La consolidation des Bourses de valeurs en Europe*

Dossier : La BanqueMagazine N°622 Février 2007
Par Chiheb MAHJOUB
Par Hugues BESSIÈRE

La conso­li­da­tion des Bourses de valeurs en Europe s’accélère.Quels sont les impacts stra­té­giques et opé­ra­tion­nels pour les uti­li­sa­teurs des Bourses et des infra­struc­tures de marché ?

Les récents pro­jets de fusion entre Bourses de valeurs en Europe ont sou­le­vé de nom­breuses inter­ro­ga­tions et débats à tous niveaux : consi­dé­ra­tions natio­nales, conver­gence régle­men­taire, valeur pour les actionnaires…

C’est pour­quoi, il semble oppor­tun de recen­trer le débat sur les impacts stra­té­giques et opé­ra­tion­nels de telles conso­li­da­tions pour tous les uti­li­sa­teurs des Bourses et des infra­struc­tures de mar­ché, c’est-à-dire les émet­teurs, les inves­tis­seurs, les banques, les cour­tiers et les conservateurs.

GLOSSAIRE
Les entre­prises de mar­ché et les infra­struc­tures post­mar­ché en Europe peuvent être regrou­pées en quatre catégories :
les Bourses ayant pour objec­tif de déter­mi­ner les prix en fai­sant ren­con­trer l’offre et la demande ;
les Chambres de clea­ring (ou CCP pour Cen­tral Coun­ter­par­ty) qui ont pour fonc­tion de com­pen­ser les tran­sac­tions et d’être garantes du risque de contrepartie ;
les Dépo­si­taires cen­traux (ou CSD pour Cen­tral Secu­ri­ties Depo­si­to­ry) qui prennent en charge le règle­ment-livrai­son des titres et qui assurent le dénoue­ment des tran­sac­tions ain­si que la tenue de comptes interbancaires ;
les Dépo­si­taires cen­traux inter­na­tio­naux (ou ICSD pour Inter­na­tio­nal Cen­tral Secu­ri­ties Depo­si­to­ry) en charge du règle­ment-livrai­son des EuroBonds.

Un secteur en pleine mutation

Avant d’a­na­ly­ser en détail les inci­dences du rap­pro­che­ment des Bourses, il est néces­saire de faire le point sur le contexte actuel de l’in­dus­trie bour­sière qui est en train de subir une pro­fonde mutation.

Une des pre­mières étapes de cette muta­tion a été le chan­ge­ment du sta­tut des socié­tés gérant les Bourses de valeurs. Elles ont peu à peu aban­don­né leur sta­tut de socié­tés coopé­ra­tives déte­nues par leurs uti­li­sa­teurs au pro­fit d’en­tre­prises cotées déte­nues par des ins­ti­tu­tion­nels et des investisseurs.

Cette pre­mière étape a pré­pa­ré la voie à des mou­ve­ments de ratio­na­li­sa­tion et de restruc­tu­ra­tion notam­ment par le biais de fusions entre entre­prises de marché.

Le pre­mier mou­ve­ment concret a été la consti­tu­tion d’Eu­ro­next en 2000 qui a été sui­vie par d’autres ini­tia­tives. Ces der­nières ont mis le mar­ché en ébul­li­tion (cf. enca­dré ci-après).

Que recherchent les diri­geants des Bourses de valeurs par le biais de fusions ? Les argu­ments sui­vants sont sou­vent avancés :

• une cou­ver­ture géo­gra­phique plus large,
• une com­plé­men­ta­ri­té des pro­duits et marchés,
• un accrois­se­ment de la liqui­di­té qui attire plus d’é­met­teurs et d’in­ves­tis­seurs entraî­nant une hausse d’in­tro­duc­tions en Bourses et une aug­men­ta­tion des volumes de tran­sac­tions (en par­ti­cu­lier transfrontalières),
• des syner­gies infor­ma­tiques par la mutua­li­sa­tion des plates-formes de négociation,
• plus récem­ment, le besoin d’at­teindre une taille cri­tique pour concur­ren­cer les plates-formes de tran­sac­tions alter­na­tives dans le contexte de la MiFID1 en Europe et de REG NMS2 aux USA.

