La conduite du système éducatif. Coûts et résultats du système français :
La massification
« Le côté le plus spectaculaire et immédiatement visible des évolutions des dernières années est l’entrée dans une école de masse. « La scolarisation des enfants de trois ans est presque totale et 26,1 % de ceux de deux ans le sont également. » Le développement de l’école maternelle est propre à la France, seule la Belgique nous est sur ce point comparable.
• L’école primaire est une école de masse depuis longtemps ; ce qui est nouveau c’est qu’elle soit parcourue beaucoup plus vite qu’avant car les redoublements y ont considérablement diminué…
• Le collège est pour tous depuis la fin des années soixante et il est aujourd’hui réellement parcouru par toute une génération… Désormais pour l’essentiel d’une génération, le premier moment important d’orientation est la fin de la troisième quelle qu’elle soit…
• Le lycée est lui aussi un lycée de masse, fréquenté par un peu plus des deux tiers des jeunes… Toutefois il est constitué de trois voies distinctes, ce qui est propre à la France ; à l’étranger on en compte que deux. Il s’agit de la voie générale, technologique et professionnelle avec une quarantaine de spécialités…
• Enfin, l’enseignement supérieur s’est diversifié, mais il est également devenu un enseignement de masse et un peu plus de la moitié d’une génération commence des études supérieures. Les filières de l’enseignement supérieur sont soit sélectives (IUT, grandes écoles, classes de BTS dans les lycées) soit ouvertes, l’université pour l’essentiel au moins les premières années…
Cet immense mouvement vers une école de masse peut être synthétisé par la durée de la scolarisation, prévisible pour un petit enfant entrant au collège, il restera en moyenne dix-neuf ans dans le système scolaire : entré à 3 ans, il en sortira à 22. Ce mouvement s’est accéléré dans la 2e partie des années quatre-vingt, en particulier au collège et au lycée, suivis du supérieur.« 1
« Ces transformations ont des répercussions sensibles sur le niveau de l’ensemble de la population française : les résultats des recensements de l’INSEE montrent que la proportion de bacheliers dans la population adulte est passée en un quart de siècle de 13 % en 1975, à 30 % en 1999. Quant à la proportion de la population au moins diplômée d’un second cycle du secondaire, elle a gagné 30 points pour les générations actuellement âgées de 25 à 34 ans, par rapport à leurs aînées de 55–64 ans. Cet indicateur, régulièrement retenu dans les comparaisons internationales, montre que la situation de la France s’est fortement rapprochée de celle des pays les plus avancés : Japon, pays d’Amérique du Nord et d’Europe du Nord. Parmi les 25–34 ans, seuls 20 % des Français ne sont pas titulaires au minimum d’un CAP, d’un BEP ou d’un baccalauréat. Parmi les 20–24 ans, cette proportion est encore plus faible : 18 %.
Ces progrès marquent cependant le pas depuis plusieurs années. Le mouvement d’allongement continu des études a cessé… La quasi-totalité des générations parvient aujourd’hui au terme du collège, de plus en plus souvent en classe de troisième générale, mais après avoir manifesté un engouement prononcé à la fin des années quatre-vingt pour l’enseignement général, les collégiens se sont ensuite davantage tournés vers les formations professionnelles, notamment agricoles et sous statut d’apprenti.
L’accès d’une génération au niveau du baccalauréat ne progresse plus depuis et reste proche de 70 %, dont 6 % dans des formations extérieures à l’Éducation nationale. Quant à la proportion de jeunes bacheliers, elle se stabilise actuellement autour de 62 %, dont à peine plus de la moitié sont lauréats des séries générales.
L’accès et l’orientation dans l’enseignement supérieur subissent les effets de ces nouveaux équilibres, du poids croissant des bacheliers professionnels que leur formation destine avant tout à une entrée dans la vie active, mais aussi de la tendance des bacheliers généraux et technologiques à délaisser quelque peu, depuis 1995, les filières universitaires générales. Ces mouvements, qui semblent stoppés depuis la rentrée 2003, ont pu conduire à une certaine érosion des taux de scolarisation dans l’enseignement supérieur, du moins parmi les 19–21 ans.« 2
Évaluer les résultats de l’effort de la Nation
Depuis une vingtaine d’années le ministère de l’Éducation national français s’est doté d’une direction de l’évaluation et de la prospective, renommée récemment « Direction de l’évaluation et de la performance ». Cette direction fournit annuellement aux acteurs du système et à la Nation des données statistiques.
