La communauté Cap Robotique,moteur de la robotique personnelle
Le robot personnel, qui commence à apparaître sur le marché sous une forme très élémentaire, doit réaliser un compromis entre son coût et son utilité. La France, très active en robotique, a créé, sous le nom de Cap Robotique, une » communauté de domaine » (cluster en anglais) regroupant une soixantaine de partenaires pouvant assurer la promotion, l’innovation et le développement. Elle jouera pleinement son rôle de vivier en prenant une envergure européenne.
Au début des années 2000, des millions de robots domestiques ont été vendus, laissant espérer que les prophéties allaient enfin se réaliser. Ce messie robotique, l’aspirateur Roomba d’iRobot, qui a fait exploser les statistiques, est un engin très simple, mettant en oeuvre les concepts robotiques des années 80 (capteurs rudimentaires, intelligence limitée à un évitement d’obstacle local). Un gros travail d’industrialisation aura permis de le proposer à un coût à la hauteur du service qu’il rend (quelques centaines de dollars), mais avec une efficacité à la hauteur de son coût.
Un compromis pertinent entre coût et utilité
Si cette belle réussite commerciale ne doit pas faire penser que les digues technologiques sont rompues et que les robots vont inonder nos appartements, elle permet quand même de tirer un enseignement : il n’est pas nécessaire que le robot propose des services exceptionnels mais il faut qu’il réalise un compromis pertinent entre son coût et son utilité. La technologie robotique doit être un agrégat de technologies Or, aujourd’hui, la technologie permet d’atteindre des résultats de plus en plus satisfaisants pour un coût qui devient raisonnable. La robotique bénéficie en effet des progrès faits notamment en termes de puissance de calcul embarquée, en performance des capteurs de vision, en mémoire, en disponibilité d’outils logiciels (operating system et briques logicielles libres). Bon nombre de ces progrès ont été atteints grâce à l’essor d’objets technologiques non robotiques : l’automobile, les ordinateurs portables, les smart phones, les appareils photonumériques dont la diffusion planétaire a diminué (voire supprimé, pour certains logiciels) le coût de ces composants de systèmes robotiques.
REPÈRES
La robotique va peut-être enfin arriver à maturité et sortir pour de bon des usines, des laboratoires de recherche ou d’autres domaines très pointus, comme le militaire ou le nucléaire. Depuis une vingtaine d’années, les chercheurs et quelques industriels travaillent à transformer cette technologie en véritable outil de service qui pourra se mettre à la disposition des personnes. Cette robotique de service est destinée, nous disent ces visionnaires, à aider l’homme dans des situations quotidiennes et transformer notre société comme la voiture, l’informatique et la téléphonie l’ont fait en leur temps. Le robot sera un jour capable de faire le ménage chez nous, de s’occuper de personnes en situation de perte d’autonomie ou d’aider nos enfants à faire leurs devoirs. Ce discours est tenu par des passionnés et est étayé par des prévisions de gens sérieux comme l’IFR (International Federation of Robotics) ou les gouvernements japonais et coréen. Bill Gates a dit que la question n’est pas de savoir si nous aurons des robots chez nous mais combien nous en aurons. Cette déclaration accompagnait la sortie de Microsoft Robotic Studio, un logiciel destiné à devenir le Windows de la robotique.
De la même façon que la » science robotique » est un agrégat de nombreuses disciplines (mécanique, électronique, informatique, automatique, traitement du signal, intelligence artificielle), la technologie robotique doit être un agrégat de technologies issues des domaines les plus divers.
Des groupements de roboticiens
Robotcaliser
Les industriels de la robotique » historique « , celle qui installe des robots industriels et des cellules robotisées sur les sites de production, sont également regroupés dans un club robotique, sous l’égide du Symop (syndicat professionnel des entreprises de technologies de production). On y retrouve les plus grands noms de la robotique industrielle (ABB, Adept Technology, Fanuc, Kuka, Stäubli, etc.). La vocation de ce club est la promotion de la robotique industrielle, encore sous-employée dans l’industrie française, notamment à travers le projet Robotcaliser. Ce projet propose d’éviter les délocalisations de la production vers des pays à faible coût de main-d’oeuvre en robotisant, en France, une partie de cette production.
Il est donc assez naturel pour le roboticien de regarder autour de lui pour voir comment, grâce au regroupement des compétences qui l’entourent, il pourrait faire mieux son travail. Une technologie d’intégration, comme est la robotique, doit s’accompagner d’une politique de regroupement des forces et des compétences.
