La bulle opérationnelle aéroterrestre

Dossier : L'armement terrestreMagazine N°615 Mai 2006Par Laurent BARRACO (93)

L’é­vo­lu­tion des tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion apporte de nou­velles pos­si­bi­li­tés dans la défi­ni­tion des sys­tèmes d’armes terrestres.
La ges­tion de l’in­for­ma­tion, mais sur­tout son impor­tance dans des phases stra­té­giques de la manœuvre conduit à mieux inté­grer les moyens d’in­for­ma­tion et de com­mu­ni­ca­tion dans les sys­tèmes d’armes, voire même à faire évo­luer la manière dont ceux-ci sont conçus : est-il néces­saire par exemple de ren­for­cer le blin­dage des véhi­cules si les moyens d’ob­ser­va­tion et de com­mu­ni­ca­tion per­mettent de détec­ter la menace en amont, et com­man­der de déclen­cher les contre-mesures qui inter­di­ront le tir ennemi ?
Le démons­tra­teur de bulle opé­ra­tion­nelle (BOA) lan­cé fin 2005 sera l’oc­ca­sion d’ex­plo­rer de tels concepts et d’en éva­luer les consé­quences tech­ni­co-opé­ra­tion­nelles. Il per­met­tra aus­si la mise en place des outils néces­saires aux équipes éta­tiques et indus­trielles pour appré­hen­der ensemble une nou­velle manière de déve­lop­per ces approches pluridisciplinaires.

Les concepts fondateurs des forces terrestres futures 2025

Pour faire face à la constante évo­lu­tion du cadre d’in­ter­ven­tion des forces armées fran­çaises et fort des pro­grès tech­no­lo­giques constants, notam­ment dans le domaine des nou­velles tech­no­lo­gies d’in­for­ma­tion et de com­mu­ni­ca­tion (NTIC), l’en­semble du minis­tère de la Défense pro­jette de se trans­for­mer dans les années à venir et l’ar­mée de terre n’y échappe pas.

Abbré­via­tions
VBCI : véhi­cule blin­dé de com­bat d’infanterie.
VBL : véhi­cule blin­dé léger.
EBM : engin blin­dé multirôle.
EBRC : engin blin­dé à roues de contact.
VAB : véhi­cule de l’a­vant blindé.
BRAMS : blin­dé de recon­nais­sance et d’ap­pui multisystèmes.
ERC : engin roues canon.
EGACOD : engin du génie d’ap­pui du com­bat débarqué.
EGACE : engin du génie d’ap­pui du com­bat embarqué.
DEMAD : démi­nage d’ap­pui direct.

Ain­si, les évo­lu­tions tech­no­lo­giques atten­dues devront per­mettre aux forces ter­restres d’ob­te­nir la supé­rio­ri­té opé­ra­tion­nelle dans un enga­ge­ment de haute inten­si­té tout en per­met­tant, pour des opé­ra­tions de maî­trise de la vio­lence, d’a­mé­lio­rer le dyna­misme de la manœuvre et la maî­trise des effets.

L’ar­mée de terre a donc défi­ni ses ambi­tions concer­nant les Forces ter­restres futures (FTF) pour 2025 en les repo­sant sur trois concepts fon­da­teurs : info-valo­ri­sa­tion, poly­va­lence opé­ra­tion­nelle et syner­gie des effets.

L’in­fo-valo­ri­sa­tion vise une exploi­ta­tion opti­male des res­sources infor­ma­tion­nelles que per­mettent les nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la communication.

La poly­va­lence opé­ra­tion­nelle des forces se tra­duit par une pos­si­bi­li­té de confi­gu­ra­tions mul­tiples des uni­tés tac­tiques et de leurs moyens (véhi­cules, héli­co­ptères, fan­tas­sins, robots, drones, etc.) en fonc­tion des effets recherchés.

La syner­gie des effets se défi­nit comme la recherche de l’in­te­rac­tion de plu­sieurs effets mili­taires com­plé­men­taires concou­rant à un effet mili­taire global.

