La confiance, clé du développement des usages entre l’opérateur mobile et ses clients
Par essence même, le métier d’opérateur de télécommunication est un métier de mise en relation. Dès la création de la téléphonie, cette mise en relation a surtout concerné les individus entre eux. Communication vocale tout d’abord à travers le métier historique des opérateurs de téléphonie fixe, communication écrite ensuite à travers le télex, le fax, et bien sûr le mail et ses développements (messagerie instantanée, chat, forums…).
Puis, passant d’une relation entre individus, la relation par l’intermédiaire des supports de communication s’est développée dans des domaines plus commerciaux : relation entre consommateurs et professionnels facilitée par la mise en place d’annuaires comme les Pages Jaunes, relation entre consommateurs et commerçants grâce à la mise en place d’outils de mise en relation directe (numéros gratuits ou à partage de coûts), mais aussi numéros surtaxés permettant la livraison directe ou la commande d’un service en ligne depuis son téléphone (numéros audiotel, numéros au format 3BPQ…).
Internet, à la suite du Minitel, a bien sûr renforcé cette capacité de commande à distance et de livraison de biens numériques à travers les réseaux dans un format écrit.
Les opérateurs mobiles tiennent une place toute particulière dans ce phénomène de mise en relation. En effet, le téléphone mobile est l’outil personnel par excellence, le seul outil de communication qui n’est lié qu’à la personne et pas au foyer, contrairement par exemple à la télévision, au PC, au Minitel, ou même au téléphone fixe.
Au-delà de sa dimension personnelle, le téléphone mobile est aussi le seul outil doué d’ubiquité. À tout moment, où que je me trouve, je peux rentrer en contact avec qui je veux où je veux. Enfin, le téléphone mobile est le seul outil mêlant la dimension vocale de la mise en relation (90 % du chiffre d’affaires des opérateurs mobiles français est issu de la communication vocale) et sa dimension écrite : le développement spectaculaire du SMS qui est aujourd’hui utilisé par près de 50 % des utilisateurs de téléphones mobiles en est une illustration parfaite.
Finalement, le rôle des opérateurs mobiles comme de tout opérateur de télécommunication apparaît véritablement comme un rôle de facilitation, d’organisateur de place de marché entre individus d’une part, entre consommateurs et marchands d’autre part.
Et la confiance qui s’établit entre les parties est un facteur clé de succès de cette mise en relation.
Lors d’une communication entre individus, il s’établit en effet un rapport tripartite entre l’opérateur de communication d’un côté, les personnes en communication de l’autre.
Dans une première partie, nous examinerons comment la confiance est une valeur au cœur de la promesse qui s’établit entre l’opérateur mobile et ses clients.
Nous examinerons ensuite comment le développement des services multimédias mobiles impose une refondation de l’idée de confiance entre les parties : nous étudierons le cas particulier des kiosques multimédias, notamment le kiosque SMS +.
La confiance, valeur fondamentale de l’offre des opérateurs mobiles
Dans ce monde de la mise en relation, la première demande des clients à leur opérateur est d’abord la bonne délivrance du service. De la perception que le service est assuré correctement dans l’ensemble de ses dimensions naît la confiance qui permet le développement des usages de communication. Générer la confiance au service est donc pour l’opérateur mobile non seulement un facteur de fidélisation très fort de sa base client, mais aussi tout simplement un facteur très important de développement des usages.
Quand on décompose la relation entre un opérateur mobile et son client, quatre éléments clés de l’offre se distinguent :
1. la promesse de la délivrance du service repose sur la qualité de la couverture radio fournie par l’opérateur mobile,
2. l’exactitude de la facturation et son « honnêteté » sont des points clés pour établir un lien de confiance entre un client et son opérateur,
3. la transparence et la lisibilité de l’offre tarifaire contribuent à l’établissement de relations durables entre l’opérateur mobile et son client,
4. la qualité de la relation client au téléphone et en point de vente joue aussi un rôle clé.
