Convention scientifique étudiante

La Convention scientifique étudiante : mettre la science au cœur du débat public

Dossier : HydrogèneMagazine N°795 Mai 2024
Par Meryem BEN DHIAF (X17)

Le 25 novembre 2023 a débu­té la Conven­tion scien­ti­fique étu­diante (CSE), un pro­jet de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive dont le but est de connec­ter des étu­diants scien­ti­fiques pour avan­cer en 2024 sur le futur de l’hydrogène. Retour sur un for­mat inédit por­té par des béné­voles de l’association des ingé­nieurs et scien­ti­fiques de France (IESF), jeunes alum­ni d’écoles d’ingénieurs telles que l’École poly­tech­nique, les Arts et Métiers, Cen­tra­le­Su­pé­lec, Cen­trale Lille, Mines Paris, Mines Albi, EBI, etc.

Les ingé­nieurs et scien­ti­fiques de France (IESF) est une asso­cia­tion qui repré­sente et unit la com­mu­nau­té ingé­nieure et scien­ti­fique en France. Elle agit de diverses manières, notam­ment en sou­te­nant une pla­ni­fi­ca­tion éner­gé­tique effi­cace, en pro­mou­vant l’utilisation judi­cieuse des tech­no­lo­gies pour assu­rer la pré­ser­va­tion des res­sources ou en encou­ra­geant l’engagement des jeunes dans les filières scien­ti­fiques. Depuis 2022, IESF s’est doté d’un comi­té Jeunes Pro­mo­tions. Ce der­nier, consti­tué de béné­voles récem­ment diplô­més d’écoles d’ingénieurs, a pour rai­son d’être d’inciter les ingé­nieurs et scien­ti­fiques à par­ti­ci­per au débat public. Dans le cadre de cette démarche, le comi­té a déci­dé de por­ter la voix de la pro­chaine géné­ra­tion à tra­vers une Conven­tion scien­ti­fique étu­diante sur le thème de l’hydrogène. Le pro­jet est sou­te­nu par Roland Les­cure, le ministre délé­gué char­gé de l’Industrie et de l’Énergie, qui a pla­cé le pro­jet de la Conven­tion sous son haut patronage.

Tirage au sort des participants

Les par­ti­ci­pants ont été sélec­tion­nés selon un pro­ces­sus à la fois repré­sen­ta­tif et inclu­sif du pay­sage étu­diant scien­ti­fique en France. Repré­sen­ta­tif par la dis­tri­bu­tion géo­gra­phique avec un tirage au sort contraint à 60 % d’étudiants de régions fran­çaises diverses pour 40 % d’étudiants en Île-de-France, et le type de for­ma­tion, avec une condi­tion de 80 % de for­ma­tions ingé­nieur pour 20 % de for­ma­tions universi­taires (mas­ter, doc­to­rat). Inclu­sif car la CSE a pri­vi­lé­gié la pari­té par­mi ses membres par rap­port à la repré­sen­ta­ti­vi­té réelle des femmes dans le pay­sage des études scien­ti­fiques. L’inscription à la CSE était éga­le­ment ouverte aux pro­fils d’étudiants inter­na­tio­naux sco­la­ri­sés en France, afin d’encourager davan­tage le débat et la conci­lia­tion d’une plu­ra­li­té des voix.

Un format de démocratie participative

La Conven­tion scien­ti­fique étu­diante (CSE) est ins­pi­rée du for­mat des Conven­tions citoyennes. Elle ras­semble 50 étu­diants, lors de quatre ses­sions plé­nières, pour répondre dans cette pre­mière édi­tion aux deux ques­tions sui­vantes : dans quelle mesure et à quelles condi­tions les tech­no­lo­gies liées à l’hydrogène sont-elles per­ti­nentes pour atteindre les objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable, dans un monde aux res­sources finies ? Quels devraient être les usages prio­ri­taires ? Cette Conven­tion est conduite par une gou­ver­nance assu­rant le bon déroule­ment et la légi­ti­mi­té de la Conven­tion, en plus de l’équipe de béné­voles qui l’organisent : un comi­té de gou­ver­nance, un comi­té de garants, un comi­té d’animation (Res publi­ca, Euro­group), un col­lège d’experts et un groupe d’appui et de fact-che­cking.