Cette muta­tion des forces ter­restres doit res­pec­ter les prin­cipes fon­da­men­taux sui­vants : la pro­gres­si­vi­té, la cohé­rence, la com­pa­ti­bi­li­té avec les sys­tèmes exis­tants et l’a­dop­tion du prin­cipe de suf­fi­sance technologique.

Le concept de bulle opérationnelle aéroterrestre

Ce qu’est le système de contact futur

L’ac­tion au contact met en jeu quatre fonc­tions struc­tu­rantes indis­so­ciables, aux effets complémentaires :
• le contact de déci­sion (Leclerc, VBCI, mis­sile ter­restre longue por­tée…), qui consti­tue, sur tout le spectre des enga­ge­ments, l’élé­ment majeur per­met­tant de réduire le niveau de vio­lence, que ce soit par son effet dis­sua­sif ou par son apti­tude à pro­duire des effets de choc et à rompre le dis­po­si­tif adverse par la foudroyance ;
• le contact poly­va­lent (EBM, EBRC, BRAMS…), dont l’ef­fi­ca­ci­té est opti­mi­sée contre un très large spectre de menaces et qui pos­sède une haute apti­tude à la réver­si­bi­li­té et au contrôle du milieu dans la durée ;
• le contact d’in­ter­ven­tion réac­tive (Tigre, ERC Sagaie…), qui per­met les effets de pré­ven­tion et de contre-sur­prise, par­ti­cu­liè­re­ment apte aux déploie­ments d’ur­gence et à l’ac­tion dans les espaces lacunaires ;
• les appuis rap­pro­chés du contact (Mor­tier 120 NG, EGACOD, EGACE, DEMAD…), à dis­po­ni­bi­li­té per­ma­nente et réac­ti­vi­té immédiate.

Toute for­ma­tion de com­bat de contact doit être consti­tuée de ces quatre fonc­tions struc­tu­rantes, dans des pro­por­tions variables selon le théâtre et la phase de l’opération.

L’ac­tion au contact, dans la zone dan­ge­reuse de proxi­mi­té phy­sique de l’ad­ver­saire, res­te­ra au cœur de l’en­ga­ge­ment des Forces ter­restres futures, et conti­nue­ra de res­ter leur rai­son d’être. C’est tout natu­rel­le­ment cette fonc­tion qui fait l’ob­jet des pre­miers efforts de trans­for­ma­tion de l’ar­mée de terre dans le cadre des FTF 2025.

Depuis 2001, l’ar­mée de terre et la Délé­ga­tion géné­rale pour l’ar­me­ment (DGA) tra­vaillent de concert pour défi­nir le concept de Bulle opé­ra­tion­nelle aéro­ter­restre (BOA) qui concré­tise l’ap­pli­ca­tion au com­bat de contact du prin­cipe de com­bat » info-valo­ri­sé » fon­dé sur la maî­trise et le par­tage de l’in­for­ma­tion, dans un contexte plei­ne­ment inter­ar­mées et multinational.

L’ex­ploi­ta­tion dans le com­bat aéro­ter­restre de l’en­semble des pos­si­bi­li­tés offertes par les NTIC et de la minia­tu­ri­sa­tion a com­men­cé, depuis la fin du siècle der­nier, par une pre­mière étape, connue sous le nom de Numé­ri­sa­tion de l’es­pace de bataille (NEB) qui a per­mis de numé­ri­ser les métiers des opé­ra­tion­nels de l’ar­mée de terre. Tou­te­fois, les pro­grès de la tech­no­lo­gie et la sépa­ra­tion phy­sique pou­vant être opé­rée entre les cap­teurs, les lieux de déci­sion et les sys­tèmes pro­duc­teurs d’ef­fets (chars, engins de démi­nage, mis­siles…) per­mettent d’en­vi­sa­ger des solu­tions tech­niques et des modes de com­bat opé­ra­tion­nels beau­coup plus nova­teurs dont le concept BOA tire pro­fit et qui peuvent induire des évo­lu­tions plus ou moins pro­fondes des métiers de l’ar­mée de terre.

