La Convention scientifique étudiante : mettre la science au cœur du débat public
Le 25 novembre 2023 a débuté la Convention scientifique étudiante (CSE), un projet de démocratie participative dont le but est de connecter des étudiants scientifiques pour avancer en 2024 sur le futur de l’hydrogène. Retour sur un format inédit porté par des bénévoles de l’association des ingénieurs et scientifiques de France (IESF), jeunes alumni d’écoles d’ingénieurs telles que l’École polytechnique, les Arts et Métiers, CentraleSupélec, Centrale Lille, Mines Paris, Mines Albi, EBI, etc.
Les ingénieurs et scientifiques de France (IESF) est une association qui représente et unit la communauté ingénieure et scientifique en France. Elle agit de diverses manières, notamment en soutenant une planification énergétique efficace, en promouvant l’utilisation judicieuse des technologies pour assurer la préservation des ressources ou en encourageant l’engagement des jeunes dans les filières scientifiques. Depuis 2022, IESF s’est doté d’un comité Jeunes Promotions. Ce dernier, constitué de bénévoles récemment diplômés d’écoles d’ingénieurs, a pour raison d’être d’inciter les ingénieurs et scientifiques à participer au débat public. Dans le cadre de cette démarche, le comité a décidé de porter la voix de la prochaine génération à travers une Convention scientifique étudiante sur le thème de l’hydrogène. Le projet est soutenu par Roland Lescure, le ministre délégué chargé de l’Industrie et de l’Énergie, qui a placé le projet de la Convention sous son haut patronage.
Tirage au sort des participants
Les participants ont été sélectionnés selon un processus à la fois représentatif et inclusif du paysage étudiant scientifique en France. Représentatif par la distribution géographique avec un tirage au sort contraint à 60 % d’étudiants de régions françaises diverses pour 40 % d’étudiants en Île-de-France, et le type de formation, avec une condition de 80 % de formations ingénieur pour 20 % de formations universitaires (master, doctorat). Inclusif car la CSE a privilégié la parité parmi ses membres par rapport à la représentativité réelle des femmes dans le paysage des études scientifiques. L’inscription à la CSE était également ouverte aux profils d’étudiants internationaux scolarisés en France, afin d’encourager davantage le débat et la conciliation d’une pluralité des voix.
Un format de démocratie participative
La Convention scientifique étudiante (CSE) est inspirée du format des Conventions citoyennes. Elle rassemble 50 étudiants, lors de quatre sessions plénières, pour répondre dans cette première édition aux deux questions suivantes : dans quelle mesure et à quelles conditions les technologies liées à l’hydrogène sont-elles pertinentes pour atteindre les objectifs de développement durable, dans un monde aux ressources finies ? Quels devraient être les usages prioritaires ? Cette Convention est conduite par une gouvernance assurant le bon déroulement et la légitimité de la Convention, en plus de l’équipe de bénévoles qui l’organisent : un comité de gouvernance, un comité de garants, un comité d’animation (Res publica, Eurogroup), un collège d’experts et un groupe d’appui et de fact-checking.
Ces différentes instances permettent de définir un programme travaillé avec des spécialistes des sujets abordés, ainsi que de garantir la transparence et l’indépendance de la Convention. La CSE se base dans un premier temps sur plusieurs séries de formations pendant lesquelles des experts ont présenté une analyse globale des impacts de la production et de l’utilisation de l’hydrogène ; la première session a eu lieu en novembre 2023. Lors de la dernière session de la Convention, qui a eu lieu début mars 2024, les participants ont pris part à des débats permettant d’aboutir à un premier livrable concernant la place de l’hydrogène dans les technologies de demain.
Un aperçu des événements
Quatre week-ends, espacés d’environ un mois, se sont déjà écoulés et ont permis aux élèves de bien progresser sur le contenu et la forme du rapport.
La première session s’est concentrée sur des présentations de l’hydrogène et de ses enjeux sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Étudiants et étudiantes ont pu discuter des enjeux climatiques liés aux technologies de l’hydrogène, de la stratégie nationale H2, la production, le transport et le stockage, ou encore les questions de sécurité. À travers tous ces enseignements, le groupe a également étudié les différents scénarios de transition énergétique de l’Ademe, pour commencer à débroussailler les différentes dimensions du problème posé. Cette première session, très riche, s’est conclue sur la répartition des élèves en cinq groupes de travail autour des usages de l’hydrogène.