« Le diagnostic que l’on peut porter sur notre système éducatif repose sur l’examen régulier, le plus approfondi et le plus objectif possible, des moyens mis en œuvre pour son fonctionnement, de son activité et de ses résultats, internes et externes, ainsi que de leur évolution dans le temps et de leur comparaison dans l’espace, avec d’autres pays. Mais la qualité d’une telle analyse, sa précision, sa pertinence dépendent aussi du système d’information sur lequel on peut s’appuyer. La mise en place de la LOLF et le développement des indicateurs et études comparatives au niveau international (OCDE, Eurostat), la définition d’objectifs communs pour les systèmes éducatifs européens (ceux définis par exemple à Lisbonne, en 2000) et le vote d’une nouvelle loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’École, en avril 2005, incitent à porter une attention particulière aux efforts entrepris dans le domaine de l’éducation et de la formation, aux résultats obtenus et aux progrès qui restent à accomplir.
Evolution comparée de la DIE (Dépense Intérieure d’Education), du PIB et de la part de la DIE dans le PIB de 1980 à 2004
En 2004, la dépense intérieure d’éducation atteint 116,3 milliards d’euros, ce qui correspond à 7,1 % de la richesse nationale, tous financeurs confondus, et réalise un important effort financier, à hauteur de 1 870 euros par habitant ou 6 810 euros par élève ou étudiant.
En 2004, les dépenses inscrites au budget de l’Éducation nationale pour l’enseignement scolaire et supérieur sont proches de 65 milliards d’euros. Le budget de l’Éducation nationale sert d’abord à rémunérer un million d’enseignants, dont 86 % exercent dans le secteur public, et 293 500 personnes assumant des fonctions administratives, techniques, d’encadrement, de surveillance et d’assistance éducative.
En l’espace de dix ans, leur part dans le budget de l’État est passée de 20 à 23 %. Plus d’un quart de la dépense intérieure d’éducation, soit 30,6 milliards d’euros, a été consacré à l’enseignement du premier degré. En vingt-quatre ans, la dépense moyenne pour un élève du premier degré a augmenté de plus de 70 % en prix constants, pour s’établir aujourd’hui à 4 600 euros. La dépense d’éducation comprend l’ensemble des dépenses pour les établissements publics et privés pour l’enseignement et les activités liées : cantines, administration, médecine scolaire, fournitures scolaires, transports scolaires, rémunération des personnels d’éducation en formation…
Cette augmentation intervient malgré un contexte général de baisse des effectifs d’élèves du premier degré et de revalorisation des carrières des enseignants (création du corps des professeurs des écoles).
Les comparaisons internationales de coûts moyens par élève ne sont pas toujours homogènes toutefois, s’agissant de l’enseignement élémentaire, la France se situe un peu en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE, nettement en retrait par rapport aux États-Unis. Parmi les pays européens, seuls l’Espagne et l’Allemagne présentent des coûts sensiblement inférieurs.
52,7 milliards d’euros ont été consacrés à l’enseignement du second degré en 2004, soit 45,4 % de la dépense intérieure d’éducation. Entre 1980 et 2004, la dépense moyenne par élève a crû de 65 % en prix constants, pour s’établir à 8 530 euros. La France continue de présenter un coût relativement élevé dans l’enseignement secondaire puisque la moyenne des pays de l’OCDE se situe à 7 000 équivalents-dollars.
Pour l’enseignement supérieur, la collectivité nationale a dépensé 19,7 milliards d’euros en 2004. Cette dépense a été multipliée par 2,1 depuis 1980 (en prix constants). En 2004, la dépense moyenne par étudiant s’élève à 8 630 euros, soit 28 % de plus qu’en 1980. L’estimation du coût moyen d’un étudiant sur l’ensemble de ses études supérieures (hors activité de recherche et de développement) place la France un peu au-dessus de la moyenne de l’OCDE, en raison d’une durée moyenne des études relativement élevée.
Le ministère de l’Éducation nationale est de très loin le premier employeur public. Les effectifs se répartissent comme suit, du premier degré à l’enseignement supérieur :
• total enseignants, public-privé y compris les stagiaires : 1 005 138, auxquels s’ajoutent :
• les personnels administratif, technique, d’encadrement et de surveillance, ainsi que les aides éducateurs et assistants d’éducation portant ce total à 1 349 932.
Au 31 janvier 2005, le ministère de l’Éducation nationale rémunère 1 298 645 personnes dont 1 153 705 appartiennent au secteur public et 144 940 au secteur privé sous contrat. Plus de 77 % de ces personnels sont des enseignants. Parmi les personnels de l’Éducation nationale, deux tiers sont des femmes notamment dans le premier degré. La baisse des effectifs de personnels enregistrée ces deux dernières années ne porte presque que sur le second degré. »
Évaluer les acquis des élèves
« Le développement de la scolarisation et l’ouverture de niveaux de plus en plus élevés d’enseignement à de nouvelles catégories d’élèves n’ont pas fait disparaître les profondes différences d’acquis et de réussite scolaires qui continuent de distinguer les élèves, souvent en relation avec leur origine sociale ou leur environnement familial.
