentes les unes des autres par leurs caractéristiques et leurs fonctions que les neurones, les cellules sanguines, les cellules musculaires ? C’est essentiellement pour comprendre les mécanismes de cette différenciation cellulaire que des biologistes ont effectué des expériences de clonage des embryons.
L’objectif poursuivi était de voir si des noyaux prélevés à partir de cellules différenciées avaient conservé ou non les potentialités génétiques des noyaux des cellules non encore différenciées (donc considérées comme « totipotentes ») issues des toutes premières divisions de l’œuf. Les expériences ont d’abord été effectuées chez la grenouille, chez le crapaud puis, plus récemment, chez la souris et enfin chez la brebis. Ce que l’on appelle le clonage consiste essentiellement à remplacer le noyau de l’œuf par le noyau d’une cellule différenciée provenant d’un tissu d’un seul individu.
Normalement, l’œuf issu de la fusion des gamètes mâles et femelles contient des chromosomes (porteurs des gènes) provenant en nombre égal du mâle et de la femelle, et l’individu qui en résulte possède donc un génome original, lequel combine des gènes fournis par les deux reproducteurs : il n’est la copie conforme ni de son père ni de sa mère, et cela est vrai pour tous les êtres vivants à reproduction sexuée.
Seuls de vrais jumeaux possèdent des génomes identiques, puisqu’ils sont issus du même œuf, mais ces génomes sont évidemment distincts de ceux de leurs deux reproducteurs. Depuis vingt ans environ, on sait produire expérimentalement chez les ovins, les bovins, les lapins, des jumeaux semblables à ceux qui se forment spontanément à partir d’un seul œuf : il suffit pour cela de scinder en parties égales un embryon de 5 à 6 jours et de réimplanter ces portions d’embryons (constitués, à ce stade, de cellules totipotentes) chez des femelles porteuses. Les animaux qui résultent de ces expériences constituent des clones, puisqu’ils sont génétiquement identiques entre eux et à l’embryon unique dont ils sont issus.
Les clones
Les expériences de I. Wilmut et de ses collaborateurs en 1997 ont fait franchir un nouveau seuil technologique dans le domaine du clonage des mammifères. Ces chercheurs ont transplanté dans les gamètes femelles d’une brebis (ovocytes), après avoir enlevé les noyaux de ces gamètes, des noyaux provenant de tissu de glande mammaire d’une brebis gestante.
Un agneau, désormais célèbre sous le nom de Dolly, est né d’une série de 277 transplantations de noyaux provenant de cellules d’épithélium mammaire. Pour la première fois donc un mammifère naissait dont le génome provenait d’un seul reproducteur (la brebis dont avait été obtenu le noyau transplanté) au lieu de provenir d’un mâle et d’une femelle.
Le génome d’un animal cloné est identique à celui de l’animal chez lequel on a prélevé la cellule dont le noyau a été transplanté ; l’ovocyte dans lequel ce noyau a été transplanté, après excision de son propre noyau, ne fournit pratiquement pas d’élément génétique et la femelle porteuse dans l’utérus de laquelle l’œuf ainsi constitué a été réimplanté ne participe en rien au génome du futur animal.
Le clonage d’êtres humains, qui théoriquement n’est pas techniquement impossible, conduirait à « produire » des individus qui seraient la copie conforme d’un seul géniteur (fournissant la cellule somatique, non sexuelle, dont le noyau serait transplanté) et, en poussant les choses plus loin, c’est-à-dire en transplantant les noyaux de plusieurs cellules provenant du même individu, on obtiendrait des clones d’êtres humains génétiquement identiques entre eux. Nul n’est besoin d’insister ici sur la répugnance ressentie par tout individu possédant un minimum d’intelligence et de sens moral à l’idée qu’un pareil clonage d’êtres humains (à quelles fins ? pour satisfaire quelle ambition ?) pourrait un jour être effectué !
Mais il est intéressant de revenir à la notion de cellules pluripotentes ou même totipotentes, ces cellules embryonnaires issues de l’œuf dans les jours qui suivent la fécondation et qui ont le pouvoir de se différencier ensuite, au cours du développement de l’embryon, pour donner tous les tissus et les organes du futur individu.
En 1981, deux équipes de chercheurs dirigées par G. R. Martin et par M. J. Evans ont montré que si des cellules de la masse cellulaire interne d’un embryon de souris de quatre jours postfécondation (que l’on nomme un blastocyste et qui comporte quelques dizaines de cellules) étaient mises en culture in vitro, sur une couche de cellules dites « nourricières », elles prolifèrent abondamment et indéfiniment sans se différencier. On peut ainsi obtenir des lignées stables de cellules pluripotentes entretenues par repiquages successifs ; transplantées individuellement dans le blastocyste d’un embryon de souris, elles peuvent ensuite participer à la constitution de tous les tissus du futur souriceau.
Ces lignées de cellules ont reçu le nom de cellules souches embryonnaires (puisqu’elles proviennent d’embryons et sont la souche des futures cellules différenciées), en anglais embryonic stem cells ou encore cellules ES. Les cellules « nourricières » sur lesquelles ces cellules ES sont cultivées ont pour fonction, tant qu’elles sont présentes, d’empêcher leur différenciation. Injectées à des souriceaux nouveau-nés ou même à des souris adultes, ces cellules ES pluripotentes se sont montrées capables de s’intégrer morphologiquement et fonctionnellement aux tissus dans lesquels elles étaient introduites.