Concur­rence qui est déjà bien réelle car les ini­tia­tives se multiplient :

• une alliance de sept banques d’in­ves­tis­se­ment a pré­vu de lan­cer en novembre 2007 une plate-forme alter­na­tive de négo­cia­tion d’ac­tions euro­péennes, des­ti­née à terme à trai­ter 30 % des ordres sur ce seg­ment de marché…,
• un consor­tium de neuf banques d’in­ves­tis­se­ment a annon­cé la créa­tion d’un sys­tème de dif­fu­sion de don­nées rela­tives aux tran­sac­tions bour­sières de gré à gré en Europe.

Autant d’ar­gu­ments sédui­sants pour les action­naires mais qui ne tiennent pas suf­fi­sam­ment compte des attentes des uti­li­sa­teurs et des enjeux en termes d’in­fra­struc­tures européennes.

Une consolidation nécessaire du postmarché

Alors que la conso­li­da­tion des Bourses de valeurs ne doit pas néces­sai­re­ment pas­ser par une conso­li­da­tion euro­péenne (notam­ment dans le cadre de la MiFID et de l’ou­ver­ture de mar­chés au niveau mon­dial), les infra­struc­tures post­mar­ché doivent quant à elles se conso­li­der au niveau euro­péen afin de créer un CCP et un CSD euro­péen permettant :

• de réduire les coûts de com­pen­sa­tion et de règlement-livraison,
• de gérer un seul pool de col­la­té­ral,
• de réduire les coûts internes par ratio­na­li­sa­tion des pro­ces­sus et des systèmes.

Mais cette conso­li­da­tion ren­contre de nom­breux freins :

• une oppo­si­tion du modèle inté­gré ver­ti­ca­le­ment (silo domes­tique alle­mand par exemple) par rap­port au modèle inté­gré hori­zon­ta­le­ment (modèle Euro­next par exemple),
• des dif­fé­rences struc­tu­relles entre pays (règles, conven­tions, droit, fis­ca­li­té) : les » Gio­van­ni­ni Bar­riers « ,
• une confu­sion des rôles et des règles de concur­rence à revoir (notam­ment au niveau des ICSD3).

Mal­gré ces freins, une pre­mière étape de conso­li­da­tion s’est déjà réa­li­sée avec la consti­tu­tion d’Eu­ro­clear (qui regroupe les CSD fran­çais, hol­lan­dais et belge) et avec le lan­ce­ment du pro­jet ESES qui sera le sys­tème unique de règle­ment-livrai­son sur la zone Euronext.

Récem­ment, un nou­veau coup d’ac­cé­lé­ra­teur a été don­né presque au même moment par la Com­mis­sion euro­péenne (Code de bonne conduite de Mc Cree­vy) et par la BCE (Tar­get 2 Secu­ri­ties : sys­tème unique de règle­ment- livrai­son sur la zone euro) pour avan­cer vers cette consolidation.

Les impacts de la consolidation des Bourses

C’est dans ce contexte com­plexe que se joue l’a­ve­nir du pay­sage finan­cier européen.
Au-delà des enjeux natio­naux et des enjeux finan­ciers pour les action­naires des Bourses, il semble oppor­tun d’i­den­ti­fier les impacts et les enjeux pour les uti­li­sa­teurs qui sont sur le point de subir une pro­fonde muta­tion de leur environnement.

Deux pro­jets ont été envisagés :

• le NYSE qui fina­lise actuel­le­ment son offre d’ac­qui­si­tion d’Euronext,
• dans le même temps, Deutsche Börse qui a pro­po­sé un nou­veau pro­jet pour fusion­ner avec Euronext.

À l’heure où nous met­tons sous presse, la Deutsche Börse a reti­ré son offre sur Euro­next. Il nous semble tout de même oppor­tun d’a­na­ly­ser les impacts stra­té­giques de ces deux offres sur chaque acti­vi­té de la chaîne de trai­te­ment des titres, cette ana­lyse devant per­mettre de mieux appré­hen­der les impacts et enjeux engen­drés par la fusion entre Euro­next et NYSE.