Pour être au ren­dez-vous de 2020–2025, la trans­for­ma­tion de la com­po­sante » contact » de l’ar­mée de terre devra se faire de manière pro­gres­sive et incré­men­tale, dès 2009, pour trai­ter les obso­les­cences majeures à venir qui impo­se­ront des réno­va­tions ou de nou­velles acqui­si­tions tout en main­te­nant, voire accrois­sant, les cinq grandes exi­gences jugées incon­tour­nables dans le com­bat moderne :

• pro­duire les justes effets ;
• limi­ter les phases d’en­ga­ge­ment violent, à forte léta­li­té, dans le temps, l’es­pace et les volumes de moyens engagés ;
• accroître la pro­tec­tion des forces ;
• maî­tri­ser l’empreinte logistique ;
• amé­lio­rer la mobi­li­té stra­té­gique et opérative.

Les enjeux du concept BOA

La pré­pa­ra­tion de cette trans­for­ma­tion amène une rup­ture radi­cale sur la façon de conce­voir les sys­tèmes d’armes futurs. En effet, la réflexion porte aujourd’­hui sur la capa­ci­té opé­ra­tion­nelle glo­bale du sys­tème de contact : cela intro­duit la notion de sys­tème de sys­tèmes (SdS) info-valo­ri­sé dont on ne spé­ci­fie pas le conte­nu mais les per­for­mances glo­bales. Ces per­for­mances glo­bales doivent être décli­nées et allouées sur les sys­tèmes futurs (engin blin­dé médian, mis­sile de com­bat ter­restre…) ou les maté­riels exis­tants à moder­ni­ser (fan­tas­sin du futur, char Leclerc, VBCI, Tigre…) au sein des­quels les fonc­tions du sys­tème de com­bat seront répar­ties et dans les­quels l’in­for­ma­tion sera par­ta­gée par des sys­tèmes connec­tés en réseau. L’ef­fi­ca­ci­té résul­tante repose sur la com­plé­men­ta­ri­té des moyens et des uni­tés opé­ra­tion­nelles qui fonc­tionnent alors en synergie.

Il s’a­git d’une expres­sion de besoin radi­ca­le­ment dif­fé­rente. En effet, les états-majors étaient, jus­qu’à pré­sent, habi­tués à expri­mer le besoin d’un équi­pe­ment ou d’une pla­te­forme avec ses per­for­mances intrin­sèques. Aujourd’­hui, la mise en cohé­rence des moyens opé­ra­tion­nels au sein des SdS ne peut plus res­ter de la seule res­pon­sa­bi­li­té des états-majors…

Les enjeux de la pré­pa­ra­tion de cette trans­for­ma­tion sont doubles :

• prou­ver la per­ti­nence sur le plan opé­ra­tion­nel et la fai­sa­bi­li­té sur le plan tech­no­lo­gique des concepts envisagés ;
• être capable de défi­nir, spé­ci­fier et maî­tri­ser ce sys­tème de systèmes.

Le démonstrateur de la BOA

Pour rele­ver ces deux défis, la DGA et l’ar­mée de terre ont déci­dé, en 2004, de lan­cer un démons­tra­teur de grande enver­gure qui a été annon­cé par le ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, lors du salon d’ar­me­ment Euro­sa­to­ry en juin 2004.

Ce démons­tra­teur a don­né lieu à un Pro­gramme d’é­tudes amont (PEA) dont la réa­li­sa­tion a été noti­fiée par la DGA au grou­pe­ment Thales Com­mu­ni­ca­tions, Giat Indus­tries et Sagem DS, le 6 décembre 2005. Le mon­tant de ce mar­ché s’é­lève à 129 M€ TTC pour une durée de sept ans.