Des cellules ES analogues ont été obtenues à partir d’embryons de singes rhésus et, à la fin de l’année 1998, l’équipe de J. A. Thomson (université du Wisconsin) a publié dans la revue Science un article intitulé : « Cellules souches embryonnaires dérivées de blastocystes humains », article qui a connu un énorme retentissement. Ces chercheurs ont obtenu des blastocystes à partir d’œufs humains produits par fécondation in vitro (FIV) et, avec l’accord des géniteurs, les ont mis en culture sur des couches de cellules « nourricières » : cinq lignées de cellules ES humaines ont été ainsi obtenues, qui ont proliféré in vitro sans se différencier pendant quatre à cinq mois. Injectées à des souris immunodéficientes (incapables de rejeter des cellules étrangères), ces cellules ES humaines ont montré leur capacité de se différencier et de se développer en cellules de l’épithélium intestinal, en cellules osseuses, musculaires et neurales…
Pratiquement au même moment, John Gearhart (université Johns Hopkins, Baltimore) a annoncé qu’il avait pu obtenir, par une technique analogue, des cellules ES à partir de cellules germinales primordiales (précurseurs des spermatozoïdes et des ovocytes) isolées de fœtus humains (provenant d’interruptions volontaires de grossesse) et observer ensuite la différenciation de ces cellules en neurones.
Les espoirs thérapeutiques
Les résultats de Thomson et de Gearhart et ceux sans doute de plusieurs autres équipes travaillant dans la même direction suscitent d’extraordinaires espoirs et, parallèlement, soulèvent de graves problèmes éthiques. Les espoirs sont d’aboutir à la production standardisée de grandes quantités de cellules ES humaines non différenciées mais capables, après injection à des patients, de se différencier, selon les cas, en cellules cardiaques, en neurones, en cellules pancréatiques, en cellules de la moelle osseuse, etc., afin de traiter des pathologies aussi diverses que certaines maladies cardiovasculaires, la maladie de Parkinson, voire celle d’Alzheimer, le diabète, des déficits immunitaires, etc.
Certes, comme dans le cas des greffes de cellules, de tissus ou d’organes pratiquées largement à l’heure actuelle, ces cellules ES injectées à un patient pourraient être rejetées si elles n’étaient pas histocompatibles avec son propre système immunitaire. Mais cet obstacle pourrait être résolu soit en disposant de multiples « banques » de cellules ES correspondant aux divers groupes d’antigènes tissulaires, soit encore en les manipulant génétiquement pour éliminer les gènes codant pour ces antigènes (les rendant ainsi universellement compatibles).
Avant de se lancer dans l’utilisation thérapeutique chez l’homme de ces cellules ES, il sera certes indispensable de réaliser des expériences analogues chez l’animal de laboratoire (souris, rat, cobaye), en utilisant évidemment des cellules ES provenant de ces espèces et en mettant au point, chez ces animaux, des modèles de pathologies ressemblant à celles que l’on se propose de traiter chez l’homme. Du succès de ces expériences dépendra l’avenir de cette approche.
À côté de ces perspectives thérapeutiques extrêmement encourageantes bien qu’encore théoriques se profilent bien entendu d’importants enjeux économiques, car la production en masse de nombreuses lignées de cellules ES humaines ne pourrait être faite que par des entreprises industrielles. C’est ainsi qu’une société basée dans le Massachusetts, Advanced Cell Technology, a récemment annoncé que ses chercheurs avaient implanté le noyau d’une cellule humaine adulte (isolée d’un fragment de peau) dans un ovocyte de vache préalablement vidé de son noyau.
À partir de cette chimère mi-bovine mi-humaine, qui s’est développée jusqu’au stade de blastocyste, ils ont réussi à mettre en culture des cellules ES génétiquement humaines (puisque le noyau implanté est d’origine humaine), qu’ils destinent éventuellement à des usages thérapeutiques. L’avantage de cette approche est qu’elle ne fait pas appel à des embryons humains, mais à des cellules obtenues chez des adultes.
La procréation
Les problèmes éthiques que pose la production de cellules ES humaines à partir de blastocystes humains sont évidents, car ces techniques font inévitablement partie de ce que l’on appelle, un peu abusivement, l’expérimentation sur embryons humains et l’utilisation éventuellement commerciale de ces embryons. Notons d’ailleurs que les recherches des équipes de Thomson et de Gearhart ont été financées par des fonds privés et non par les agences officielles de recherches des États-Unis, les lois de ce pays interdisant jusqu’à une date récente l’utilisation de fonds publics pour les recherches portant sur des embryons humains.
Mais pour mieux cerner ces problèmes éthiques, il est utile de réfléchir, comme l’a fait très lucidement le professeur Georges David, à ce que l’on peut appeler les nouvelles stratégies de procréation humaine. Aujourd’hui, tout au moins dans les pays industrialisés, l’homme et la femme possèdent une maîtrise quasi totale de la procréation. Les nombreuses méthodes de contraception permettent d’éviter les grossesses non souhaitées ; l’interruption volontaire de grossesse (IVG) élimine impitoyablement les embryons non désirés et, s’il est permis à l’auteur de ces lignes, d’exprimer une opinion personnelle, il est navrant de penser que beaucoup d’avortements, très souvent bien mal vécus, pourraient être évités par une meilleure information et une meilleure discipline contraceptives…
À l’inverse, toujours dans les pays développés, les techniques de procréation médicale assistée (PMA) permettent à de très nombreux couples qui auraient jadis été stériles, d’avoir des enfants. À l’insémination artificielle de la femme par le sperme d’un donneur anonyme (au lieu de son conjoint) a succédé, depuis un premier succès en 1978, la fécondation in vitro (FIV) dans laquelle le spermatozoïde féconde in vitro l’ovocyte, l’œuf obtenu étant ensuite implanté dans l’utérus de la mère (ou éventuellement celui d’une mère porteuse).
Plus récemment, pour pallier certains échecs de la FIV dus à une incapacité de certains spermatozoïdes de pénétrer dans l’ovocyte, la technique de micro-injection a été mise au point, elle consiste à injecter directement le spermatozoïde dans l’ovocyte, tout cela in vitro, bien entendu. Découverte en 1991 par une équipe belge, cette technique a connu un développement considérable (14 000 interventions de ce type en France, en 1997).