Origination

Euro­next + NYSE

Le mar­ché pri­maire d’Eu­ro­next devrait pro­fi­ter du phé­no­mène de « de-lis­ting » des émet­teurs amé­ri­cains sou­hai­tant évi­ter la contrai­gnante loi Sar­banes-Oxley qui s’ap­plique aux actions cotées sur le NYSE.

De plus, la consti­tu­tion de la pre­mière Bourse mon­diale en termes de capi­ta­li­sa­tion et de volumes aura de sérieux atouts pour atti­rer des émet­teurs et des inves­tis­seurs bien aude­là de l’Eu­rope et des USA.

Car ne nous trom­pons pas, dans leur rôle d’in­ter­mé­diaires entre offre et demande de capi­taux, le ter­rain de jeu des Bourses est désor­mais mon­dial avec de nou­veaux bas­sins d’é­pargne et de besoins en capi­taux en Inde, en Chine ou Dubaï, par exemple.

Selon Salo­mon Miz­ra­hi, pré­sident de Ster­way Asso­ciés, cet argu­ment paraît faire du sens. » Cela devrait don­ner de nou­velles oppor­tu­ni­tés à nos inter­mé­diaires finan­ciers. Bien sûr la concur­rence avec la City, et avec les banques d’af­faires anglo-saxonnes sera rude, mais ne l’est-elle pas déjà, et ne le sera-t-elle pas autant, sinon plus, dans un contexte bour­sier confi­né à l’Eu­rope continentale ? »

Concer­nant ce rap­pro­che­ment, l’in­quié­tude des émet­teurs réside plus dans la régle­men­ta­tion qui sera appli­quée sur leurs titres. Les pré­ci­sions récem­ment appor­tées par Euro­next et NYSE (la créa­tion d’un dis­po­si­tif com­pre­nant une fon­da­tion de droit néer­lan­dais et d’un trust amé­ri­cain) ain­si que les dis­cus­sions en cours entre les régu­la­teurs amé­ri­cains et euro­péens devraient garan­tir une indé­pen­dance des deux mar­chés. Mais jus­qu’à quand ?

En effet, même si les car­nets d’ordres seront sépa­rés entre Euro­next et NYSE, les titres seront échan­gés sur une pla­te­forme de négo­cia­tion com­mune. Il est pro­bable que le régu­la­teur amé­ri­cain sou­hai­te­ra avoir un droit de regard sur cette plate-forme…

Euro­next + Deutsche Börse

Dans le cas d’un rap­pro­che­ment avec DB, le seul fait de consti­tuer une nou­velle Bourse paneu­ro­péenne ne sera peut-être pas un argu­ment suf­fi­sant pour atti­rer des nou­veaux émet­teurs étrangers.

De plus, dans le cadre d’une fusion éven­tuelle entre le LSE et Nas­daq (ou NYSE), le nou­veau groupe consti­tué sera un sérieux concur­rent sur le mar­ché pri­maire actions.

En revanche, Euro­next et DB seront lar­ge­ment domi­nants sur les mar­chés déri­vés euro­péens et sur son mar­ché pri­maire, ceci devant pro­fi­ter aux banques euro­péennes ayant de fortes com­pé­tences en la matière.

Mais cette posi­tion domi­nante pour­rait don­ner lieu à une inter­ven­tion du régu­la­teur for­çant Euro­next à revendre le mar­ché déri­vé bri­tan­nique « Liffe » (la revente d’Eu­rex étant impro­bable car trop imbri­qué entre la négo­cia­tion et la compensation).

En termes de régle­men­ta­tion, ce scé­na­rio favo­ri­se­rait une conver­gence euro­péenne. Mais l’in­té­gra­tion du régu­la­teur alle­mand au sein du col­lège de régu­la­teurs Euro­next doit être trai­tée car la DB est régu­lée par deux ins­tances : la BAFIN (Auto­ri­té alle­mande de sur­veillance du sec­teur finan­cier) et le Land de Hesse. Ce der­nier ayant des pré­oc­cu­pa­tions autres que la sur­veillance de la Bourse (le main­tien de l’emploi par exemple).