L’ob­jec­tif de ce mar­ché est donc double :

1) il doit per­mettre au minis­tère de la Défense de défi­nir et maî­tri­ser ses futurs sys­tèmes de sys­tèmes à tra­vers l’ac­qui­si­tion d’ou­tils adaptés ;

2) il se foca­lise sur démons­tra­tion de la fai­sa­bi­li­té de mise en œuvre des capa­ci­tés suivantes :
• éla­bo­ra­tion d’une situa­tion tac­tique par­ta­gée, en temps réel, par tous les acteurs, por­tant à la fois sur les forces amies ou alliées et sur les posi­tions tenues par l’op­po­sant ou les posi­tions des tiers ; cette situa­tion tac­tique devant incor­po­rer des aides à la conduite de la manœuvre simples d’emploi ;
• coor­di­na­tion des feux lorsque existent à la fois des pos­si­bi­li­tés de tirs directs et de tirs au-delà de la vue directe ; outre la capa­ci­té de tir au-delà de la vue directe, les tra­vaux por­te­ront sur la répar­ti­tion des cibles entre les effec­teurs de tir dis­po­nibles, la pla­ni­fi­ca­tion tem­po­relle des tirs pour obte­nir les meilleurs effets et le dépla­ce­ment des effec­teurs de tir ou des obser­va­teurs-illu­mi­na­teurs pour les mettre dans une posi­tion opti­male pour le tir ;
• ren­for­ce­ment de la pro­tec­tion des uni­tés, par une adap­ta­tion de la manœuvre qui résulte d’une meilleure connais­sance de la situa­tion tac­tique et par l’in­tro­duc­tion de moyens de pro­tec­tion collective ;
• inter­opé­ra­bi­li­té, tech­nique et opé­ra­tion­nelle, inter­ar­mées et interalliés.

Le système de systèmes et ses capacités

Si la défi­ni­tion d’un sys­tème est aujourd’­hui bien acquise, celle d’un sys­tème de sys­tèmes (SdS) est moins évidente.

La DGA a rete­nu la défi­ni­tion sui­vante : » sys­tème, consti­tué lui-même de sys­tèmes, et répon­dant lar­ge­ment aux cri­tères suivants :

•. indé­pen­dance opé­ra­tion­nelle des sous-sys­tèmes (chaque sys­tème consti­tuant dis­pose d’une consis­tance opé­ra­tion­nelle à lui seul),
 indé­pen­dance mana­gé­riale des sous-sys­tèmes (chaque sys­tème consti­tuant est mana­gé par une enti­té auto­nome et sans lien avec un autre consti­tuant, menant chaque sys­tème consti­tuant à avoir une ligne de vie indé­pen­dante des autres),
 défi­ni­tion et confi­gu­ra­tion évo­lu­tive du sys­tème (la défi­ni­tion du sys­tème de sys­tèmes est en per­pé­tuelle évolution),
 com­por­te­ments émer­gents du sys­tème (cer­taines fonc­tions du sys­tème de sys­tèmes ne peuvent être attri­buées à l’un des sys­tèmes en par­ti­cu­lier et ces fonc­tions per­durent même si l’on perd l’un des consti­tuants du sys­tème de systèmes),
 dis­tri­bu­tion géo­gra­phique des sous-sys­tèmes (tous les consti­tuants ne se déplacent pas en bloc).

Un exemple grand public de sys­tème de sys­tèmes est la navi­ga­tion par satel­lite qui regroupe des ser­vices GPS, de car­to­gra­phie numé­rique, de sur­veillance du tra­fic rou­tier, d’a­lerte des ser­vices d’ur­gence en cas d’accident…

L’ar­mée de terre a défi­ni les capa­ci­tés qu’elle attend d’un SdS comme le sys­tème de contact futur, comme, par exemple, » appré­cier la situa­tion avant d’en­ga­ger le com­bat « . Il en découle un tra­vail consé­quent pour déter­mi­ner quels sont les meilleurs choix pour répar­tir effi­ca­ce­ment les moyens d’ob­ser­va­tion sur les dif­fé­rents blin­dés, drones, robots héli­co­ptères ou fan­tas­sins et déter­mi­ner com­ment les uti­li­ser, pour être sûr de pou­voir four­nir au chef toutes les infor­ma­tions qui lui sont néces­saires pour orga­ni­ser la phase de com­bat à venir.