La FIV elle-même a bénéficié rapidement de deux progrès importants : la stimulation ovarienne (pratiquée pharmacologiquement chez la femme) permet d’obtenir plusieurs ovocytes à partir d’un même cycle, la congélation des embryons conçus in vitro permet de multiplier les tentatives d’implantation dans l’utérus et de grossesse en résultant.
D’autre part, il est désormais possible de faire un diagnostic génétique dès les premières heures de la vie des embryons et de ne pas implanter ceux qui sont porteurs d’une anomalie chromosomique ou génique : c’est le diagnostic pré-implantatoire, évidemment préférable, quand il est possible (c’est-à-dire dans le cas de la FIV), au diagnostic prénatal, effectué beaucoup plus tard, sur les cellules du liquide amniotique, examen pouvant conduire à une IVG si une anomalie est constatée.
Il ne faut pas se dissimuler que les possibilités actuelles de diagnostic génétique pré-implantatoire ou prénatal, permettant l’élimination des embryons porteurs d’anomalies, ne sont autres qu’une forme d’eugénisme, un eugénisme certes bien différent dans ses modalités et ses objectifs de celui prôné par certains régimes totalitaires, mais conduisant quand même à refuser le droit de vivre à des êtres porteurs d’un handicap héréditaire (trisomie 21, par exemple).
Au fur et à mesure que le décryptage du génome humain progressera, la possibilité augmentera de pratiquer une telle sélection génétique prénatale, au détriment d’êtres humains non conformes à une certaine norme, en un mot : de ceux qui sont physiquement ou mentalement différents de ce que le consensus social considère comme la normalité, le « génétiquement correct ».
D’autre part, dans la mesure où des facteurs génétiques peuvent être impliqués dans certaines formes d’infertilité féminine ou masculine, l’utilisation étendue des techniques de PMA, permettant à ces femmes et à ces hommes de procréer, conduira sans doute à une plus grande fréquence dans la population de sujets devant recourir eux aussi aux PMA pour se reproduire à leur tour.
Notons que le développement des techniques de PMA comporte des aspects économiques qui sont loin d’être négligeables, ce qui pose à nouveau des problèmes éthiques. Aux États-Unis, des jeunes femmes acceptent de « vendre » (par l’intermédiaire d’agences spécialisées) des ovocytes prélevés dans leurs ovaires, après stimulation hormonale, à des couples dont la femme est stérile. L’ovocyte est fécondé in vitro par le sperme du mari et l’œuf résultant est implanté dans l’utérus de l’épouse qui deviendra ainsi la mère biologique, mais non génétique, du futur bébé.
Ce qui est inquiétant dans une telle pratique c’est que la « valeur marchande » de l’ovocyte vendu est fonction des caractéristiques génétiques de la femme dont il est issu : couleur des yeux et des cheveux, quotient intellectuel, performances athlétiques, particularités ethniques, etc.
Les techniques de fécondation in vitro, fruits de la collaboration étroite entre le biologiste, le gynécologue et l’andrologue, ont pour objectif premier de permettre la procréation aux couples qui, pour diverses raisons, ne peuvent pas procréer de manière naturelle. Mais ces techniques ont, pour la première fois, permis aux biologistes, et plus particulièrement aux embryologistes, d’assister in vitro à la formation de l’être humain aux tout premiers moments de sa vie. Cela amène à se poser la question essentielle, fondamentale et complexe, du statut de l’embryon humain conçu in vitro. Peut-il, dans certaines conditions bien précises, servir de « matériel de recherche » ?
Quand le biologiste parle de recherches sur l’embryon humain, les personnes peu informées imaginent avec horreur une sorte de « vivisection » exercée sur des fœtus de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois… Il n’en est heureusement rien : les observations et les utilisations possibles (comme celle évoquée plus haut de l’obtention de lignées de cellules ES pluripotentes utilisables en thérapeutique) portent avant tout sur la période initiale du développement embryonnaire, la seule qui puisse se dérouler entièrement in vitro avant implantation dans l’utérus de la femme.
Actuellement, comme le fait remarquer le professeur Georges David : Le souci d’éviter l’emploi de l’embryon pré-implantatoire en tant que matériel de recherche va jusqu’à préférer sa destruction, en cas d’abandon du projet parental, à une utilisation qui pourrait être précieuse pour la connaissance de cette période initiale de la vie humaine… Pourtant, l’accès à cet embryon permettrait d’approfondir utilement nos connaissances sur cette particularité de notre espèce : le formidable taux de vices de conformation, vices cachés dans les conditions normales par les soins d’une nature se chargeant d’une impitoyable et rapide élimination.
On sait, en effet, qu’approximativement une moitié seulement des embryons constitués lors de la fécondation naturelle ont des chances de vie, du fait de l’interruption spontanée du développement des autres dès les premiers jours ou les premières semaines de grossesse. L’examen systématique des fœtus provenant d’avortements spontanés (fausses couches) a révélé la fréquence des anomalies chromosomiques chez ceux-ci, anomalies qui auraient entraîné des malformations graves : c’est bien la nature, et non la médecine, qui fait là preuve d’un eugénisme assez radical !
Il convient aussi de rappeler que dans la fécondation in vitro, à la suite de la stimulation ovarienne, un seul embryon est implanté après qu’un certain tri eut été effectué, sur des critères principalement morphologiques, mais que plusieurs œufs ont été produits. Ceux qui n’ont pas été implantés sont conservés au congélateur pour être finalement détruits. Il est important de se poser avec sérieux la grave question suivante : serait-il contraire à l’éthique, à la dignité de la personne humaine, de solliciter des parents l’autorisation d’utiliser ces embryons surnuméraires, non destinés à se développer, pour des recherches visant à approfondir les connaissances sur le développement embryonnaire ou encore à forger de futurs et puissants outils thérapeutiques ?
