« La démocratisation de l’IA ouvre le champ des possibles »
Depuis 2013, la société Liftoff a intégré le machine learning dans l’ensemble de ses processus et organisations. John Whitbeck (X04), directeur de la plateforme de machine learning de l’entreprise, nous démontre l’apport et le potentiel de l’IA pour l’économie numérique.
Comment avez-vous intégré l’intelligence artificielle ?
Nous travaillons sur la part invisible de l’IA. Lorsque les utilisateurs mobiles reçoivent des bannières publicitaires sur leurs applications, ils ne soupçonnent pas que ces envois ont été générés par une IA. Notre rôle est d’identifier, via le machine learning, la meilleure publicité à afficher à un moment clé pour optimiser le chiffre d’affaires de nos clients. C’est une nécessité pour nous, dans notre écosystème, d’être les plus rapides et les agiles pour intégrer les dernières technologies et les traduire en améliorations apportées aux produits. Liftoff effectue plus d’un milliard de prédictions à la seconde ! La puissance de calcul de l’intelligence artificielle nous permet aujourd’hui de travailler sur des jeux de données immenses, à l’échelle mondiale, sur des logiciels et des serveurs suffisamment robustes pour que les données soient analysées de façon fluide et fiable. Au sein de Liftoff nous avons réalisé un immense effort technologique pour utiliser l’IA à tous les niveaux. En tant que directeur de notre plateforme de machine learning, mon rôle est d’équiper nos ingénieurs, partout dans le monde, avec les meilleurs outils, infrastructures et méthodes de modélisation, en lien avec l’IA.
Quels sont les principaux défis de l’IA ?
La vitesse ! Tout change à la vitesse de l’éclair avec l’IA. Notre entreprise a été construite avec et autour du machine learning. Nous avons pris le train en marche, il y a dix ans, avant l’explosion des réseaux de neurones. Depuis, ces technologies ont beaucoup évolué, tant en termes d’état-de‑l’art scientifique que de puissance des outils. Aujourd’hui il est possible de développer en quelques semaines des systèmes d’IA qui auraient pris des mois ou des années auparavant. De plus, la démocratisation de l’IA a ouvert un champ des possibles en rendant accessibles à tous des outils autrefois réservés aux spécialistes. ChatGPT, notamment, a de bluffant qu’il donne l’impression – pour ne pas dire l’illusion – de dialoguer avec une intelligence humaine. C’est la première fois que le grand public peut interagir avec des systèmes d’intelligence artificielle, de façon aussi simple. Ainsi, ces nouveaux outils accroissent la productivité de l’ensemble de nos équipes, y compris celles qui ne travaillent pas avec les systèmes d’informations, en les libérant des tâches longues et répétitives. Grâce à des outils comme DALL‑E, nos designers peuvent, par exemple, produire des visuels de présentation à nos clients, et ce, en seulement quelques minutes. C’est un gain de temps pour tous. Les ingénieurs peuvent plus facilement incorporer des briques d’IA aux solutions qu’ils développent, sans être experts du domaine, et les non-ingénieurs, utiliser des programmes d’IA grand public tels que ChatGPT ou Midjourney. Les deux niveaux créant de la valeur.
Quels sont les apports de l’IA ?
Nous aidons les éditeurs et les concepteurs d’applications mobiles à développer leurs revenus. Pour cela, nous utilisons deux leviers. Le premier est d’ordre marketing, destiné à développer la base d’utilisateurs de l’application. L’acquisition et la rétention de nouveaux clients sont, en effet, des briques essentielles à la survie économique d’une application mobile. Le second repose sur la monétisation de ces applications, souvent gratuites mais où la publicité va devenir une source de revenus. Nos principaux clients sont les grands éditeurs de jeux, précurseurs de la net-économie, mais également des acteurs de la finance, du tourisme ou du loisir. Nous sommes rémunérés à la performance de nos campagnes publicitaires. Un mauvais choix de ciblage ou de prix aux enchères nous sanctionne immédiatement. C’est en cela que l’IA est un outil incontournable pour optimiser les performances commerciales de nos clients en fonction d’une multitude de paramètres en temps réel. En outre, cet environnement toujours en mouvement et en perpétuelle évolution est vraiment stimulant.