Organisation du PEA démonstrateur de la BOA

Pour adres­ser cha­cun de ces objec­tifs, le mar­ché noti­fié au consor­tium TGS prévoit :

1) l’ac­qui­si­tion d’un labo­ra­toire tech­ni­co-opé­ra­tion­nel (LTO) per­met­tant de mener effi­ca­ce­ment des réflexions sur les SdS ;
2) la réa­li­sa­tion d’un démons­tra­teur de grande enver­gure (TACTIC) per­met­tant d’é­va­luer les tech­no­lo­gies can­di­dates et vali­der les concepts opé­ra­tion­nels du com­bat de contact info-valo­ri­sé de demain.

1) Le LTO

L’in­tro­duc­tion de la notion de sys­tème de sys­tèmes et l’é­vo­lu­tion de la nature des expres­sions du besoin mili­taire vers une spé­ci­fi­ca­tion de capa­ci­té glo­bale néces­sitent, pour la DGA et les dif­fé­rents états-majors des armées, d’é­vo­luer dans la façon de défi­nir et spé­ci­fier les sys­tèmes. Afin de mieux s’ins­crire dans cette évo­lu­tion, le minis­tère de la Défense a déci­dé de se doter d’un outil inno­vant, décli­nai­son fran­çaise du concept de Bat­tle­lab anglo-saxon : le Labo­ra­toire tech­ni­co-opé­ra­tion­nel (LTO).

Il s’a­git là d’une struc­ture cohé­rente de tra­vail en com­mun DGA, forces et indus­trie, per­met­tant de défi­nir, modé­li­ser et éva­luer les orga­ni­sa­tions opé­ra­tion­nelles et tech­niques répon­dant au mieux, notam­ment en termes de per­for­mance et d’é­vo­lu­ti­vi­té, aux capa­ci­tés opé­ra­tion­nelles des sys­tèmes de défense futurs.

2) Le démonstrateur TACTIC

Le démons­tra­teur du concept de la BOA, nom­mé TACTIC (Tech­no­lo­gies et archi­tec­tures de com­bat aéro­ter­restre info-valo­ri­sé au contact), sera repré­sen­ta­tif d’une force future enga­gée dans les actions au contact, consti­tuée autour d’un sys­tème d’in­for­ma­tion et de conduite du com­bat en temps réel. Cette uni­té expé­ri­men­tale réuni­ra des véhi­cules blin­dés, des com­bat­tants débar­qués, des robots et des drones qui seront tous reliés par un sys­tème d’in­for­ma­tion opé­ra­tion­nel per­met­tant l’é­change d’in­for­ma­tions en temps réel.

Son expé­ri­men­ta­tion per­met­tra à l’ar­mée de terre de mettre au point les nou­velles orga­ni­sa­tions opé­ra­tion­nelles néces­saires à la prise en compte des nou­veaux concepts et ses besoins en équi­pe­ments futurs tout en vali­dant la matu­ri­té des technologies.

L’ARTIST de la BOA

ARTIST est un sigle anglais dont la signi­fi­ca­tion cor­res­pond à » Archi­tec­ture Real Time Inte­gra­tion Sys­tem Test­bench « . Ce vocable, quelque peu éso­té­rique, peut se tra­duire par » démons­tra­tions com­munes de l’in­te­ro­pé­ra­bi­li­té de fonc­tion­na­li­tés opé­ra­tion­nelles dis­tri­buées sur des plates-formes ter­restres dans un contexte info-valorisé « .

Der­rière cet acro­nyme se cache un accord de coopé­ra­tion sous forme d’ar­ran­ge­ment tech­nique avec l’Al­le­magne. Son objec­tif est de conce­voir une démons­tra­tion com­mune qui per­met­tra de mettre en appli­ca­tion des fonc­tion­na­li­tés opé­ra­tion­nelles inno­vantes ren­dues pos­sibles par des échanges d’in­for­ma­tions entre sys­tèmes d’armes connec­tés en réseaux.

