La découverte du virus du Sida
L’attribution du prix Nobel de médecine à Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier a convaincu Maxime Schwartz, ancien directeur général de l’Institut Pasteur, et Jean Castex, qui en a été le directeur administratif et financier, de revenir sur les circonstances de la découverte du virus du Sida et sur la lutte difficile que la direction de l’Institut Pasteur a dû mener contre le gouvernement des États-Unis pour faire reconnaître l’antériorité des travaux pasteuriens sur ceux menés par l’équipe américaine de Robert Gallo.
La narration de cette véritable épopée montre à quel point la science a perdu une large partie de son indépendance et n’est plus, souvent, qu’un élément dans le jeu de la puissance de la politique des États. Chemin faisant, on comprend que, contrairement à ce que R. Gallo prétend encore aujourd’hui, non seulement il n’a pas été le premier à isoler le VIH, mais il n’a pas été non plus le premier à montrer que ce virus était la cause du Sida ni à mettre au point le test de détection de l’infection par ce virus. On est aussi conduit à regarder différemment la fameuse « affaire du sang contaminé » et l’on prend conscience que bien des faits considérés comme établis par le public sont totalement erronés. Ainsi, par exemple, il n’y a jamais eu d’accord signé entre Jacques Chirac et Ronald Reagan au sujet de la découverte du virus et Luc Montagnier n’a jamais été contraint de quitter la France en 1997 en raison d’une mise à la retraite prématurée. Il est resté professeur à l’Institut Pasteur jusqu’en 2000 et y a conservé son laboratoire jusqu’à cette date.
Dans les coulisses de cette affaire, on comprend mieux le bond en avant de la recherche française jusqu’à la mise au point des premiers tests et les dessous de l’inégale compétition entre la France et les États-Unis. Qu’en aurait-il été si le laboratoire de Robert Gallo avait été situé dans le grand-duché de Luxembourg ? Luc Montagnier et Françoise Barré- Sinoussi auraient partagé dix ans plus tôt le prix Nobel et le partage des royalties en eût été différent. En revanche, cette controverse n’a pas retardé la mise sur le marché en France du test de diagnostic. Et elle n’a pas été qu’une affaire financière, mais avant tout une affaire d’éthique et d’intégrité de la recherche.
À la lecture de cet ouvrage précis, documenté et écrit d’une plume alerte, on comprend mieux comment, dans la guerre économique, la puissance peut accompagner et soutenir, au-delà du raisonnable en l’occurrence, la recherche et ses débouchés.
Pour avoir vécu l’un des épisodes de cette affaire, je peux témoigner de l’esprit de rigueur des auteurs qui se sont également inspirés d’un document établi par l’ancien directeur de l’Institut Pasteur à l’époque de son démarrage.
À lire impérativement pour mieux comprendre l’une des grandes batailles scientifiques et médicales de notre époque.