La coopération entre la France et Israël dans le domaine de l’environnement
La mer Morte © ONIT
La coopération scientifique entre la France et Israël
La coopération scientifique entre la France et Israël est un baromètre du climat politique et constitue aujourd’hui le moteur des relations entre les deux pays. À cet égard, la première visite ministérielle après le changement de gouvernement de 1993 fut celle du ministre chargé de la recherche, François Fillon. Lors de sa visite en Israël à la fin de 1996, le Président de la République a lui-même rappelé, dans l’enceinte prestigieuse du Technion de Haïfa, que la coopération scientifique constitue l’un des aspects essentiels des relations entre la France et Israël. Les accords signés entre la France et Israël ont permis ces dernières années un accroissement très important des moyens consacrés à la coopération scientifique et technologique entre les deux pays. À l’occasion de la visite du Président de la République, les deux ministres chargés de la recherche ont convenu de renforcer cette coopération dans le cadre du 4e PCRD.
La France est aujourd’hui le troisième partenaire scientifique d’Israël, derrière les États-Unis et l’Allemagne. La qualité des équipes israéliennes et l’intérêt des recherches qu’elles conduisent permettent de prendre le pari de faire de notre pays le premier partenaire scientifique européen d’Israël. Ce pari est certes ambitieux, il vaut la peine d’être lancé. Sa réussite suppose que les moyens matériels que nos deux pays consacrent à leur coopération scientifique ne faiblissent pas. Elle repose également sur notre capacité à mobiliser les programmes européens et à y occuper toute notre place.
Sur le plan institutionnel, cette coopération s’illustre principalement par le financement de projets bilatéraux, l’octroi de bourses d’études, la mise en place de « coopérants scientifiques » et la participation financière à des colloques et congrès, dont les principaux éléments sont décrits ci-après.
L’Association franco-israélienne pour la recherche scientifique et technologique (Afirst) soutient en permanence quatre grands programmes de recherche prioritaires. Deux programmes sont en cours depuis le début de l’année 1995, l’un en immunologie et l’autre sur les matériaux. Deux autres ont été lancés à l’automne 1996, l’un dans le domaine des autoroutes et technologies de l’information, l’autre dans le domaine de la gestion de l’eau et de la bioremédiation. Les thèmes prioritaires de ce dernier programme sont les indicateurs biologiques de la pollution de l’eau, la dégradation microbienne des molécules xénobiotiques, l’utilisation des sols agricoles pour l’amélioration de la qualité des eaux, la protection et le traitement des ressources en eaux superficielles et souterraines, le traitement biologique et physicochimique des eaux usées. Sept projets, couvrant quatre des cinq thèmes proposés dans l’appel d’offres, ont été sélectionnés en 1996 ; cette sélection s’est faite sur l’adéquation aux thèmes de l’appel d’offres et sur les perspectives de valorisation à moyen terme.
Le programme Arc-en-Ciel (Keshet en hébreu) permet de financer des échanges de visites entre chercheurs français et israéliens dans le cadre de projets de recherche communs. La sélection des projets tient compte de leur qualité scientifique et de leur caractère innovant, de la complémentarité des équipes et des perspectives de collaboration à plus long terme, ainsi que, éventuellement, des perspectives de développement technologique intéressant un partenaire industriel. En 1996, 44 projets ont été sélectionnés sur les 117 demandes jugées recevables.
Le système de bourses Chateaubriand, fonctionnant entre la France et les États-Unis, a été élargi à Israël en 1988. Il permet à de jeunes chercheurs israéliens, soit en cours de PhD, soit juste après – post-doc -, d’effectuer un séjour d’environ neuf mois dans un organisme de recherche français. Celui-ci peut être, soit une université ou une grande école, soit un organisme de recherche public ou éventuellement privé.
Le programme de coopérants du Service national finance partiellement des séjours de quinze à seize mois de jeunes chercheurs français dans des laboratoires israéliens.
Le programme de coopération internationale de la Conférence des Grandes Écoles vise à rapprocher les meilleurs chercheurs des grandes écoles françaises et des plus grandes universités étrangères dont les six universités israéliennes. L’objectif est triple : valoriser leur potentiel scientifique commun, favoriser un partenariat « science-industrie » en impliquant les industriels et assurer l’efficacité des échanges d’étudiants et de thésards.
Entre 5 et 10 colloques scientifiques franco-israéliens sont cofinancés chaque année par le ministère français des Affaires étrangères et le ministère israélien de la Science.
Par ailleurs, la plupart des organismes de recherche français ont des accords de coopération avec des partenaires israéliens.
La coopération scientifique entre la France et Israël se développe également à travers l’Europe dans le cadre de programmes communautaires, par exemple d’aide à la mobilité des chercheurs.