La démons­tra­tion devra per­mettre de prou­ver l’ef­fi­ca­ci­té d’un tel sys­tème d’armes dis­tri­bué, sur la base de quatre fonc­tions clai­re­ment identifiées :

- le contrôle dis­tri­bué de robots ter­restres pour per­mettre la télé­opé­ra­tion d’un ou plu­sieurs robots à par­tir d’une ou plu­sieurs plates-formes ;
– le contrôle du tir indi­rect pour per­mettre à des plates-formes géo­gra­phi­que­ment dis­tantes de par­ti­ci­per à une séquence de tir, en dis­so­ciant la détec­tion, l’i­den­ti­fi­ca­tion et le feu par exemple ;
– la capa­ci­té d’en­traî­ne­ment conjoint embar­qué pour per­mettre aux équi­pages de blin­dés de s’en­traî­ner ensemble sur un même scé­na­rio de mis­sion simu­lé, cela dans leur envi­ron­ne­ment de tra­vail habi­tuel, c’est-à-dire direc­te­ment à bord de leurs blindés ;
– les télé­com­mu­ni­ca­tions avec les fan­tas­sins débar­qués pour assu­rer la conti­nui­té des com­mu­ni­ca­tions avec le groupe de com­bat, y com­pris lors des phases de débar­que­ment des blindés.

Les acteurs des démons­tra­tions ARTIST.

Ces fonc­tion­na­li­tés seront répar­ties sur un grou­pe­ment consti­tué de plates-formes ter­restres alle­mandes et fran­çaises. Un autre enjeu essen­tiel de la démons­tra­tion réside dans la capa­ci­té de mise en œuvre d’un nou­veau type d’ar­chi­tec­ture » vétro­nique « , encore un néo­lo­gisme qu’il convient d’expliciter…

La » vétro­nique » per­met de consti­tuer un ensemble de réseaux de com­mu­ni­ca­tion redon­dants et fiables à bord d’un blin­dé, de manière simi­laire à ce que l’on peut trou­ver dans une voi­ture moderne. Mais dans un blin­dé, cette vétro­nique per­met­tra de rem­pla­cer les com­mandes méca­niques clas­siques par un sys­tème de com­mandes élec­triques pour la conduite, intro­duire des échanges infor­ma­tiques sim­pli­fiés au sein du véhi­cule : du moteur aux sys­tèmes d’armes embar­qués en pas­sant par le sys­tème de pilo­tage ou de navigation.

La mise en réseau effi­cace de plates-formes ter­restres sup­pose que les archi­tec­tures vétro­niques qui équipent ces véhi­cules soient conçues pour acqué­rir, trai­ter et res­ti­tuer de nou­veaux types de flux d’in­for­ma­tions : images vidéo, voix, infor­ma­tions à forte contrainte de temps réel, etc., avec une qua­li­té de ser­vice et une sûre­té de fonc­tion­ne­ment garantie.

Ces nou­velles archi­tec­tures consti­tuent un enjeu tech­no­lo­gique et finan­cier impor­tant (40 % du coût glo­bal d’un char) pour la défi­ni­tion des véhi­cules de com­bat de demain.

Les rendez-vous du LTO

Outil pri­vi­lé­gié de la DGA et des forces fran­çaises pour la concep­tion et la maî­trise des futurs sys­tèmes de sys­tèmes, le LTO com­pren­dra une struc­ture pilote fédé­rant l’in­ter­ven­tion d’a­te­liers thé­ma­tiques spécifiques.

La pre­mière ver­sion du LTO acquise com­prend la Base com­mune des méthodes et outils (BCMO), qui sera uti­li­sée par tous les ate­liers du LTO, et l’a­te­lier aéro­ter­restre répon­dant au besoin d’é­va­lua­tion et de mise en situa­tion du milieu aéro­ter­restre. Le LTO per­met­tra de dérou­ler un cycle com­plet de défi­ni­tion, modé­li­sa­tion, éva­lua­tion et expé­ri­men­ta­tion de sys­tèmes de sys­tèmes répon­dant à une capa­ci­té opé­ra­tion­nelle don­née, en pre­nant en compte les spé­ci­fi­ci­tés d’un SdS (non-bor­né dans le temps, spé­ci­fi­ca­tions évo­lu­tives, mul­ti­pro­grammes…) et en assu­rant la cohé­rence entre les dif­fé­rentes étapes et donc une ana­lyse d’im­pact et une reverse-ingé­nie­rie à chaque étape.

