La Convention des entreprises pour le climat
Créée en décembre 2020, l’association d’intérêt général CEC (convention des entreprises pour le climat) a pour vocation d’organiser des parcours de prise de conscience et de transformation pour décideurs économiques. L’objectif est de « rendre irrésistible la bascule d’une économie extractive vers une économie régénérative d’ici 2030 ». Des polytechniciens exposent les raisons et les modalités de leur engagement dans cette action.
C’en est presque devenu un rituel annuel : une COP se clôt et le constat demeure qu’au mieux nous ne sommes guère plus avancés qu’un an plus tôt. Pourtant, voilà maintenant plus de trente et un ans que s’est tenu le sommet de Rio, qui avait été vécu comme un véritable tournant à l’époque, le coup d’envoi d’une véritable ambition mondiale de préserver notre environnement et nos écosystèmes.
Un constat d’échec
Sur les neuf grands problèmes environnementaux mis en avant à Rio, seul un, les émissions de gaz halogénés, s’est fortement réduit. Un autre, les prises de pêche, s’est stabilisé, plus par manque de poissons à pêcher que pour une autre raison. Tous les autres ont largement empiré, avec des conséquences de plus en plus inquiétantes. Depuis 1992, notre façon de mesurer la pression environnementale de l’humanité a changé et le concept de limites planétaires, apparu en 2009, s’est imposé. Neuf limites sont identifiées, chacune d’entre elles étant suffisante à elle seule pour remettre en cause la stabilité de la biosphère. Huit ont à ce jour pu être quantifiées, sur lesquelles six ont déjà été dépassées. Une septième, l’acidification des océans, est proche de l’être et le sera à coup sûr si les émissions de CO2 ne sont pas très rapidement réduites.
Une approche plus efficace ?
Un regard honnête sur ces trois décennies ne peut qu’aboutir à un constat d’échec. Pourtant, de nombreux acteurs ont le sentiment d’avoir agi. À l’échelle individuelle, bien sûr, où les prises de conscience se sont développées et motivent bien plus de gens aujourd’hui à essayer de réduire leur pression sur l’environnement. Mais aussi à l’échelle des entreprises et des collectivités, qui surveillent plus qu’auparavant leurs consommations énergétiques, leur utilisation de l’eau, leur gestion des déchets…
On voit même de plus en plus de grands groupes annoncer être neutres en carbone, alors même que 2023 a connu un nouveau record d’émissions annuelles ! Du fait de la nature existentielle de l’enjeu (on le rappelle, les limites planétaires correspondent à ce qui déstabiliserait la biosphère dont nous dépendons), ce constat d’échec ne peut entraîner l’abandon des objectifs. C’est donc le moyen pour les atteindre que nous devons remettre en question.
C’est cette ambition de trouver une approche plus efficace qui est à l’origine de la convention des entreprises pour le climat dont nous voulons parler aujourd’hui, et la raison de nos engagements respectifs pour la convention des entreprises pour le climat, chacun avec son rôle particulier : Christian dans l’équipe cœur, Christine comme participante à une convention en cours et Cyrille comme bénévole.
Briser l’inertie
Le problème de la pression que l’humanité impose à la biosphère est à l’évidence systémique. Or ce besoin de changement de système est confronté au triangle de l’inaction entre la société civile, le monde économique (principalement les entreprises) et les pouvoirs publics. Plutôt que d’inaction, nous préférons parler d’inertie car, au lieu de permettre un passage à l’action mutuel et collectif, chaque acteur a plutôt tendance à rejeter les responsabilités sur les deux autres. Et pendant ce temps, en l’occurrence depuis plus de trente ans, rien ou presque ne se passe. Pour briser cette inertie, la première chose est de se mettre au centre de l’action. Pour cela, il faut réunir la volonté, les moyens et l’utilité de l’action.
De notre triade, les individus peuvent tout au plus faire œuvre d’encouragement : ils ont de plus en plus la volonté d’un changement, mais n’ont pas les moyens de lancer une action systémique. Les pouvoirs publics ont indiscutablement des moyens d’action et il est certainement légitime de leur en demander plus. Certains décideurs ont assurément le désir d’agir. Toutefois, la rapidité du cycle électoral est une difficulté majeure à laquelle ils restent confrontés : si l’impact positif d’une action engagée ne se fera sentir qu’après plusieurs années, il y a un vrai risque que le décideur motivé ait entre-temps été remplacé par un autre qui le serait moins.