Les problèmes éthiques
Mais il est peut-être préférable du point de vue éthique de n’utiliser pour ce genre de recherches ou d’applications thérapeutiques que des embryons conçus in vitro spécifiquement à cette fin, sans l’implication d’aucun projet parental. On peut d’ailleurs se poser honnêtement la question : un blastocyste ou même un stade quelque peu ultérieur du développement embryonnaire est-il authentiquement un « être humain » – au lieu d’un amas de cellules d’origine humaine -, ou cette appellation d’être humain ne convient-elle vraiment qu’à un embryon implanté dans l’utérus d’une femme et s’y développant en vue de donner naissance à un enfant ? C’est là que revient à nouveau la question du clonage d’un être humain.
Quels objectifs, un biologiste peut-il poursuivre en cherchant à effectuer ce clonage, comme Wilmut a cloné la brebis Dolly ? Il y a peut-être le projet de façonner un être humain génétiquement identique à la personne dont on a isolé une cellule pour en extraire le noyau avant de l’implanter dans un ovocyte : projet insensé, version moderne de l’histoire du Dr Frankenstein, qu’absolument rien, ni moralement, ni scientifiquement ne justifie.
Pas même le désir que peuvent avoir des parents meurtris de « recréer » à l’identique l’enfant qu’ils sont menacés de perdre du fait d’une maladie ou d’un accident. L’enfant ainsi « produit » accepterait-il plus tard de ne devoir son existence qu’à sa qualité de « jumeau » d’un être disparu ? Autre motif, peut-être plus pervers encore, de clonage humain : fabriquer un embryon dont on pourra, à divers stades de son développement fœtal, utiliser les cellules, les tissus, voire les organes, pour les greffer, sans aucun risque de rejet immunologique, chez l’individu même qui a fourni le noyau cellulaire initial.
Tout cela peut paraître parfaitement clair. Hélas, les biologistes sont des hommes comme les autres : il y a parmi eux des tricheurs, des illuminés, des pervers, des individus avides de célébrité ou d’argent et il est donc à craindre qu’un jour ou l’autre de pareilles expériences soient tentées par certains, comme d’ailleurs en font planer la menace quelques soi-disant chercheurs… Des travaux très récents suggèrent cependant que l’âge biologique de l’être vivant résultant d’un clonage pourrait être le même que celui de l’individu dont est issue la cellule somatique fournissant le noyau. Cela pourrait décourager quelques initiatives, l’espérance de vie de l’individu cloné ne dépassant peut-être pas celle du donneur de noyau…
Raison de plus pour que l’on se mette rapidement et clairement d’accord, si possible entre tous les pays où des recherches sur l’embryon humain sont techniquement possibles, sur ce qui est licite et sur ce qui ne l’est absolument pas et ne le sera jamais. Car le risque existe, comme l’a dit Axel Kahn, de s’approcher, par petites étapes, de ce qui est inacceptable. Le 9 décembre 1998, à New York, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la déclaration universelle sur le génome humain qui interdit dans l’espèce humaine le clonage à des fins de reproduction.
Le principe général qui inspire cette déclaration sur le génome humain, adoptée par les 182 États membres de l’ONU, est de parvenir à concilier la liberté d’action des chercheurs en biologie cellulaire et en génétique avec l’indispensable protection de l’espèce humaine contre les abus qui peuvent découler de cette activité scientifique. Il convient de souligner que l’interdiction en question ne vise le clonage humain que s’il est effectué en vue de la reproduction d’un être humain ; les recherches sur l’embryon humain (entre autres l’obtention de cellules ES pluripotentes) ne sont interdites que si l’embryon a été conçu spécialement et uniquement pour cette utilisation. Il semblerait à cet égard que l’attitude des législateurs américains et britanniques, entre autres, soit plus libérale que celle qui prévaut en France. Il est vrai que des distinctions subtiles entre ce que l’on se propose de faire et ce que l’on fait réellement peuvent ouvrir la porte à bien des abus…
D’autre part, la rapidité avec laquelle les chercheurs avancent dans la connaissance des processus de différenciation cellulaire rendra peut-être inutile, pour la production de cellules pluripotentes, le recours à l’embryon humain. En effet, en janvier 1999, l’équipe d’Angelo Vescovi, travaillant à Milan, a montré, chez la souris, que des cellules souches neurales qu’ils ont isolées du cerveau d’animaux adultes ou embryonnaires, puis cultivées in vitro, se sont différenciées pour donner des cellules sanguines (correspondant aux diverses populations produites normalement dans la moelle osseuse) lorsqu’elles ont été transplantées chez des souris dont la moelle osseuse avait été détruite par irradiation.
Ce qui laisse entrevoir la possibilité de produire des cellules pluripotentes humaines à partir de tissus prélevés chez l’adulte. Les mois et les années qui viennent vont très probablement voir de nombreuses équipes de chercheurs s’attaquer au problème de la production de cellules humaines pluripotentes par divers procédés éthiquement acceptables.
Les progrès de la médecine et les maladies émergentes
À l’approche du XXIe siècle, nous sommes nombreux à croire ou à espérer que nos enfants et petits-enfants, dont la vie se déroulera en grande partie au cours de ce siècle, ne connaîtront pas les tragédies qui ont marqué le XXe siècle : deux guerres mondiales, d’ignobles génocides, des guerres civiles fratricides, de nombreuses crises économiques et sociales… À quoi il faut ajouter, pour revenir aux considérations biologiques, deux pandémies : la grippe de 1918 (qui a tué 20 millions de personnes, la plupart jeunes) et le SIDA, qui, depuis son apparition il y a une vingtaine d’années, a déjà tué environ 14 millions d’êtres humains et continue inexorablement à faire des ravages, principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud-Est mais aussi dans nos pays…
Il appartenait au professeur Jacques Ruffié de parler des « Défis de la Science à l’aube du IIIe millénaire ». Premier défi : la poussée démographique accélérée, résultant en grande partie d’un accroissement des ressources naturelles par le développement de l’agriculture et d’une plus ou moins importante amélioration des conditions de vie et d’hygiène. En 1830, la planète comptait 1 milliard d’habitants ; en 1930, un siècle plus tard, elle en comptait 2 milliards. Ce chiffre est passé à 3 milliards en 1960 et à 4 milliards en 1975. En 1999, nous sommes déjà 6 milliards d’êtres humains. Le scénario retenu par les démographes de l’ONU prévoit une population mondiale de 8 milliards en 2050.