DATES CLÉS
• SEPTEMBRE 2000
Les Bourses d’Am­ster­dam, de Bruxelles et de Paris fusionnent pour for­mer Euro­next, la pre­mière Bourse transnationale.
• JANVIER 2002
Euro­next rachète le Liffe, mar­ché spé­cia­li­sé sur les déri­vés à Londres.
• FÉVRIER 2002
Euro­next fusionne avec la Bourse portugaise.
• FIN 2003
La Bourse de Stock­holm (OMX) acquiert les Bourses de Fin­lande, Let­to­nie, Estonie.
• 2004
Les Bourses de la Litua­nie et du Dane­mark rejoignent le groupe OMX.
• MAI 2004
Acqui­si­tion de la Bourse de Buda­pest par la Bourse de Vienne.
• DÉCEMBRE 2004
Le Lon­don Stock Exchange (LSE) rejette une offre de rachat de Deutsche Börse.
• FÉVRIER 2005
Euro­next pré­sente une offre de rachat du LSE.
• MARS 2005
Deutsche Börse renonce au rachat du Lon­don Stock Exchange.
• DÉCEMBRE 2005
Euro­next et Deutsche Börse confirment des dis­cus­sions sur un éven­tuel rap­pro­che­ment sans aboutir.
• MARS 2006
Le Nas­daq retire son offre d’a­chat sur le LSE.
• MAI 2006
– Deutsche Börse offi­cia­lise une pro­po­si­tion de fusion avec Euronext.
– Le Nas­daq annonce déte­nir 25 % du LSE.
– Le NYSE pro­pose une offre publique d’a­chat sur Euro­next avec le consen­te­ment de ses dirigeants.
• AOÛT 2006
Intro­duc­tion en Bourse pré­vue et confir­mée pour Bor­sa Italiana.
• SEPTEMBRE 2006
Nas­daq a la pos­si­bi­li­té de lan­cer une nou­velle offre sur le LSE.
• OCTOBRE 2006
– Publi­ca­tion du rap­port Lach­mann qui pré­co­nise un scé­na­rio alternatif.
– OMX acquiert 10% de la Bourse d’Oslo.
– Fusion du CME et du CBOT.

Négociation

Euro­next + NYSE

Dans le cas d’un rap­pro­che­ment avec le NYSE, la liqui­di­té devrait s’en trou­ver aug­men­tée mais dans une faible mesure car les car­nets d’ordres ne seront pas fusion­nés, deux devises coha­bi­te­ront et le déca­lage horaire ne per­met­tra pas de concen­trer les tran­sac­tions sur une jour­née. De plus, la MiFID et REG NMS vien­dront frag­men­ter la liqui­di­té de part et d’autre de l’Atlantique.

En ce qui concerne les pra­tiques de mar­ché, elles devraient évo­luer pour le NYSE qui bas­cu­le­rait vers un sys­tème tout élec­tro­nique grâce à la mise à dis­po­si­tion de la tech­no­lo­gie d’Eu­ro­next et à la mise en com­mun de plates-formes de négociation.

Les banques et cour­tiers pro­fi­te­ront du » cross-mem­ber­ship » qui leur don­ne­ra accès aux deux mar­chés et devrait aug­men­ter le volume des tran­sac­tions transfrontalières.

La consti­tu­tion d’un pôle concur­rent du type LSE-Nas­daq-DB devrait exa­cer­ber la concur­rence et entraî­ner une baisse des coûts de négo­cia­tion pour les cour­tiers et les banques. Cepen­dant, Euro­next-NYSE n’a pas avan­cé de chiffres pour le moment.

Concer­nant les mar­chés déri­vés, il y a une réelle oppor­tu­ni­té de déve­lop­pe­ment pour les banques fran­çaises et euro­péennes qui sont très com­pé­tentes en la matière. Cer­tains voient plu­tôt un risque que ces acti­vi­tés soient reprises à bon compte par les banques américaines.

Les acti­vi­tés d’ar­bi­trage devraient aug­men­ter grâce à la mise en place de sys­tèmes élec­tro­niques inté­grés faci­li­tant les arbi­trages auto­ma­tiques sur devises (euro vs. dol­lar) ou entre pays : aug­men­ta­tion pré­vue de 20% sur Euro­next selon Euronext-NYSE.