L’ac­qui­si­tion du LTO se fera de manière incré­men­tale, com­men­çant dès mi-2006 par la mise en place du site pilote à Arcueil (92) qui inté­gre­ra l’en­semble des outils d’in­gé­nie­rie et d’é­va­lua­tion exis­tant, puis par la livrai­son, tous les deux ans, de ver­sions suc­ces­sives tou­jours plus riches d’ou­tils nou­veaux per­met­tant, à terme, de dis­po­ser de la capa­ci­té de défi­nir, modé­li­ser, éva­luer, voire expé­ri­men­ter les sys­tèmes de sys­tèmes futurs, en envi­ron­ne­ment inter­ar­mées, voire interalliées.

Acquis dans le cadre du PEA démons­tra­teur de la BOA, les pre­miers tra­vaux conduits dans le LTO seront réa­li­sés au titre du mar­ché, au pro­fit du concept de BOA, pour conce­voir l’ar­chi­tec­ture-orga­ni­sa­tion du futur sys­tème de contact.

Cette réflexion pren­dra la forme d’un cycle conti­nu d’in­gé­nie­rie per­met­tant de conduire :

• une ana­lyse du besoin opérationnel ;
• une défi­ni­tion et sélec­tion » d’ar­chi­tec­tures opérationnelles » ;
• l’é­ta­blis­se­ment des métriques pour éva­lua­tions de ces architectures ;
• une des­crip­tion et éva­lua­tion avec outils de simu­la­tion (du LTO) ;
• et ali­men­te­ra de manière conti­nue les futures opé­ra­tions d’ar­me­ment aéroterrestre.

Le Laboratoire technico-opérationnel (LTO)

Poste d’équipage du démonstrateur français de pilotage sur écran.
Poste d’équipage du démons­tra­teur fran­çais de pilo­tage sur écran.

Les Armées et la DGA sont en train de défi­nir, conce­voir et acqué­rir le Labo­ra­toire tech­ni­co-opé­ra­tion­nel (LTO) dont l’objectif est de mettre en oeuvre une démarche ins­tru­men­tée pour défi­nir et maî­tri­ser les sys­tèmes de systèmes.

La défi­ni­tion et la maî­trise des sys­tèmes de sys­tèmes imposent une ité­ra­tion per­ma­nente entre les besoins opé­ra­tion­nels et les capa­ci­tés tech­no­lo­giques réelles afin d’affiner pro­gres­si­ve­ment et paral­lè­le­ment l’expression du besoin, la démons­tra­tion des capa­ci­tés et l’acceptation des solu­tions rete­nues. Cette démarche ne peut être réa­li­sée qu’en équipes inté­grées, forces, DGA et indus­triels de défense.

Le LTO va donc mettre à dis­po­si­tion de ces équipes inté­grées un ensemble d’outils et de méthodes per­met­tant d’instrumenter tout le cycle de défi­ni­tion, concep­tion, déve­lop­pe­ment et vali­da­tion des sys­tèmes de sys­tèmes, depuis l’élaboration de concept jusqu’à l’expérimentation ter­rain, en pas­sant par l’ingénierie sys­tème, l’évaluation par la simu­la­tion et la capi­ta­li­sa­tion des résultats.

L’apport prin­ci­pal du LTO sera la garan­tie de la cohé­rence entre les dif­fé­rentes étapes du cycle et les ité­ra­tions suc­ces­sives qu’il per­met­tra de maî­tri­ser. La pre­mière ver­sion du LTO est acquise dans le cadre du PEA démons­tra­teur BOA et sera plei­ne­ment opé­ra­tion­nelle en sep­tembre 2007.