1. La première finalité de l’usage d’un téléphone mobile est bien sûr de pouvoir appeler quelqu’un à tout moment, mais aussi de pouvoir être joint à tout moment, notamment en cas d’urgence. Le développement de l’usage des télécommunications mobiles, notamment dans le grand public, a ainsi été directement influencé par le déploiement de la couverture du territoire des différents opérateurs.
Il est frappant de constater que les parts de marché régionales des deux premiers opérateurs mobiles français ont été directement influencées par la perception et la confiance des clients dans leur capacité à bien couvrir leur zone de vie géographique. Longtemps, Orange a souffert d’une mauvaise perception de sa couverture géographique et sa part de marché en a pâti sur tout l’arc méditerranéen.
A contrario, il reste toujours pour les consommateurs « le meilleur réseau », celui qui couvre le mieux l’ensemble du territoire : nul doute que ce qualificatif a bénéficié du lien très fort existant entre l’opérateur mobile et la confiance accordée à l’opérateur historique qui incarne par son statut la continuité territoriale et la couverture de l’ensemble du territoire national. Enfin, plus de 25 % des clients se détournant du troisième opérateur le font pour des raisons de couverture contre seulement 11 % pour le premier (source Étude concurrence, Sofres 2002).
2. Le deuxième facteur critique dans la délivrance du service et la confiance qui s’y attache est bien entendu la qualité de la facturation et la confiance du client dans l’exactitude de celle-ci. On parle bien entendu ici non de la qualité intrinsèque des offres tarifaires et de leur adaptation au marché, mais bien de l’adéquation entre l’offre tarifaire proposée au client et sa facturation.
Toutes les études client menées ces dernières années le démontrent, les clients sont extrêmement sensibles à la qualité de la facturation et accordent sur cet aspect une grande confiance à l’opérateur historique et à ses filiales. Ces mêmes études ont démontré que la mise à disposition du client d’outils de contrôle de sa dépense comme la facturation détaillée, le suivi consommation… était perçue par le client non comme celle d’outils de contestation vis-à-vis de leur opérateur mais d’outils de management de leur consommation et finalement d’outils libérant les freins à l’usage.
L’honnêteté de la facturation, lisible à travers ses instruments de contrôle par le client, devient un vecteur de confiance pour le client et s’avère dès lors un puissant outil de développement de l’usage.
3. L’importance du troisième facteur, la transparence et la lisibilité de l’offre tarifaire, se retrouve par exemple dans la très forte demande du marché qui s’est exercée sur le passage à la tarification à la seconde. Au-delà des polémiques ayant entaché cette évolution tarifaire, il est frappant de constater que la demande des clients se portait essentiellement sur une exigence « éthique » de transparence entre l’opérateur et eux sur la réalité de l’usage.
Pour la plupart des clients, la valeur perçue par ce passage à la seconde est telle qu’une augmentation tarifaire destinée à compenser la perte de revenu pour les opérateurs est comprise sinon admise, pourvu que les modalités en soient transparentes. Une augmentation du prix des forfaits de trois euros a ainsi été jugée acceptable par le marché comme contrepartie alors que la surtaxation des appels vers les autres opérateurs ne l’a pas été car jugée trop dissimulée et peu claire.
Dans le même esprit, les opérateurs mobiles ont vite perçu l’importance de fournir à certaines cibles de consommateurs des outils de contrôle absolu de leur dépense liés à la structure de l’offre elle-même. La création d’offres prépayées qui permettent au client une transparence absolue de son usage (Mobicarte, Entrée Libre ou Nomade) a contribué puissamment au développement de l’usage et à la pénétration de la téléphonie mobile dans toutes les couches de la population. Près de la moitié du parc des opérateurs est ainsi constituée d’offres de type prépayé, ce pourcentage atteignant 90 % dans des pays comme l’Italie.