Euro­next + Deutsche Börse

La consti­tu­tion d’une Bourse euro­péenne Euro­next + DB devrait amé­lio­rer la liqui­di­té du mar­ché grâce à des horaires d’ou­ver­ture concen­trés sur une jour­née (à la dif­fé­rence de NYSE-Euro­next où la jour­née de Bourse serait beau­coup plus éta­lée dans le temps à cause du déca­lage horaire), la consti­tu­tion d’un car­net d’ordres unique et l’u­ti­li­sa­tion d’une seule monnaie.

Les uti­li­sa­teurs auront accès plus faci­le­ment aux mar­chés Euro­next et DB qui seront regrou­pés sur des pla­tes­formes communes.

DB pro­pose ain­si d’u­ti­li­ser la pla­te­forme alle­mande Eurex pour les déri­vés et celle d’Eu­ro­next (NSC) pour les actions ; DB s’en­ga­geant à bais­ser les coûts de tran­sac­tion de 25% pour les utilisateurs.

Comme indi­qué plus haut, Euro­next-DB sera lea­der sur les mar­chés de déri­vés mais il existe un risque de posi­tion domi­nante et donc de revente du Liffe.

Concer­nant les acti­vi­tés d’ar­bi­trage, les arbi­trages entre les titres simul­ta­né­ment cotés sur DB et Euro­next dis­pa­raî­tront. Les sys­tèmes étant élec­tro­niques pour les actions et les déri­vés, ils devraient faci­li­ter les arbi­trages auto­ma­tiques réa­li­sés par les banques et gérants d’actifs.

Clearing et Settlement

Euro­next + Nyse

La fusion Euro­next – Nyse favo­ri­se­rait un rap­pro­che­ment entre les CCP LCH Clear­net et NSCC (com­pen­sa­teur amé­ri­cain) ain­si qu’un rap­pro­che­ment entre dépo­si­taires cen­traux (Euro­clear avec DTC). Ces mou­ve­ments homo­gé­néi­se­raient les pra­tiques de post­mar­ché et faci­li­te­ront notam­ment le dénoue­ment des tran­sac­tions pour les bro­kers amé­ri­cains et euro­péens (qui pour­raient donc trai­ter les titres Euro­next et NYSE en domestique).

À l’in­verse, il est clair que cela ralen­ti­rait le pro­jet de conso­li­da­tion du post­mar­ché euro­péen et que cela ne résou­drait pas les pro­blèmes de concur­rence sou­le­vés par les ICSD.

Cepen­dant, cette créa­tion de « ponts » entre com­pen­sa­teurs et CSD pré­sente une pro­ba­bi­li­té de réa­li­sa­tion assez faible compte tenu du fait que les car­nets d’ordres seront sépa­rés et qu’au­cun pro­jet n’est pré­vu par Euro­next-NYSE sur le sujet.

Euro­next + Deutsche Börse

Un rap­pro­che­ment Euro­next-DB devrait per­mettre la consti­tu­tion d’un unique CCP (fusion entre LCH-Clear­net avec Eurex Clea­ring ou spé­cia­li­sa­tion avec LCH-Clear­net pour les actions et Eurex Clea­ring pour les déri­vés). Mais il s’a­git d’un pro­jet com­plexe car le modèle DB est très imbri­qué entre les sys­tèmes de négo­cia­tion, com­pen­sa­tion et règle­ment-livrai­son, néces­si­tant une phase préa­lable de désimbrication.

Concer­nant les CSD, une fusion Euro­clear-Clears­tream ne sera envi­sa­geable que si les règles de gou­ver­nance et la répar­ti­tion des acti­vi­tés concur­ren­tielles et d’in­té­rêt public sont cla­ri­fiées. Cela nous ren­voie donc au pro­jet euro­péen de conso­li­da­tion des CCP et des CSD qui néces­site une approche com­mune et guidée.