Ces dif­fé­rentes ins­tances per­mettent de défi­nir un pro­gramme tra­vaillé avec des spé­cia­listes des sujets abor­dés, ain­si que de garan­tir la trans­pa­rence et l’indépendance de la Conven­tion. La CSE se base dans un pre­mier temps sur plu­sieurs séries de for­ma­tions pen­dant les­quelles des experts ont pré­sen­té une ana­lyse glo­bale des impacts de la pro­duc­tion et de l’utilisation de l’hydrogène ; la pre­mière ses­sion a eu lieu en novembre 2023. Lors de la der­nière ses­sion de la Conven­tion, qui a eu lieu début mars 2024, les par­ti­ci­pants ont pris part à des débats per­met­tant d’aboutir à un pre­mier livrable concer­nant la place de l’hydrogène dans les tech­no­lo­gies de demain.

Un aperçu des événements

Quatre week-ends, espa­cés d’environ un mois, se sont déjà écou­lés et ont per­mis aux élèves de bien pro­gres­ser sur le conte­nu et la forme du rapport.

La pre­mière ses­sion s’est concen­trée sur des pré­sen­ta­tions de l’hydrogène et de ses enjeux sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Étu­diants et étu­diantes ont pu dis­cu­ter des enjeux cli­ma­tiques liés aux tech­no­lo­gies de l’hydrogène, de la stra­té­gie natio­nale H2, la pro­duc­tion, le trans­port et le sto­ckage, ou encore les ques­tions de sécu­ri­té. À tra­vers tous ces ensei­gne­ments, le groupe a éga­le­ment étu­dié les dif­fé­rents scé­na­rios de tran­si­tion éner­gé­tique de l’Ademe, pour com­men­cer à débrous­sailler les dif­fé­rentes dimen­sions du pro­blème posé. Cette pre­mière ses­sion, très riche, s’est conclue sur la répar­ti­tion des élèves en cinq groupes de tra­vail autour des usages de l’hydrogène.

La deuxième ses­sion, qui a eu lieu en jan­vier 2024, s’est fon­dée sur un for­mat hybride : de nou­velles confé­rences et des temps de réflexion en groupes de tra­vail par usage. Les élèves ont étu­dié la place de l’hydrogène dans les dif­fé­rentes thé­ma­tiques, leurs avan­tages et incon­vé­nients, les dif­fé­rentes solu­tions décar­bo­nées exis­tantes ou encore les impacts locaux de l’extraction des métaux. La ses­sion s’est conclue sur des temps d’échanges par groupe puis le par­tage de l’ensemble des ensei­gne­ments en ses­sion plénière.

La troi­sième ses­sion a mar­qué la fin des inter­ven­tions d’experts par une grande varié­té de thé­ma­tiques, allant de l’analyse de cycles de vie à la place de l’hydrogène dans les pays émer­gents, en pas­sant par la bio­di­ver­si­té. Forts de ces ensei­gne­ments, les élèves ont pu com­men­cer à pré­pa­rer le plan de leur rap­port, en repar­tant de la problématique.

Rédaction du rapport de la Convention

À l’issue du troi­sième week-end, les élèves dis­po­saient de toutes les res­sources néces­saires pour rédi­ger le rap­port. Cepen­dant, au-delà du conte­nu, se posait la ques­tion de la pré­sen­ta­tion et du public visé : devait-il s’agir de for­mu­ler des recom­man­da­tions, de par­ta­ger une syn­thèse des infor­ma­tions recueillies lors des diverses confé­rences et pré­sen­ta­tions, ou de sim­pli­fier le sujet de l’hydrogène ? Et quel public viser ? Les réponses ont été trou­vées lors de la der­nière ses­sion des 9 et 10 mars, lors de laquelle les élèves ont rédi­gé vingt-huit recom­man­da­tions à des­ti­na­tion des déci­deurs publics, notam­ment le ministre de l’Industrie et de l’Énergie.