Ces chiffres, même s’ils sont considérables, excluent l’hypothèse jadis avancée d’une explosion démographique catastrophique. Au rythme actuel, la planète se peuple de 78 millions de nouveaux individus chaque année (au lieu des 90 millions annuels il y a dix ans). Les raisons de ce ralentissement sont multiples : plus large utilisation des contraceptifs dans des pays sous-développés, ravages du SIDA en Afrique subsaharienne.
D’autre part, le vieillissement et la stagnation démographique des pays riches industrialisés sont un phénomène durable, alors que le poids des pays en voie de développement deviendra de plus en plus écrasant. Ce sera là sans doute un des bouleversements majeurs de la vie des humains au XXIe siècle : une société prospère mais vieillissante face à une marée humaine jeune naturellement désireuse d’améliorer ses conditions d’existence. Il faut porter au crédit de la biologie, dans la mesure où cette science exerce une influence directe et capitale sur la médecine humaine et vétérinaire et sur l’agronomie, les victoires remportées sur de très nombreuses pathologies humaines, animales et végétales, au cours du XXe siècle. La variole a été éradiquée de la surface du globe il y a une trentaine d’années, la poliomyélite le sera sans doute très prochainement. Il existe des vaccins très efficaces contre la rougeole, la rubéole (cause de malformations congénitales), les hépatites virales A et B, le tétanos, la coqueluche, la diphtérie et, dans quelques années sans doute, nous disposerons de vaccins encore plus nombreux, plus efficaces, mieux tolérés contre les multiples agents infectieux qui affectent les êtres humains et les animaux d’élevage.
Cependant, un nouveau défi est représenté par l’apparition de certaines maladies infectieuses nouvelles que l’on dit émergentes (le SIDA en est un exemple, mais il y a aussi l’hépatite C, les fièvres virales hémorragiques, la maladie de Lyme, etc.) et celles qui réapparaissent en force (maladies réémergentes) comme la tuberculose.
Les produits antimicrobiens, en particulier les antibiotiques, ont sauvé des millions d’êtres humains depuis leur découverte, il y a une cinquantaine d’années et ils continuent à le faire. Cependant, des phénomènes de résistance des agents infectieux vis-à-vis de ces antibiotiques apparaissent aujourd’hui avec une fréquence inquiétante, entre autres dans la pratique hospitalière, et la recherche biologique se trouve confrontée à un autre défi : il devient impératif de découvrir de nouvelles molécules dotées d’activités antimicrobiennes s’exerçant par des mécanismes originaux.
Dans la plupart des pays, mais principalement dans les pays industrialisés, l’espérance de vie a considérablement augmenté au cours de la seconde moitié du XXème siècle : cela est à mettre au crédit d’une meilleure alimentation, d’une meilleure hygiène de vie et aussi des possibilités thérapeutiques actuelles contre les maladies infectieuses ou cardiovasculaires, les cancers, divers processus dégénératifs, etc.
Les humains vivent plus longtemps et généralement mieux que jadis mais l’allongement de la durée de vie moyenne s’accompagne parfois, même trop souvent, de situations d’extrême dépendance (comme la maladie d’Alzheimer), pour ne rien dire de la charge financière que cela fait peser sur les plus jeunes, trop souvent confrontés de leur côté au chômage. Mais la biologie est impuissante à résoudre les problèmes liés à l’organisation de la société…
Les manipulations génétiques des végétaux et des animaux
Le défi majeur que la population toujours plus nombreuse des pays sous-développés oppose à la biologie prise dans son sens le plus large est, sans conteste, celui de la malnutrition. Une grande partie de la population de ces pays reçoit une alimentation insuffisante par sa qualité, sa quantité et sa diversité. Des situations de famine sont présentes dans diverses régions ; elles sont parfois dues d’ailleurs à des facteurs politiques (conflits ethniques, embargos) auxquels la biologie ne peut apporter aucune solution.
Mais pour le reste, il est clair qu’une production locale plus efficace et plus diversifiée des aliments essentiels, une meilleure distribution, de meilleurs moyens de stockage modifieraient quelques-unes de ces situations de disette. Et c’est là que les biotechnologies ont leur mot à dire. Il s’agit de ces « manipulations génétiques » qui suscitent tant d’inquiétudes et d’incompréhension, en grande partie parce que leur principe et leurs modalités ont été insuffisamment expliqués. Cette révolution biologique consiste à transformer, essentiellement des végétaux, mais aussi éventuellement des animaux d’élevage, en modifiant leurs génomes par des techniques de transgénisme.
Le transgénisme consiste à introduire chez un végétal ou chez un animal un gène prélevé dans une espèce ou dans une race voisines et qui, s’incorporant au génome de l’organisme receveur, modifiera de manière permanente et, bien entendu, dans le sens de l’amélioration souhaitée un ou plusieurs de ses caractères (par exemple : résistance aux insectes, aux insecticides, au froid, à la sécheresse, aux parasites, en ce qui concerne les végétaux ; production accrue de lait, de viande, en ce qui concerne les animaux d’élevage).