Par ailleurs, la coopération en recherche appliquée est le fait de l’Association franco-israélienne pour la recherche industrielle et l’innovation (Afirii). Créée en avril 1995 et présidée par Francis Mer, PDG d’Usinor-Sacilor, elle vise à encourager par des moyens budgétaires appropriés le partenariat entre les entreprises françaises et israéliennes en matière de R&D industrielle et d’innovation ; elle a également pour tâche de coordonner l’action des organismes spécialisés dans les divers domaines de la recherche et du développement industriel dans chaque pays.
En outre, l’Agence nationale pour la valorisation de la recherche (Anvar) et son homologue israélien, l’Office of the Chief Scientist (OCS) du ministère de l’Industrie et du Commerce, ont signé en février 1994 un accord de coopération en vue de soutenir et multiplier des partenariats technologiques entre PME françaises et israéliennes. Ce programme est doté de 30 millions de francs.
Enfin, un protocole financier de partenariat de 80 millions de francs a été signé en novembre 1993 entre le Trésor français et Israël. Alimenté à parité par les deux pays, un budget est affecté à l’octroi de prêts à des entreprises des deux nationalités qui s’associeront pour réaliser des projets communs valorisant des programmes franco-israéliens de recherche fondamentale appliquée.
Le partenariat économique entre la France et Israël
L’isolement géographique d’Israël le pousse à multiplier les contacts, notamment avec l’Europe. Pourtant, les entreprises françaises se sont longtemps tenues à l’écart du marché israélien et de ses cinq à six millions de consommateurs. Il y a peu, à peine une demi-douzaine de groupes français avaient pignon sur rue par le biais de filiales, alors même que près de 70 filiales de sociétés israéliennes étaient présentes dans l’Hexagone. La France, 4e puissance exportatrice mondiale, n’était que le 8e fournisseur d’Israël et son 6e client – environ 5 % de son commerce extérieur -, loin derrière des pays comme l’Italie et la Belgique.
Cette situation a évolué avec le processus de paix. La première visite en Israël d’un président du CNPF a eu lieu en mai 1994. À l’occasion de son voyage de quatre jours, la délégation menée par François Périgot avait été reçue par Yitzhak Rabin. Dans le domaine de l’environnement, des partenariats se sont développés, particulièrement en matière d’eau et de déchets. Souhaitons qu’ils soient suivis par beaucoup d’autres.
Le contexte se prête bien à des partenariats industriels en matière de recherche et développement dans le domaine de l’environnement : à part les quelques domaines qui ont été bien développés en raison des intérêts du pays – énergie solaire, recyclage de l’eau, dessalement de l’eau de mer -, Israël est désireux d’accroître son savoir-faire industriel dans le domaine de l’environnement.
La visite ministérielle de Corinne Lepage en Israël
Corinne Lepage, ministre de l’Environnement de l’époque, a eu elle-même l’occasion d’effectuer une visite en Israël fin mars début avril 1996. Comme pour ses autres déplacements à l’étranger, elle avait tenu à être accompagnée d’une délégation composée d’industriels français du secteur des éco-industries : ils étaient au nombre de 11, grands groupes comme PME.
À l’occasion de cette mission, Corinne Lepage a pu rencontrer le Premier ministre de l’époque, Shimon Peres, et a eu des entretiens approfondis avec son homologue, Yossi Sarid. À cette occasion, les deux ministres ont procédé à un échange de vues portant sur la promotion des programmes bilatéraux et multilatéraux de recherche dans les domaines d’intérêt commun, ainsi que sur l’encouragement de la coopération dans les projets intéressant l’environnement dans le cadre de la région de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Ils ont en particulier évoqué les domaines de recherche suivants : le recyclage des effluents après traitement, la stabilisation des déchets, la pollution atmosphérique, l’environnement urbain, la décontamination des sols – en mettant l’accent sur les sols salins -, la prévention de l’érosion et des mouvements de terrain.
Les deux ministres ont exprimé leur désir de créer un cadre propre à encourager davantage la recherche environnementale et se sont engagés à unir leurs efforts pour réunir à cette fin des concours financiers. Ils ont également confirmé leur volonté d’encourager les activités de coopération pour la protection de la région méditerranéenne dans le cadre du Plan d’Action Méditerranée et du programme européen MEDA, s’ajoutant à la promotion des activités environnementales conjointes dans le cadre de la Quatrième Initiative de l’Union européenne.
Ils ont transcrit ces propos à travers la signature le 31 mars 1996 d’une déclaration d’intention commune, dans laquelle ils ont également indiqué la volonté de leurs gouvernements de conclure un accord bilatéral de coopération dans le domaine de la protection de l’environnement.