Les recom­man­da­tions concernent la stra­té­gie autour de l’hydrogène, sa pro­duc­tion, sa dis­tri­bu­tion, ain­si que les cinq usages défi­nis lors des ses­sions pré­cé­dentes. Pen­dant ces deux jours ont alter­né des moments de rédac­tion en petits groupes et des moments de relec­ture en ses­sion plé­nière. Les élèves ont décou­vert la richesse mais éga­le­ment le défi que repré­sente le débat démo­cra­tique, en ache­vant notam­ment leur deuxième relec­ture le same­di soir à… 22 h 15 !

Mal­gré des ses­sions intenses, le week-end a pas­sé suf­fi­sam­ment rapi­de­ment pour prendre les membres de la Conven­tion de court lorsqu’ils ont appris qu’il était temps de voter pour vali­der cha­cune des recom­man­da­tions et enfin le rap­port lui-même. Résul­tat : aucun refus du rap­port, mais des vali­da­tions avec réserves. Si nous devions donc résu­mer ce qua­trième week-end en chiffres : vingt-deux heures de tra­vail, trois relec­tures, vingt-huit recom­man­da­tions votées.

Cérémonie de clôture de restitution des recommandations à Bercy

La céré­mo­nie de clô­ture a eu lieu de 16 avril der­nier au minis­tère à Ber­cy, les étu­diants y ont pré­sen­té les conclu­sions géné­rales de leur réflexion, saluées par le ministre Roland Les­cure : ils ont com­men­cé par sou­li­gner que l’hydrogène n’é­tait pas une solu­tion uni­ver­selle mais per­ti­nente pour cer­tains usages prio­ri­taires, néces­si­tant des adap­ta­tions socié­tales. Ils pré­co­nisent le res­pect des objec­tifs de déve­lop­pe­ment durable et la pro­mo­tion de la sobriété.

En termes d’usages, ils prio­risent l’hydrogène pour l’industrie lourde, le trans­port mari­time de longue dis­tance, et l’aviation, tout en recom­man­dant des alter­na­tives pour d’autres sec­teurs moins prio­ri­taires comme la mobi­li­té rou­tière légère. En outre, ils décon­seillent éga­le­ment l’hydrogène pour l’équilibrage du réseau élec­trique et la décar­bo­na­tion du trans­port mari­time de courte dis­tance, favo­ri­sant d’autres solu­tions plus adap­tées. Enfin, ils encou­ragent l’électrification pour la réduc­tion d’émissions et de coûts, tout en sou­li­gnant l’importance de l’accompagnement des popu­la­tions pré­caires dans cette tran­si­tion éner­gé­tique. L’ensemble des recom­man­da­tions et leurs argu­ments détaillés sont dis­po­nibles au lien sui­vant : https://csehydrogene.fr/rapport/

Article écrit en collaboration
avec des cama­rades de IESF


En illus­tra­tion : Membres du comi­té Jeunes Pro­mo­tions et deux membres de l’équipe d’animation Res publi­ca (de gauche à droite du pre­mier au der­nier rang) : Mat­teo Gior­da­no (KTH, École poly­tech­nique), Mélo­die Marin-Lemal­let (ECAM LaSalle), Arthur Stain­messe (Cen­trale Lille), Cas­sandre Pra­don (Cen­tra­le­Su­pé­lec), Amau­ry Fie­vez (Mines Paris), Gilles Laurent (Res publi­ca), Sophie Guillain (Res publi­ca), Pau­line Lefebvre (Mines Albi), Meryem Ben Dhiaf (École poly­tech­nique), Auré­lien Guez (Arts et Métiers), Ben­ja­min Sau­dreau (Arts et Métiers), Kom­la Apol­li­naire Adja­bli (Arts et Métiers).

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