C’est par de telles techniques de transferts de gènes que plusieurs groupes industriels biotechnologiques, principalement américains mais aussi européens, ont pu sélectionner des semences de nombreuses espèces végétales (maïs, colza, courge, riz, melons, tomates, pommes de terre, coton) rendues résistantes aux insectes, champignons et autres parasites, ou résistantes aux insecticides et aux herbicides (ce qui permet d’utiliser ces derniers sans dommage pour la plante elle-même) ou présentant des caractéristiques désirables (tomates plus résistantes à l’amollissement, melons plus sucrés, etc.).
Qui ne voit le potentiel de ces biotechnologies pour améliorer la qualité et la quantité des aliments d’origine végétale ou même animale, à la fois pour les populations des pays industrialisés mais aussi et surtout pour celles des pays sous-développés ? Pour ne prendre qu’un exemple de ce que les techniques de production d’organismes génétiquement modifiés (OGM) peuvent apporter de bénéfique aux populations de ces derniers, citons la possibilité d’augmenter la teneur en vitamine A de certains légumes ou fruits ; or on sait qu’une supplémentation en vitamine A augmente de manière significative la résistance des jeunes enfants de ces régions à certaines maladies infectieuses, notamment au paludisme.
Cependant, à l’heure actuelle, en Europe et aussi au Japon, les OGM suscitent de nombreuses et vives inquiétudes, parfois fondées (et exigeant donc une analyse beaucoup plus précise et plus complète de toutes les caractéristiques nouvelles que présentent les OGM du fait du transfert de gène, certaines de ces caractéristiques pouvant être indésirables ou même néfastes), mais souvent aussi des inquiétudes de nature politique, économique ou idéologique, sans compter celles que l’on peut qualifier de complètement irrationnelles…
Ce n’est pas le lieu ici d’entrer dans le détail des problèmes réels que posera le développement probablement inéluctable des OGM mais osons exprimer la conviction que ces problèmes pourront être résolus par une étude approfondie et au cas par cas de chacun de ces problèmes par des instances nationales et internationales. Réalisme et vigilance devront aller de pair.
La production de protéines humaines
Insistons sur le fait que les biotechnologies basées sur les transferts de gènes offrent encore d’autres possibilités d’un intérêt capital : des bactéries savent maintenant produire des protéines humaines dont l’utilité thérapeutique est considérable : interférons, interleukines, hormone de croissance, facteur VIII de la coagulation, qu’il fallait autrefois préparer à partir de sang humain, avec les risques que l’on connaît.
Dans un proche avenir sans doute des végétaux transgéniques pourront produire de l’hémoglobine, de l’insuline, des protéines virales ou bactériennes utilisables comme vaccins : la consommation de bananes transgéniques produisant l’antigène majeur d’une bactérie ou d’un virus responsable de diarrhées gravissimes suffirait à immuniser contre ces maladies… Qui ne voit l’intérêt de toutes ces prouesses biotechnologiques pour l’humanité et, tout particulièrement, pour les habitants des pays pauvres ? Des biotechnologies similaires ont permis d’obtenir des bactéries capables de produire, en respectant l’environnement, des matières premières pour l’industrie, telles que des biocarburants ou des biopolymères totalement dégradables remplaçant certaines matières plastiques très polluantes.
La thérapie génique
Il faut dire un mot aussi des possibilités d’avenir, encore incertaines mais du plus haut intérêt médical, de ce que l’on nomme la thérapie génique et dont l’objectif est de corriger à l’intérieur des cellules d’un organisme humain les anomalies qui en affectant son génome sont responsables de pathologies graves, souvent aujourd’hui incurables.
Le principe de la thérapie génique est d’introduire, au moyen d’un vecteur approprié, dans les cellules d’un patient atteint d’une maladie héréditaire monogénique (c’est-à-dire résultant de la mutation d’un seul gène comme, par exemple, la mucoviscidose) le gène normal qui, une fois intégré, fonctionnera à la place du gène défectueux.
Mais la thérapie génique peut aussi par des mécanismes quelque peu différents (par exemple introduction dans les cellules cancéreuses d’un gène codant pour une substance capable de tuer ces cellules ou pour un facteur stimulant le rejet de ces cellules par le système immunitaire) fournir une arme puissante en thérapeutique anticancéreuse et c’est dans ce domaine qu’est effectuée, à l’heure actuelle, la majorité des études en clinique humaine de thérapie génique.
Devant toutes ces réponses actuelles ou potentielles que la biologie (et plus particulièrement la génétique) fait aux défis du XXIe siècle dans les domaines de l’alimentation et de la santé des êtres humains, nombreux sont ceux qui accusent les biologistes de « jouer aux apprentis sorciers »… Mais n’est-ce pas parce que, depuis longtemps, des hommes ont osé domestiquer la nature et braver ses contraintes, inventer des approches nouvelles et forger de meilleurs outils, que l’humanité est sortie de l’âge des cavernes et que certaines populations sont parvenues à échapper à la misère et à la souffrance chroniques qui sont encore le lot de tant d’habitants des pays sous-développés ? C’est à ces derniers, à leur avenir, à leurs droits qu’il faut aussi penser…
Il convient d’ailleurs, en ce qui concerne les risques potentiels de certaines biotechnologies, de ne pas confondre les techniques précises et généralement bien codifiées de transferts de gènes conduisant à des OGM clairement caractérisés, avec des pratiques qui n’ont rien de commun avec elles.
L’apparition de l’encéphalopathie spongiforme bovine (« maladie de la vache folle ») n’est nullement liée à une approche biotechnologique : elle a résulté de l’utilisation aventureuse, sans contrôle véritable, de farines animales d’origines douteuses, mal stérilisées de surcroît, pour l’alimentation des bovins.