Les rendez-vous de TACTIC

Le démons­tra­teur TACTIC per­met­tra à l’ar­mée de terre de prendre toute la mesure des avan­cées tech­no­lo­giques réa­li­sées au titre des études amont menées par la DGA sur des sujets aus­si variés que les radios tac­tiques haut débit, les algo­rithmes de fusion de don­nées, les cap­teurs optro­niques, les mis­siles tac­tiques, la vétro­nique (élec­tro­niques à bord des véhi­cules), les radars, l’au­to­no­mie des robots, les armes à léta­li­té réduite, les sys­tèmes d’au­to­pro­tec­tion des véhi­cules, les moyens de géo­lo­ca­li­sa­tion, etc. Toutes ces avan­cées tech­no­lo­giques ne prennent plei­ne­ment leur sens qu’u­ti­li­sées dans un contexte élar­gi d’une uni­té opé­ra­tion­nelle de dimen­sion rai­son­nable mise en situa­tion dans des scé­na­rios réa­listes face à une force adverse repré­sen­ta­tive. Pour cela, TACTIC regroupera :

• une dou­zaine de véhi­cules blin­dés (chars LECLERC, VBCI, VAB, VBL modifiés…),
• une tren­taine de com­bat­tants débar­qués (fan­tas­sins équi­pés de moyens plus per­for­mants que ceux de FELIN),
• 5 robots, 2 drones, 1 sys­tème de cap­teurs dépo­sés…, valo­ri­sés par un sys­tème d’in­for­ma­tion temps réel permettant :
• une tenue de situa­tion mul­ti­cap­teurs avec fusion auto­ma­tique des don­nées de chaque participant,
•> une ges­tion coor­don­née des feux déli­vrés par chaque participant,
• une pre­mière capa­ci­té de pro­tec­tion col­lec­tive per­met­tant à cha­cun de pro­fi­ter des moyens de pro­tec­tion du groupe,
• l’in­te­ro­pé­ra­bi­li­té inter­ar­mées, voire interalliés.

Le démons­tra­teur fera l’ob­jet de nom­breuses expé­ri­men­ta­tions avant de ser­vir d’u­ni­té expé­ri­men­tale pour l’ar­mée de terre.

Les capa­ci­tés élé­men­taires seront toutes éva­luées en labo­ra­toire avant d’être éva­luées sur le ter­rain sépa­ré­ment et avant de pro­cé­der à des expé­ri­men­ta­tions glo­bales du démons­tra­teur sur le ter­rain, notam­ment en coopé­ra­tion (dans le cadre de l’ac­cord de coopé­ra­tion ARTIST), en 2009, puis lors d’une expé­ri­men­ta­tion com­plète, en 2012, autour de trois scé­na­rios repré­sen­ta­tifs (une situa­tion de com­bats plus ou moins spo­ra­diques en zone urbaine, une opé­ra­tion de sta­bi­li­sa­tion post­con­flic­tuelle, une situa­tion de com­bats de haute intensité).

Conclusion

Enjeu majeur du déve­lop­pe­ment capa­ci­taire de l’ar­mée de terre, mais aus­si de l’é­vo­lu­tion de l’en­semble du minis­tère de la Défense pour la maî­trise de ses futurs sys­tèmes de sys­tèmes, le PEA démons­tra­teur de la BOA fédère trois indus­triels majeurs de la défense mais pro­cède éga­le­ment à la mise en œuvre d’un pro­ces­sus de plans d’ac­qui­si­tion contrac­tuels for­ma­li­sé dans le mar­ché per­met­tant d’é­tendre la par­ti­ci­pa­tion à d’autres indus­triels et de béné­fi­cier ain­si des meilleures tech­no­lo­gies du moment sur toute la durée du marché.

Avec ce contrat, la DGA, au pro­fit des états-majors, pour­suit sa poli­tique de déve­lop­pe­ment d’une base indus­trielle euro­péenne tou­jours plus inno­vante et com­pé­ti­tive au pro­fit des états-majors.

À tra­vers le lan­ce­ment de ce démons­tra­teur, la France vise aus­si à créer un effet d’en­traî­ne­ment sur les coopé­ra­tions euro­péennes dans le domaine de l’ar­me­ment ter­restre, dont ARTIST est une pre­mière étape tangible.

Ce démons­tra­teur per­met­tra enfin de cris­tal­lier la conver­gence des approches et des échanges fruc­tueux avec nos par­te­naires euro­péens comme transatlantiques.

Poster un commentaire