Ce type de mouvement centripète est déjà largement amorcé puisque les groupements de roboticiens sont nombreux, tant dans le monde académique que dans le monde industriel. Au niveau européen par exemple, on peut citer le réseau d’excellence Euron, qui regroupe plus de 200 laboratoires de recherche en robotique, ou la plateforme technologique européenne Europ, qui regroupe une quarantaine d’industriels européens de la robotique. En France, les laboratoires du CNRS se sont organisés en un GDR Robotique (groupement de recherche). Cette communauté très active est animée par le LIRMM, un des très bons laboratoires robotiques de France basé à Montpellier.
La France très active en robotique
On voit, au travers de ces exemples, que la France est un pays très actif en robotique. Les chercheurs français sont parmi les plus prolifiques en publications scientifiques au niveau mondial et, pour la petite histoire, le patron du département robotique du prestigieux MIT est français.
Regrouper tous les acteurs pouvant assurer la promotion, l’innovation et le développement
Les pouvoirs publics soutiennent (mais jamais assez, bien sûr) cette tendance en finançant dans deux thématiques de l’ANR (Agence nationale de la recherche) les développements robotiques. De son côté, le FUI (Fonds unique interministériel) finance, grâce à la DGCIS, la Région Île-de-France et la ville de Paris, et via le pôle de compétitivité parisien Cap Digital, un projet de 10 millions d’euros rassemblant, autour d’Aldebaran Robotics, 13 partenaires pour la réalisation d’un robot humanoïde de grande taille destiné à concurrencer les magnifiques réalisations japonaises que sont Asimo et HRP2. Les partenaires de ce projet, qui viennent d’horizons divers (robotique, jeux vidéo, laboratoire de physiologie, établissement de santé, etc.), se sont rendu compte qu’ils étaient représentatifs d’une nouvelle communauté : celle de la robotique personnelle. Avec le support de Cap Digital, ils ont donc créé, en décembre 2008, Cap Robotique, une communauté de domaine, un cluster comme disent les Anglo-Saxons, qui allait regrouper tous les acteurs pouvant assurer la promotion, l’innovation et le développement dans ce domaine et celui des objets communicants d’une manière plus générale.
Du réseau de compétences à l’information du public
Pour atteindre ses objectifs ambitieux, Cap Robotique s’engage sur plusieurs actions : créer un réseau de compétences ; susciter des échanges et des collaborations pour faire avancer les technologies utiles à ce domaine ; faire du lobbying et mener des actions de communication communes ; faire prendre conscience des questions de la robotique ; informer et attirer le grand public ; encourager l’engagement financier des autorités, via les appels à projets ; devenir un interlocuteur incontournable dans le domaine de la robotique. Le levier de Cap Digital, pôle de compétitivité de vocation internationale, est bien sûr un support puissant pour la réalisation de tous ces objectifs.
L’objectif principal de Cap Robotique est de faire émerger le secteur de la robotique personnelle et des objets communicants en misant sur la recherche, l’enseignement, l’industrialisation, la diffusion et l’innovation. La vocation clairement affichée de Cap Robotique est de faire de la France le pays leader en robotique malgré l’hégémonie apparente des pays asiatiques. En effet, le Japon et la Corée sont actuellement très présents dans les médias avec de magnifiques machines mais la diffusion de ces robots auprès du public est encore confidentielle, même sur leur marché local. L’exemple d’Aldebaran Robotics, qui vise à mettre des robots humanoïdes chez les particuliers dans les mois à venir, montre que la France n’a pas tant de retard que ça, voire un peu d’avance. Et le levier d’une communauté riche et organisée ne pourra que renforcer cette tendance.
Soixante partenaires
La soixantaine de partenaires que compte aujourd’hui Cap Robotique est répertoriée sur le site www.caprobotique.com.
La Cité des sciences et le Futuroscope ont rejoint Cap Robotique
Citons-en quelques- uns pour bien montrer les typologies très diverses des membres de cette communauté. Bien sûr, on retrouve les industriels de la robotique personnelle ou de service français comme Wany Robotics ou Robosoft. Ces deux entreprises commercialisent des robots éducatifs pour la première et de service pour la seconde depuis plus de dix ans. Elles sont des piliers de l’industrie robotique française et malgré leur implantation bien peu parisienne, l’une est à Montpellier et l’autre à Bidart au Pays basque, elles ont rejoint Cap Robotique parmi les premiers. La société Gostai, qui commercialise un middleware pour la robotique, a été également un des membres de la première heure.
Des fournisseurs de technologies
Au-delà de la communauté purement robotique, Cap Robotique compte également parmi ses membres des fournisseurs de technologies utiles à la robotique, comme la reconnaissance vocale (avec la société Acapela), l’intelligence artificielle (Spirops), le traitement des sons (Voxler) pour ne citer que celles-ci.