Quels sont vos chantiers en matière de R&D ?
Les systèmes d’intelligence artificielle devenant de plus en plus faciles à déployer, nous centrons nos efforts sur l’optimisation et l’amélioration constante de nos outils, grâce au machine learning. Nous n’en sommes qu’au début ! Nous poursuivons l’objectif que la totalité de nos produits et services bénéficient de l’IA, jusqu’à la création graphique de bannières publicitaires et de vidéos. Sur le plan opérationnel, les récentes évolutions de l’IA viennent également bousculer nos organisations. Ces outils devenant plus simples à prendre en main par quiconque possède des notions de codage et de programmation, il n’est plus nécessaire de scinder les équipes entre les experts de l’IA et les autres. Nous travaillons sur le développement d’une plateforme IA interne que toutes nos équipes pourraient utiliser. Il y a, derrière ces technologies, un véritable enjeu économique. L’IA ne sert à rien sans un bon produit, une équipe commerciale, marketing et un service financier pour porter les investissements que requièrent ces développements coûteux. L’IA coûte cher – en témoignent les 100 millions de dollars dépensés par OpenAI pour lancer ChatGPT‑4 – et doit reposer sur un modèle économique solide, dégageant des marges sur le long terme, et un écosystème capable de porter ce type de projets.
Comment l’IA impacte l’économique numérique ?
L’économie numérique connaît aujourd’hui une phase dynamique. Grâce à l’IA, l’on peut générer des vidéos, créer de la musique, écrire des romans : c’est tout à fait remarquable. Néanmoins, ces applications soulèvent de nouvelles problématiques : sécurité, fiabilité, confidentialité, monopoles, manipulations, droit d’auteur, etc. Par exemple, les contenus visuels ou éditoriaux générés par l’IA sont le fruit d’entraînement de la machine à partir de créations existantes, puisées dans les banques de données numériques. Mais qu’en est-il des droits d’auteurs pour ces images produites « dans le style de » ou ces textes reprenant tout ou partie d’articles de presse ou d’œuvres originales ? La question commence à être sérieusement abordée aux États-Unis et commence à donner lieu à des actions en justice. Cette appropriation des contenus risque d’entraîner un mouvement de fermeture et de restrictions d’accès à des données propriétaires. Le site communautaire Reddit négocie l’accès des géants de l’IA à ses données, en menaçant de le couper. Or, en diminuant l’accès aux informations, l’on réduit d’autant la capacité d’entraînement du machine learning. Par ailleurs, à l’image de l’AI Act actuellement en discussion au parlement européen, les états vont progressivement réguler les usages les plus nocifs. L’IA détient ainsi en elle-même ses propres excès et limites. Il sera intéressant de voir où la dynamique actuelle se stabilisera. Pour les entreprises, l’IA doit rester un outil de performance et non un effet de mode ou un argument purement marketing. En tous cas, il s’agit d’un enjeu concurrentiel pour les entreprises car aucun acteur de l’économie numérique, s’il veut rester compétitif, ne peut se passer de ces outils.
Quels sont les projets de Liftoff ?
Nous recrutons des ingénieurs spécialisés dans le machine learning. D’ailleurs, si parmi les lecteurs de La Jaune et La Rouge, certains souhaitent entrer en contact avec nous, qu’ils n’hésitent pas à me contacter directement en ligne ou à postuler sur le site internet de l’entreprise. Liftoff est un excellent employeur, qui offre des rémunérations très intéressantes et une qualité de vie au travail exceptionnelle. Surtout, la matière sur laquelle nous travaillons est passionnante. Il est rare pour une entreprise à taille humaine comme la nôtre de déployer des solutions d’IA à si grande échelle et de disposer d’un tel jeu de données. Chacun de nos ingénieurs, basés aux États-Unis, en France, ou au Royaume-Uni, à un impact significatif sur notre produit et la trajectoire de notre entreprise.