Quelle que soit l’is­sue de la fusion (NYSE ou DB), Salo­mon Miz­ra­hi estime que » la conso­li­da­tion à terme des infra­struc­tures post­mar­ché est pro­ba­ble­ment inévi­table, sur­tout les cen­trales dépo­si­taires natio­nales (CSD) qui ne sont pas sou­mises à un objec­tif de pro­fit ni à la concur­rence. Cette conso­li­da­tion est déjà en marche et se pour­sui­vra, quelles que soient les évo­lu­tions au niveau des entre­prises de mar­ché. Pour preuve, le pro­jet Tar­get 2 Secu­ri­ties de la Banque cen­trale euro­péenne qui consti­tue­rait, s’il est confir­mé, une étape déci­sive dans cette évolution « .

Conservation (Custody)

Les cus­to­dians (teneur de comptes conser­va­teurs) seront sur­tout concer­nés dans leur acti­vi­té de » local cus­to­dy « . En effet, la créa­tion d’un car­net d’ordres unique faci­li­te­ra la col­lecte d’ordres et per­met­tra de trai­ter en domes­tique ce qui était inter­na­tio­nal auparavant.

De plus, les opé­ra­tions sur titres seront aus­si concer­nées dans le cadre d’har­mo­ni­sa­tion entre marchés.

Dans un cas comme dans l’autre (NYSE ou DB), les inci­dences seront donc ciblées sur l’ac­ti­vi­té de » local cus­to­dy « . Dans le cas du scé­na­rio Nyse, les glo­bal cus­to­dians amé­ri­cains (lea­ders mon­diaux) seront donc bien armés pour atta­quer le mar­ché euro­péen. Dans le cas du scé­na­rio DB, les glo­bal cus­to­dians euro­péens pour­ront faire valoir leur connais­sance des mar­chés euro­péens pour concur­ren­cer les autres custodians.

Conclusion

Course au lea­der­ship des Bourses mon­diales ? C’est plu­tôt une bataille euro­péenne qui bat son plein.

Le rap­port Lach­mann en a posé les bases récem­ment, en pro­po­sant une solu­tion consen­suelle euro­péenne poly­cen­trique, spé­cia­li­sant les trois mar­chés (Euro­next, Deutsche Börse et Bor­sa Ita­lia­na) par produits.

Quel que soit le scé­na­rio, quelques fon­da­men­taux à ne pas perdre de vue :

• garan­tir à l’Eu­rope finan­cière une indé­pen­dance géo­po­li­tique et régle­men­taire même dans un scé­na­rio NYSE,
• être lucide sur l’am­pleur des inci­dences coûts » d’exé­cu­tion-conser­va­tion » pour l’u­ti­li­sa­teur final,
• ne pas per­tur­ber la dyna­mique de la construc­tion de l’Eu­rope post­mar­ché qui vient d’être relan­cée récemment,
• conso­li­der les rela­tions et la com­mu­ni­ca­tion entre les entre­prises de mar­ché et chaque métier concer­né (ban­quiers, cour­tiers, inves­tis­seurs, émet­teurs, conser­va­teurs) par de tels rap­pro­che­ments. Les récents évé­ne­ments ont entraî­né des incom­pré­hen­sions prin­ci­pa­le­ment dues à une com­mu­ni­ca­tion qui n’a pas été assez appro­fon­die auprès des utilisateurs,
• avoir conscience que les véri­tables enjeux de demain seront mon­diaux aus­si bien pour les Bourses que pour leurs utilisateurs.

Qui tire­ra pro­fit de ces grands mou­ve­ments ? Ceux qui auront su prendre une lon­gueur d’a­vance dans l’an­ti­ci­pa­tion de ces enjeux et qui sau­ront trans­for­mer l’en­semble des impacts sur cette chaîne de valeur en oppor­tu­ni­tés, et elles sont nombreuses…

* Cet article a été publié dans Banque Stra­té­gie, n° 243, décembre 2006.

1. Direc­tive sur les mar­chés d’ins­tru­ments finan­ciers en Europe.
2. La réforme amé­ri­caine REG NMS lève les obs­tacles à l’au­to­ma­ti­sa­tion com­plète des ordres de Bourses.
3. Inter­na­tio­nal Cen­tral Secu­ri­ties Depo­si­to­ry.

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