La deuxième session, qui a eu lieu en janvier 2024, s’est fondée sur un format hybride : de nouvelles conférences et des temps de réflexion en groupes de travail par usage. Les élèves ont étudié la place de l’hydrogène dans les différentes thématiques, leurs avantages et inconvénients, les différentes solutions décarbonées existantes ou encore les impacts locaux de l’extraction des métaux. La session s’est conclue sur des temps d’échanges par groupe puis le partage de l’ensemble des enseignements en session plénière.
La troisième session a marqué la fin des interventions d’experts par une grande variété de thématiques, allant de l’analyse de cycles de vie à la place de l’hydrogène dans les pays émergents, en passant par la biodiversité. Forts de ces enseignements, les élèves ont pu commencer à préparer le plan de leur rapport, en repartant de la problématique.
Rédaction du rapport de la Convention
À l’issue du troisième week-end, les élèves disposaient de toutes les ressources nécessaires pour rédiger le rapport. Cependant, au-delà du contenu, se posait la question de la présentation et du public visé : devait-il s’agir de formuler des recommandations, de partager une synthèse des informations recueillies lors des diverses conférences et présentations, ou de simplifier le sujet de l’hydrogène ? Et quel public viser ? Les réponses ont été trouvées lors de la dernière session des 9 et 10 mars, lors de laquelle les élèves ont rédigé vingt-huit recommandations à destination des décideurs publics, notamment le ministre de l’Industrie et de l’Énergie.
Les recommandations concernent la stratégie autour de l’hydrogène, sa production, sa distribution, ainsi que les cinq usages définis lors des sessions précédentes. Pendant ces deux jours ont alterné des moments de rédaction en petits groupes et des moments de relecture en session plénière. Les élèves ont découvert la richesse mais également le défi que représente le débat démocratique, en achevant notamment leur deuxième relecture le samedi soir à… 22 h 15 !
Malgré des sessions intenses, le week-end a passé suffisamment rapidement pour prendre les membres de la Convention de court lorsqu’ils ont appris qu’il était temps de voter pour valider chacune des recommandations et enfin le rapport lui-même. Résultat : aucun refus du rapport, mais des validations avec réserves. Si nous devions donc résumer ce quatrième week-end en chiffres : vingt-deux heures de travail, trois relectures, vingt-huit recommandations votées.
Cérémonie de clôture de restitution des recommandations à Bercy
La cérémonie de clôture a eu lieu de 16 avril dernier au ministère à Bercy, les étudiants y ont présenté les conclusions générales de leur réflexion, saluées par le ministre Roland Lescure : ils ont commencé par souligner que l’hydrogène n’était pas une solution universelle mais pertinente pour certains usages prioritaires, nécessitant des adaptations sociétales. Ils préconisent le respect des objectifs de développement durable et la promotion de la sobriété.
En termes d’usages, ils priorisent l’hydrogène pour l’industrie lourde, le transport maritime de longue distance, et l’aviation, tout en recommandant des alternatives pour d’autres secteurs moins prioritaires comme la mobilité routière légère. En outre, ils déconseillent également l’hydrogène pour l’équilibrage du réseau électrique et la décarbonation du transport maritime de courte distance, favorisant d’autres solutions plus adaptées. Enfin, ils encouragent l’électrification pour la réduction d’émissions et de coûts, tout en soulignant l’importance de l’accompagnement des populations précaires dans cette transition énergétique. L’ensemble des recommandations et leurs arguments détaillés sont disponibles au lien suivant : https://csehydrogene.fr/rapport/
Article écrit en collaboration
avec des camarades de IESF
En illustration : Membres du comité Jeunes Promotions et deux membres de l’équipe d’animation Res publica (de gauche à droite du premier au dernier rang) : Matteo Giordano (KTH, École polytechnique), Mélodie Marin-Lemallet (ECAM LaSalle), Arthur Stainmesse (Centrale Lille), Cassandre Pradon (CentraleSupélec), Amaury Fievez (Mines Paris), Gilles Laurent (Res publica), Sophie Guillain (Res publica), Pauline Lefebvre (Mines Albi), Meryem Ben Dhiaf (École polytechnique), Aurélien Guez (Arts et Métiers), Benjamin Saudreau (Arts et Métiers), Komla Apollinaire Adjabli (Arts et Métiers).