De même, le lancement d’offres permettant une lisibilité maximale de l’offre car offrant un usage illimité comme l’offre d’accès Orange Sans Limite sur le wap contribue très fortement au développement des usages : un client de ce service consomme ainsi 8 fois plus de wap qu’un client standard.
Transparence, lisibilité de l’offre tarifaire ont été et sont ainsi des puissants facteurs de développement de marché.
4. Le dernier point concerne plus la capacité de l’opérateur à garder un contact direct et de très grande clarté avec son client final dans tous ses contacts avec lui. Le service client en ligne (par téléphone ou sur Internet) et la qualité des représentants de l’opérateur en points de vente sont des éléments décisifs de l’image de marque de l’opérateur. La confiance qu’un opérateur peut inspirer commence dès le point de vente. La très bonne image des agences de l’opérateur historique et leur part de marché très importante (20 % environ du marché des mobiles en France) sont certes liées à leur présence sur l’ensemble du territoire national ; elles sont surtout dues à leur professionnalisme et à la garantie de service qu’elles ont su acquérir au fil du temps.
Toute occasion de contact avec le client est ensuite au-delà du point de vente l’occasion de renforcer l’image de marque de l’opérateur et la confiance que le client lui accorde : communication ciblée, magazines client, factures, appels. Parmi tous ces contacts, le contact privilégié reste le contact avec le service client par téléphone.
Qualité de l’accueil et qualité de l’information fournie apparaissent dans toutes les études client comme des éléments clés orientant le choix d’un opérateur par rapport à ses concurrents.
Ainsi, à toute étape de sa relation client, l’opérateur essaie d’établir et de faire fructifier une relation de confiance avec le client, tout d’abord en lui proposant un service qui fonctionne « partout », ensuite en lui garantissant une facturation exacte et contrôlable, puis en lui proposant des offres tarifaires transparentes et lisibles, enfin en soignant le contact avec le client depuis l’acte d’achat jusqu’aux contacts avec le service client.
Cette relation de confiance est bien le moteur du lien entre l’opérateur et ses clients : elle seule garantit une libéralisation de l’usage et au final une augmentation du chiffre d’affaires de l’opérateur. Elle seule permet à l’opérateur de fidéliser ses clients et d’améliorer leur profitabilité en lissant les coûts initiaux d’acquisition sur une période plus longue.
De la confiance à l’e-confiance
Le développement de nouveaux usages de la téléphonie mobile autour des services multimédias se place résolument au cœur des problématiques de mise en relation déjà évoquées. Si un opérateur doit devenir un opérateur de qualité et digne de confiance sur la mise en relation multimédia, il doit bien évidemment mettre en valeur sa capacité à délivrer le service partout et en tout lieu, sa capacité à proposer des offres claires et lisibles et à proposer des moyens de contrôle de la facturation, il doit enfin soigner l’acte de vente et les actes de conseil via le service client.
Au-delà de ces sujets largement évoqués, le développement des services multimédias met l’accent sur des problématiques plus spécifiques que l’on a l’habitude de regrouper sous le terme générique de e‑confiance. De quoi s’agit-il ?
Dans le développement des services multimédias, l’opérateur mobile propose une capacité de mise en relation entre individus, mais aussi entre consommateurs et commerçants.
Dans ce cadre-là, différents mécanismes doivent se mettre en place pour permettre le développement d’une place de marché efficace entre clients et marchands, mécanismes pouvant se regrouper dans une charte de bon fonctionnement ou de déontologie qui s’applique à ce marché.
Plutôt que de les évoquer trop théoriquement, prenons l’exemple des mécanismes mis en place par les trois opérateurs mobiles dans le cadre de leur offre de kiosque SMS, SMS +.