Les meilleurs laboratoires de robotique de France sont également présents : le LAAS (CNRS) à Toulouse, qui travaille depuis quelques années sur la plateforme japonaise HRP2 au sein du JRL (Joint Research Laboratory) avec l’AIST (Centre de recherche technologique japonais concepteur de l’humanoïde HRP2), le LIRMM, dont on a déjà cité l’importance dans la communauté robotique mais aussi l’ISIR (Institut des systèmes intelligents et robotiques de Paris-VI) ou le CEA LIST, le LASMEA (CNRS Clermont-Ferrand), Télécom ParisTech, l’INRIA et bien d’autres.
Communiquer vers le grand public
Mais les membres de Cap Robotique ne viennent pas que du monde purement technologique.
Éducation et jeu
Afin d’étendre encore plus les capacités qu’une telle communauté pourrait offrir, des rapprochements ont été entrepris vers des membres d’autres communautés de Cap Digital, notamment celle des jeux vidéo et celle de l’éducation. En effet, parmi les premières applications d’un robot domestique, le jeu, qu’il soit purement tourné vers la distraction ou qu’il ait des visées éducatives, est certainement un des vecteurs qui feront que les familles accepteront volontiers la présence d’un robot dans leur environnement quotidien, en attendant que le serviteur cybernétique existe et puisse enfin apporter l’apéritif dans le salon ou repasser les chemises dans la buanderie.
Une partie des objectifs de la communauté étant la communication vers le grand public, on retrouve de grands acteurs de la diffusion de la science que sont la Cité des sciences et le Futuroscope mais aussi des écoles, comme l’ENSCI et le Strate College. Deux grands groupes, Thalès et SFR, ont tenu à se joindre également à l’initiative. Chez Thalès la robotique n’est pas très personnelle et s’oriente plus vers le champ de bataille que vers le domestique, mais les technologies développées par le groupe pourraient trouver des applications dans les robots de notre quotidien. Quant à SFR, le robot étant un objet communicant par excellence, cette société a bien vu tout le potentiel qu’il pouvait représenter en termes de services à distribuer via les canaux de communication.
L’approche et l’accueil de nouveaux membres sont un des objectifs de Cap Robotique. Peu d’entreprises ont en effet identifié la robotique comme un marché susceptible d’engendrer du chiffre d’affaires, alors qu’elles maîtrisent des technologies susceptibles d’être vendues et d’apporter de la valeur ajoutée aux systèmes robotiques. L’enjeu concerne des centaines de milliers ou millions d’emplois qui seront créés autour de la robotique, des logiciels et des services, et de savoir s’ils iront en Asie, à l’instar des emplois d’Internet et de la micro-informatique, aux États-Unis ou en Europe.
Les Toulousains collaborent avec les Japonais © LAAS CNRS
Une envergure européenne
Cap Robotique va chercher des membres bien au-delà de la » juridiction » de sa maison mère, le pôle de compétitivité Cap Digital centré sur l’Île-de-France. Pour jouer son rôle de vivier de toutes les compétences utiles au développement de la robotique personnelle, Cap Robotique devra prendre une envergure européenne, soit en intégrant des membres venant d’autres pays d’Europe, soit en formalisant des coopérations avec des clusters étrangers comme il en existe en Italie, en Norvège et en Suède notamment.
Un interlocuteur privilégié pour les grands investisseurs
Au-delà d’un simple club des amis de la robotique personnelle, Cap Robotique espère bien devenir un interlocuteur privilégié pour les grands investisseurs (publics ou privés) quand ceux-ci prendront conscience de l’importance de développer l’industrie de la robotique personnelle. Quand cette technologie atteindra enfin la maturité nécessaire à son large développement, notre industrie devra être prête à répondre à la demande du marché. Si l’industrie française et européenne n’est pas prête, l’industrie asiatique le sera et tous nos robots domestiques seront made in Asia. La montée en puissance de Cap Robotique est une solution pour que la future industrie de masse du vingt et unième siècle soit made in France.
Vers un nouveau statut
La forme actuelle de Cap Robotique, la communauté de domaine d’un pôle de compétitivité, ne lui donne pas une existence légale propre. Son évolution, en association par exemple ou en » grappe » selon la nouvelle terminologie créée par le gouvernement, lui permettrait d’accéder à un statut lui donnant la possibilité de se doter de personnel permanent aidant à démultiplier son action, de recevoir officiellement des financements et d’en redistribuer.