S’agissant des déchets, le ministère israélien de l’Environnement attend de pouvoir apprécier le fonctionnement de l’incinérateur danois du centre de traitement des déchets industriels de Ramat Hovav. Il envisage par la suite de disposer de deux ou trois incinérateurs qui contribueraient à la fermeture, déjà bien avancée, des décharges d’ordures ménagères. M. Sarid a par ailleurs évoqué l’éventualité de coopérations trilatérales France-Israël-autorité palestinienne, par exemple en matière de traitement des déchets, ou encore France-Israël-Jordanie pour le contrôle de la pollution dans le golfe d’Aqaba.
Enfin, les deux ministres ont décidé la création d’un groupe bilatéral chargé de faire des propositions d’action concrètes. Le ministère israélien de l’Environnement a proposé que ce groupe traite des sujets suivants : gestion des déchets, traitement des eaux usées domestiques et recyclage des effluents, recherche environnementale et pollution marine. Corinne Lepage a proposé d’y ajouter deux sujets : surveillance de la qualité de l’air et traitement des eaux usées industrielles. L’environnement devient le second secteur pour lequel il existe un dialogue institutionnel actif entre la France et Israël1.
Le séminaire sur les technologies avancées de l’environnement
Un programme de deux journées s’est déroulé les 11 et 12 février 1997 sous le parrainage du ministère israélien de l’Industrie et du Commerce, du ministère israélien de l’Environnement, du ministère français de l’Environnement et de l’ambassade de France en Israël. Deux événements avaient été regroupés pour des raisons pratiques : un séminaire sur la réhabilitation des sols contaminés, organisé par la Chambre de commerce et d’industrie Israël-France et une conférence d’affaires2 sur les technologies avancées pour l’environnement, organisée par le CFME-Actim, l’Afirii et Matimop3.
Ces deux événements s’inscrivent en suite directe de la visite de Corinne Lepage en Israël. La plupart des sociétés qui avaient accompagné le Ministre étaient également présentes, dont certaines ont pu développer leur activité4.
Israël dispose d’une recherche universitaire de pointe dans le domaine de la pollution des sols – migration des polluants… -, mais accuse un retard important dans le domaine de la réhabilitation des sols pollués, tant au niveau institutionnel qu’au niveau technologique. Le pays se trouve dans la situation où était la France au début des années 80, c’est-à-dire qu’il découvre le problème après un développement industriel peu soucieux de l’environnement. Le cadre se prête donc bien au développement de partenariats industriels dans ce domaine.
Les résultats du séminaire en sont la preuve : 102 participants côté israélien5 et 36 côté français6.
La conférence d’affaires a débuté par une ouverture de haut niveau7. Une table ronde a permis à chacun de présenter sa société et ses centres d’intérêt et a été suivie de rendez-vous individuels. Au plan qualitatif, cette conférence d’affaires est un succès : 16 sociétés françaises ; une cinquantaine de sociétés israéliennes ; plus de 180 rendez-vous individuels – de 4 à 19 par société française, 11 en moyenne. À titre de comparaison, une conférence d’affaires sur les télécommunications, organisée quelques mois auparavant par Matimop et l’Anvar, n’avait réuni que 3 sociétés françaises, alors que 55 sociétés étaient pressenties.
La conférence d’affaires sera aussi certainement un succès quant à ses suites : près d’une dizaine de contacts stratégiques ont d’ores et déjà pu être identifiés et des demandes de financement ont été déposées à l’Afirii.
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1. Le premier secteur a été celui des finances, avec la mise en place d’un groupe de travail informel suite à la visite de Jean Arthuis en mars 1996 ; il existe aussi des contacts et coopérations dans les domaines du tourisme, des télécommunications et des transports.
2. Il s’agissait d’une première : la conférence d’affaires constitue une nouvelle orientation du CFME-Actim à la suite de la réorganisation du dispositif français du commerce extérieur. Il est significatif que cette première conférence d’affaires ait eu lieu dans le domaine de l’environnement.
3. Matimop est le centre de l’industrie israélienne pour la recherche et développement ; il a été fondé par l’association des industriels israéliens et par l’association des industries des kibboutz.
4. Le groupe Lyonnaise des Eaux a depuis janvier 1997 un représentant permanent en Israël et Sarp Industries a pris une participation à Ramat Hovav, comme indiqué plus haut.
5. 13 institutionnels, 14 représentants de collectivités locales, 9 journalistes, 7 représentants locaux du groupe Générale des Eaux et 60 représentants d’autres sociétés.
6. 14 institutionnels installés en Israël, 5 institutionnels venus de France et 17 représentants d’entreprises.
7. Le nouveau Chief Scientist du ministère de l’Industrie et du Commerce, Dr. Orna Berry, le Chief Scientist du ministère de l’Environnement, Prof. Uri Mingelgrin, le Commissaire à l’Eau, Meir Ben-Meir, et le Président israélien de l’Afirii, Lucien Bronicki.