Suite au succès du vote sur Loft Story en 2001 par SMS (plus de 10 millions de votes par SMS), les éditeurs de services et les opérateurs mobiles ont décidé de lancer un service de kiosque permettant sur le modèle du Minitel de mettre en relation des éditeurs de services et de contenus avec les clients des trois opérateurs mobiles.
Afin de garantir une bonne adoption du service par les clients finaux, un certain nombre de freins devaient être levés conjointement par les opérateurs et les éditeurs :
- la clarté de la tarification : il n’y a pas de développement durable de service si le client n’a pas conscience du prix auquel il paye le service et s’il ne dispose pas de moyens de contrôle des montants dépensés ;
- le respect de l’anonymat des transactions : fort de l’exemple du Minitel, il est vite apparu vital de préserver l’anonymat des transactions au profit des clients finaux, à la fois pour les préserver d’un spamming1 indélicat, mais aussi pour préserver leur sphère de communication privée (et notamment pourquoi se le cacher pour garantir l’anonymat pour la consultation des services pour adultes…) ;
- le respect de chartes de déontologie et la mise en conformité des contenus avec les principes généralement admis ;
- la garantie de paiement des marchands si le service a été correctement délivré.
Une charte de e‑confiance a ainsi été mise en place entre les trois opérateurs et les éditeurs de services et de contenus pour permettre un décollage efficace de ce service en levant toutes les préventions possibles du consommateur. Cette charte implicite a ensuite été répercutée dans les conditions contractuelles qui lient les opérateurs et les éditeurs de services d’une part, les éditeurs de services et l’Association SMS + qui attribue les numéros d’autre part.
Cette charte de e‑confiance garantit notamment :
- la clarté de la tarification grâce à une charte graphique spécifique et l’attribution de numéros dont le premier chiffre indique le prix du contenu que le client va payer. Bien entendu, plus ce chiffre est élevé, plus le prix est élevé. Le client retrouve ainsi les règles de numérotation en vigueur dans l’univers du Minitel et du téléphone ;
- la mise en place par les opérateurs de moyens de paiement contrôlables par le client grâce à ses outils de suivi de consommation et d’alerte habituels ;
- la mise en place prioritaire des tarifs les plus bas afin d’inciter les éditeurs à privilégier des logiques de « juste prix » pour un contenu ;
- la garantie de l’anonymat et du respect de la vie privée par un système d’alias qui permet à l’opérateur de garantir à ses clients que leur numéro de téléphone n’est jamais transmis à des tiers ;
- la mise en place de chartes de déontologie et des moyens de contrôle associés via notamment le Conseil supérieur de la télématique et le Conseil de la télématique anonyme ;
- enfin, la garantie de paiement accordée au marchand en cas de contestation non fondée du client.
La mise en place de cet environnemen de marché a permis à la profession d’ouvrir plus de 100 services en moins de six mois et d’attirer plus de 1,2 million de clients depuis le lancement de services.
Le chiffre d’affaires ainsi créé est proche des 10 millions d’euros en moins de six mois.
L’établissement de relations de confiance se trouve ainsi au cœur du développement des opérateurs mobiles. La confiance en la qualité des services et leur environnement a été décisive dans l’adoption du téléphone mobile comme un outil quotidien par plus de 40 millions de nos compatriotes, permettant la création d’un marché de plusieurs milliards d’euros sur le territoire métropolitain.
Le développement des services multimédias pose d’autres défis aux opérateurs mobiles : dans un environnement plus changeant et plus marchand, les opérateurs doivent établir une place de marché transactionnelle qui répond à la fois aux aspirations légitimes des marchands en matière de commerce et aux attentes non moins légitimes des clients en matière de garantie de service et de protection de leur acte d’achat.
Au cœur de ce monde de la mise en relation, l’opérateur mobile s’impose ainsi comme l’organisateur de la place de marché « sans fil ». Le doublement du chiffre d’affaires des opérateurs attendu pour 2010 grâce au développement des services multimédias est à ce prix.
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1. Envoi de messages indésirables.