De même, la perception tardive et insuffisante des risques inhérents aux produits sanguins contaminés par le virus du SIDA n’est pas liée à une quelconque biotechnologie : bien au contraire, ce sont aujourd’hui des biotechnologies qui permettent de produire en toute sécurité des substances thérapeutiques autrefois extraites du sang… Ne faisons pas d’amalgame entre les biotechnologies scientifiquement fondées et certains « bricolages » aventureux !
L’origine de la vie
Les biologistes d’aujourd’hui ne s’intéressent pas exclusivement d’ailleurs aux applications médicales, zootechniques, agronomiques, industrielles de leur science : la plupart d’entre eux, comme bon nombre de leurs contemporains, se demandent comment on peut expliquer, à l’heure actuelle, l’origine et l’évolution de la vie sur notre planète. C’est le thème qu’avait choisi de traiter le professeur Christian de Duve.
Que faut-il penser en 1999 de la phrase, empreinte d’un stoïcisme désespéré, par laquelle Jacques Monod, il y a trente ans, concluait un livre célèbre, Le Hasard et la Nécessité : L’Univers n’était pas gros de la vie, ni la biosphère de l’homme… L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité indifférente de l’univers, d’où il a émergé par hasard… La thèse de Christian de Duve affirme au contraire que l’Univers était “ gros de la Vie ” et que la Biosphère était “ grosse de l’Homme ” en s’appuyant sur ce que ce chercheur appelle “ les contraintes du hasard ”.
On est à peu près certain que la vie a dû se développer par le jeu de réactions chimiques qui, sous l’influence des conditions physicochimiques existant à une certaine époque sur la planète Terre (et vraisemblablement aussi sur d’autres planètes, dans d’autres systèmes solaires), donnèrent naissance à des molécules, puis à des systèmes polymoléculaires de plus en plus complexes, pour aboutir enfin (et là, le saut est gigantesque) aux premières cellules dont sont issues toutes les espèces vivantes actuelles.
Ce processus a nécessairement comporté un très grand nombre d’étapes successives : le résultat final ne pouvait avoir une probabilité significative de se produire que si chacune des étapes de ce processus avait une grande probabilité de se produire, quand et là où elles ont eu lieu.
La conclusion qui s’impose c’est que notre planète (et sans doute toutes celles qui éventuellement ont été le siège de réactions physicochimiques similaires) était “ grosse de la Vie ”. La succession de hasards qui a conduit à l’apparition de la vie avait, en quelque sorte, un sens obligé.
Et qu’en est-il, dans cette perspective, de l’émergence de l’espèce humaine, c’est-à-dire de la pensée et de la conscience ? Le grand biologiste Ernst Mayr a écrit : Ce qui impressionne l’évolutionniste c’est l’incroyable improbabilité qu’une forme de vie intelligente ait jamais été produite par l’évolution. Mais, fait remarquer de Duve, quelque improbable que fût l’émergence de l’espèce humaine, il n’en reste pas moins vrai que l’événement a bien eu lieu ! À la suite de vulgarisateurs brillants, comme Stephen Jay Gould, la mode s’est imposé de dénier toute signification particulière à l’espèce humaine sous prétexte qu’elle n’est, comme toutes les autres espèces vivantes, que le fruit d’une improbable succession d’événements fortuits : “ l’incarnation de la contingence ”…
À cela de Duve répond qu’il n’est pas besoin de dénier au hasard le rôle que la biologie moderne lui accorde dans l’évolution (par le jeu des mutations incessantes et des innombrables facteurs de sélection) pour discerner dans ces phénomènes naturels des directions privilégiées menant, entre autres, à la conscience et à la pensée.
Donc, de même que l’Univers était gros de la Vie, la Biosphère était grosse de l’Homme ! Le professeur de Duve s’est bien gardé de faire appel à une “hypothèse créationniste ”, car, d’un point de vue strictement scientifique, les phénomènes naturels ne doivent s’expliquer que par des causes naturelles, sans intervention surnaturelle d’un Créateur, mais on ne peut s’empêcher de rapprocher cette thèse attrayante des “contraintes du hasard” de celle de “ l’élan vital ” si brillamment exposée par un philosophe spiritualiste Henri Bergson dans L’Évolution créatrice.
Henri Bergson écrivait : Toutes nos analyses nous montrent dans la vie un effort pour remonter la pente que la matière descend… L’évolution de la vie continue une impulsion initiale. Directions privilégiées, “ grossesse ”, sens, effort, impulsion : toutes ces tentatives d’explication de l’émergence de la vie et de la pensée peuvent, à notre avis, conforter la foi de ceux qui croient en l’action initiale et permanente d’un Créateur.
D’autre part, comme l’a souligné Christian de Duve, s’il est indéniable que l’espèce humaine occupe aujourd’hui le sommet de l’arbre de vie, rien de ce que nous savons ne permet d’affirmer que cette place est définitive et que l’évolution qui conduit toujours à une plus grande complexité est achevée avec l’Homme…
L’évolution pourra-t-elle conduire à des êtres mentalement et moralement plus performants et plus assurés que nous ?
Tout ce que nous connaissons des processus évolutifs nous permet d’envisager cette éventualité, sachant bien que, si elle a lieu, ce ne pourra être que dans de nombreux millénaires…
En revanche, les progrès que l’humanité a enregistrés dans la connaissance et l’analyse des phénomènes de la vie et dans sa maîtrise de nombre d’entre eux ont eu lieu en l’espace de deux siècles, principalement celui qui va s’achever.
Déjà au XIXe siècle, Claude Bernard, Louis Pasteur et tant d’autres chercheurs avaient posé les bases d’une médecine scientifique, fondée sur l’expérimentation biologique. Mais au cours du XXe siècle, la cadence des découvertes fondamentales a été vertigineuse : en 1947, la découverte de l’ADN comme support de l’hérédité, en 1953, l’élucidation de la structure de l’ADN (la fameuse “ double hélice ” de Watson et Crick), en 1975, les techniques de recombinaison d’ADN conduisant à ce que l’on nomme le génie (au sens d’engineering) génétique.
