La conspiration du Caire / Reprise en main / Les Harkis / L’innocent / Armageddon Time
Une session assez décevante avec trois bons films, deux ambitions cinématographiques inabouties et des déceptions, parmi lesquelles des titres que la critique encense. Ainsi on ne saurait trop déconseiller Mascarade (de Nicolas Bedos – 2 h 22), éminent ratage boursouflé et confus où l’on ne reconnaît pas l’auteur talentueux de Monsieur & Madame Adelman et de La Belle Époque. On pourra également se dispenser de Close (de Lukas Dhont – 1 h 45), insipide mélo, négliger L’école est à nous (d’Alexandre Castagnetti – 1 h 48), inutile et hors-sol, et passer sans s’arrêter devant Le Petit Nicolas (d’Amandine Fredon & Benjamin Massoubre – 1 h 31), néanmoins gentillet. Restent, pour justifier et qui justifient une chronique…
La conspiration du Caire
Réalisateur : Tarik Saleh – 2 h
Voilà un bon et même un très bon film. Il est construit entre parenthèses (même scène d’ouverture et de fin) comme l’est l’action, qui va creuser dans la vie du héros une sorte de trou noir dont il parviendra miraculeuse-ment à sortir. Une plongée dans les affrontements de pouvoir entre le politique et le religieux, où aucune éthique ne prévaut. Égypte ? Cela se passe là mais pourrait se passer ailleurs. Le Nom de la rose ? On a fait le rapprochement. Oui et non, proche et loin. Autre visée. À noter, en (très) faux Sean Connery, Fares Fares, excellent. C’est lent, tendu, organisé, précis, instructif et assez étonnant.
Reprise en main
Réalisateur : Gilles Perret – 1 h 47
Très bien ! Des acteurs parfaitement convaincants, des paysages de montagne splendides et une histoire solide. En préservant une touche d’humour, la question sociale traitée, robuste, hélas trop classique et malheureuse-ment pertinente, s’installe dans toute sa dimension. C’est clair, bien posé et – on veut le croire pour sortir de là optimiste – crédible jusqu’au bout. C’est aussi une histoire d’amitié et qui touche. Des copains de lycée, un bel ancrage social, l’image forte des hommes au travail, l’impitoyable cynisme de la finance, on a déjà vu ça sans doute, mais un petit parfum d’autre chose flotte ici, dont une facette souvent négligée de la relation entre les sexes, possible et équilibrée, qui signe une vraie réussite.
Les Harkis
Réalisateur : Philippe Faucon – 1 h 22
Le sujet abordé impose d’en parler. J’avais beaucoup aimé en 2005 La trahison, du même réalisateur, subtil et attachant sur ces mêmes « événements » d’Algérie. Cette fois-ci, dans le souci peut-être de maintenir une forme d’équilibre, ou dans l’éloignement du temps qui passe et gomme tout, une autre trahison, celle des harkis par la France, peine à se mettre en lumière. L’effort pédagogique y est, mais les rapports humains apparaissent mal dans leur profondeur. Au casting, Théo Cholbi, le « bon » lieutenant Pascal, manque trop de charisme et affadit un rôle potentiellement héroïque. Les acteurs, algériens, marocains, sont tous très bien, très convaincants. Mais à vouloir rester dans la retenue, en limitant le pathos, Philippe Faucon en arrive presque à flouter sa démonstration-dénonciation. Tout est là, mais…
L’innocent
Réalisateur : Louis Garrel – 1 h 39
Hilarant (dit l’affiche) ? Non, mais souvent amusant et goûteux de bout en bout. Les acteurs sont excellents derrière le quatuor de tête, Noémie Merlant (délicieuse), Louis Garrel (très convaincant en ténébreux torturé), Roschdy Zem (impeccable) et Anouk Grinberg (en allumée attendrissante). Dans un mélange des genres savoureux, on suit avec beaucoup de plaisir des développements scénaristiques qui font leur place à quelques morceaux d’anthologie, dont une formidable mise en abyme du jeu d’acteur dans un garage où la préparation d’un casse un peu foireux et sympathique va permettre l’éclosion des sentiments. Divertissement conseillé !
Armageddon Time
Réalisateur : James Gray – 1 h 55
Une recherche ratée du temps perdu. « Le » James Gray annoncé à son de trompe ? Vraiment ? Eh bien, oui ! Il faut l’affirmer et l’assumer. Un gamin insupportable, des parents débordés, des notations convenues sur l’Amérique reaganienne et raciste des années 1980. On se demande où est le grand film qu’a vu la presse. Des dénonciations molles qui ne nous apprennent rien qu’on ne sache déjà. Une relation grand-père/petit-fils qui relève du chromo. Anne Hathaway est touchante et Anthony Hopkins fatigué. On s’ennuie un peu. Tout ça débouche sur pas grand-chose. À vingt-cinq ans, James Gray avait réussi un coup de maître : Little Odessa. À y réfléchir, trente ans et six ou sept films plus tard, son dernier opus souligne qu’il n’a jamais complètement tenu la promesse initiale.