Pour cette mission fondamentale de l’école que constitue la transmission des savoirs et des connaissances, on dispose maintenant d’un système régulier d’observation et d’évaluation des élèves, y compris au niveau international. Ainsi, le » Programme international pour le suivi des acquis des élèves » (PISA) a fourni en 2000, puis en 2003, un ensemble de résultats dans les domaines de la compréhension de l’écrit, de la culture mathématique et de la culture scientifique chez les jeunes de 15 ans. Ces résultats montrent que nos élèves présentent des compétences qui se situent dans la moyenne des pays de l’OCDE en compréhension de l’écrit et en culture scientifique, et plutôt au-dessus de la moyenne en mathématiques. De 2000 à 2003, nos élèves ont amélioré leur performance en culture scientifique.
Les opérations conduites chaque année au niveau national et les nouvelles évaluations-bilans mises en place en fin du primaire et du collège permettent d’approfondir ces diagnostics et de mettre en évidence la persistance de difficultés d’apprentissage chez une minorité d’élèves. Cela est particulièrement vrai pour un élève sur six à sept qui ne maîtrise pas ou très mal les compétences en compréhension orale et écrite en fin d’école ou les compétences générales de fin de collège, mais aussi celles en langues vivantes étrangères.
Ces mêmes évaluations font ressortir que seul un élève sur trois ou quatre maîtrise de façon satisfaisante ou très satisfaisante les compétences attendues par les programmes en fin d’école et en fin de collège. La définition d’un » socle commun » de compétences que tous les jeunes devraient maîtriser à la fin de la scolarité obligatoire doit donc être associée à la mise en place de mesures destinées à prévenir ou à surmonter les difficultés rencontrées par certains élèves, comme le » programme personnalisé de réussite éducative « .
Cette prévention est d’autant plus nécessaire que les difficultés, qui se dessinent souvent dès les premières années d’enseignement, sont rarement surmontées : les écoliers présentant les plus faibles acquis scolaires constituent, quelques années plus tard, l’essentiel de ceux qui achèvent leurs études sans qualification, et se trouvent donc démunis pour trouver un emploi stable. On constate également lors des Journées d’appel de préparation à la défense (JAPD) des difficultés en lecture pour un adolescent sur dix, particulièrement graves pour la moitié d’entre eux.
Ces inégalités de réussite comportent une dimension sociale forte. Les enfants de cadres obtiennent en moyenne aux évaluations nationales des scores supérieurs à ceux des enfants d’ouvriers. De la même façon, en fin de collège, la compréhension écrite et orale apparaît moins bien assurée en ZEP qu’ailleurs. Les enfants de milieux sociaux favorisés tirent un profit particulier de cet avantage, par des choix d’orientation bien plus ciblés leur permettant de suivre au mieux les chemins d’une réussite scolaire qui continue de peser lourdement, en France, sur la réussite sociale et professionnelle future. Au baccalauréat, leur surreprésentation apparaît maximale en série S, comme elle l’est en CPGE et dans les disciplines de santé à l’entrée dans l’enseignement supérieur. Les enfants d’ouvriers restent en revanche bien plus présents en filières technologiques et professionnelles : préparations aux CAP, BEP et baccalauréat professionnel dans l’enseignement secondaire, aux BTS dans le supérieur.
Si les garçons et les filles n’ont pas les mêmes destins scolaires, les différences sont ici d’une autre nature. Profitant de leurs meilleurs acquis en français, les filles sont majoritaires parmi les bacheliers et les étudiants, mais elles privilégient toujours les voies de formation littéraires et tertiaires, en laissant aux garçons la prédominance dans les formations scientifiques et industrielles, les filières les plus recherchées et sélectives.
En 2004, la DEP évalue, à la fin de l’école primaire, les acquis en allemand ou en anglais. Elle porte sur les compétences des élèves en compréhension de l’écrit et de l’oral, ainsi qu’en production écrite. La connaissance de faits culturels a également été évaluée. Cette évaluation-bilan a été réalisée selon une méthodologie correspondant aux standards internationaux actuels, utilisés dans les enquêtes PISA et PIRLS.
Les performances des élèves sont, en moyenne, très différenciées selon leur cursus scolaire antérieur et leur devenir en fin de CM2. Plus d’un quart des élèves qui n’ont pas redoublé appartiennent au groupe 4 et 5 de l’échelle de compréhension ; ils manifestent une maîtrise satisfaisante des compétences évaluées au regard des programmes en compréhension de l’oral…
En revanche, seulement 10 % des élèves qui ont été maintenus en cycle 3, et 8 % de ceux maintenus en cycle 2, atteignent ce niveau.« 2
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1. Source Réussir l’école – Philippe Joutard-Claude Thélot.
2. Source MEN-DEP.