Et tout permet de penser que, dans une certaine mesure, cette cadence va se maintenir, principalement en ce qui concerne les applications pratiques (médicales, agricoles et autres) de ces sciences biologiques. Mais aussi en ce qui concerne le retentissement des connaissances nouvelles sur les concepts fondamentaux sur lesquels se base la vie en société.
Que l’on songe, par exemple, au développement actuel des neurosciences qui ne vont sans doute pas tarder à jeter une vive lumière sur les mécanismes moléculaires qui soustendent la pensée, la conscience, et, par voie de conséquence, les comportements humains, l’affectivité, le sens moral, les tendances profondes…
Les défis du XXIe siècle
L’homme du XXIe siècle sera-t-il capable de relever les défis éthiques que posent déjà et que poseront sans doute encore plus les interventions biotechnologiques (au sens large du terme) dans la vie des individus et des sociétés ?
Il lui faudrait une sagesse individuelle et collective qui peut paraître improbable si l’on songe un instant aux atrocités qui ont marqué l’histoire du XXe siècle, montrant que globalement et fondamentalement l’humanité ne différait guère, dans ses tendances profondes, de celle de nos ancêtres les plus reculés, lesquels ne disposaient que de moyens rudimentaires pour s’entretuer !
Pourtant il est absolument nécessaire de garder un certain optimisme, fondé sur le fait que l’homme de demain sera suffisamment informé des enjeux, des bénéfices et des risques inhérents aux progrès des sciences pour savoir prendre les décisions collectives qui s’imposeront. Il est toujours tentant de rappeler la phrase célèbre : Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, mais, au temps de Rabelais, la science était le fait de quelques individus.
Aujourd’hui la science est collective et l’humanité a donc besoin impérativement d’une conscience collective : déjà, dans de nombreux pays industrialisés, existent des comités d’éthique, chargés d’informer les gouvernements sur les problèmes moraux que posent les avancées techniques. On peut espérer, comme vient de le montrer la déclaration de l’ONU sur le génome humain, que les conclusions de ces comités aboutiront à des consensus internationaux sur le caractère licite ou illicite, bénéfique ou dangereux, de telle ou telle technique.
La mondialisation de l’information peut être amenée à jouer là un rôle vraiment important. Car un des risques inhérents aux progrès des connaissances et des pratiques biologiques serait celui d’élargir le fossé, en ce qui concerne leurs bienfaits, entre pays en voie de développement et pays industrialisés, et, au sein même des pays riches, entre les classes aisées et les exclus de la croissance.
Il faut relire aujourd’hui le roman d’anticipation de H. G. Wells L’Île du docteur Moreau (1896) et celui d’Aldous Huxley Le Meilleur des mondes (1932) pour s’apercevoir que des esprits lucides avaient prévu les dangers d’une civilisation purement technicienne parfaitement huilée dont le pouvoir serait “ psychobiologique ” et les risques que des savants fous pouvaient faire courir à la société mais aussi pour constater avec soulagement que tout cela ne s’est pas encore produit.
Depuis très longtemps d’ailleurs, l’humanité sait, plus ou moins clairement, qu’il y a des limites à ne pas franchir : le mythe de Prométhée ayant encouru la colère de Zeus pour avoir dérobé le feu sacré et l’avoir apporté aux hommes, celui de Lucifer, le plus intelligent des anges, précipité en enfer et devenu Satan pour s’être cru l’égal de Dieu, sont toujours là pour nous instruire.
Nous devons espérer aussi que les grandes religions qui inspirent encore aujourd’hui la pensée et la conduite de millions d’êtres humains sauront fournir à leurs fidèles des repères éthiques, ni trop rigides, ni trop permissifs, pour les guider dans l’acceptation ou le refus de ce que les applications pratiques de la biologie peuvent leur offrir.
Nous aimerions conclure ce compte rendu par les paroles toujours actuelles du psaume n° 8 :
À voir Ton ciel,
ouvrage de Tes doigts,
la lune et les étoiles que Tu fixas,
qu’est donc le mortel que Tu en gardes mémoire,
le fils d’Adam que Tu en prennes souci ?
À peine le fis-Tu moindre qu’un dieu,
le couronnant de gloire et de splendeur,
Tu l’établis sur l’œuvre de Tes mains,
tout fut mis par Toi sous ses pieds.
À peine moindre qu’un dieu, la limite est clairement indiquée ! Quel que soit le sens profond qu’ils donnent au concept d’une autorité transcendante, athées, agnostiques et croyants peuvent et doivent se mettre d’accord sur un principe fondamental : l’Homme ne doit pas se prendre pour Dieu ; il est la mesure de toutes choses et c’est le respect absolu et constant de la dignité humaine qui doit inspirer son action.
Puissent les biologistes du XXIe siècle, armés d’enthousiasme et d’audace mais aussi de l’humilité indispensable aux chercheurs, puissent les gouvernements et les fondations qui subventionnent leurs travaux, puissent les groupes industriels qui géreront les applications pratiques de leurs résultats, comprendre que l’objectif ultime reste, à côté des joies pures de la connaissance et des très tangibles récompenses de la découverte, l’amélioration des conditions de vie de tous les êtres humains !
Comme l’a fort bien dit le philosophe Alain : Chaque matin, il faut remonter l’homme et vaincre la fatalité toute la journée, c’est-à-dire vaincre la peur, la colère et la cruauté, filles de l’une et de l’autre. Ne rêvons pas d’une civilisation qui se ferait sans nous et se garderait sans nous ! Et que l’avenir ne donne pas raison au pessimisme de Jean Rostand qui écrivait : La science a fait de nous des dieux, avant même que nous devenions vraiment des hommes !