On peut, on doit bien sûr en demander plus de nos décideurs, demander qu’ils fassent preuve de courage et qu’ils fassent l’effort de pédagogie pour susciter l’adhésion ; et bien sûr les hauts fonctionnaires peuvent rester lors d’une alternance et espérer pousser des actions au long cours ; mais cette difficulté est bien réelle et nous ne pouvons pas nous payer le luxe de l’ignorer.
Impliquer les entreprises
Restent les entreprises. Certaines, au moins, présentent une stabilité dans leur direction qui va bien au-delà de la durée d’un cycle électoral. Elles sont également menacées dans leur survie par la pression que l’humanité fait subir à la biosphère, ce qui peut leur donner la volonté d’agir. Et elles ont un pouvoir d’action qui peut aller bien au-delà de leur contribution directe, puisqu’elles sont au centre d’une chaîne de valeur toujours bien plus complexe que leurs seules opérations. En somme, elles réunissent des caractéristiques qui pourraient leur permettre de lancer la rupture du triangle de l’inaction.
“Concevoir le système économique de demain.”
C’est ce raisonnement qui a conduit à la création de la convention des entreprises pour le climat, dont le premier parcours aura réuni 150 entreprises de septembre 2021 à juillet 2022. Son nom se situe bien sûr en écho à celui de la convention citoyenne, qui se terminait au moment où se fondait la convention des entreprises pour le climat, et le principe en est également assez proche : réunir un groupe d’entreprises représentées par leurs décideurs, leur faire vivre un parcours de dix mois (répartis sur six sessions de deux jours) pendant lesquels ils vont être formés et informés sur les enjeux des limites planétaires, de la déplétion des ressources, mais surtout vont travailler, entre pairs, en intelligence collective sur une réflexion stratégique de leur modèle d’affaires et sur des propositions communes afin de concevoir le système économique de demain.
Des expériences réussies
Nous avons conscience que la réussite d’une telle démarche ne pourra être que collective : politique (et nombre de nos camarades y contribuent au ministère de la Transition écologique et du développement durable), entreprises, fédérations, associations professionnelles, tous dans la même direction et avec une vision ambitieuse et une volonté sans faille.
La convention des entreprises pour le climat ne prétend pas sauver le monde seule à la force du poignet : il n’y aurait que de la frustration à tirer de pareil péché d’orgueil. Mais ses fondateurs comme ses participants connaissaient avant tout le monde de l’entreprise et ont choisi d’agir là où ils le pouvaient, dès lors qu’ils identifiaient une occasion d’action pertinente et utile. C’est ce désir si présent dans l’ADN polytechnicien de mettre nos compétences au service d’un projet qui nous dépasse, dont l’impact sera sociétal, qui nous anime dans notre engagement au sein du projet de la convention des entreprises pour le climat.
Les retours d’expérience de la première convention semblent avoir confirmé l’utilité de la démarche et de nouvelles conventions se sont lancées depuis lors. Plusieurs avec un axe territorial, se concentrant sur un bassin d’emploi. D’autres avec un axe sectoriel, comme celle des cabinets de conseil, qui vient de se conclure, ou celle du monde financier, lancée en novembre 2023.
La convention industrie
Une convention sectorielle qui nous tient particulièrement à cœur est la convention industrie, qui sera lancée en 2024. Elle se tiendra en partenariat fort avec les Arts et Métiers, qui expriment ainsi leur engagement historique pour le développement de l’industrie française. Les polytechniciens ont également toute leur place dans le travail de conception de ce que pourrait être le tissu industriel durable de demain, tant il est vrai que ces réflexions, de par leur caractère systémique, font la part belle à la pluridisciplinarité chère à notre modèle si particulier de formation. Le recrutement des entreprises pour cette convention industrie bat son plein et nous ne pouvons que souhaiter que plusieurs de nos camarades fassent partie de l’aventure !
Pour aller plus loin
Convention des entreprises pour le climat https://cec-impact.org