La dette : n’ayez pas peur
La dette mondiale s’accroît sans cesse, certaine, inexorable et menaçante. Les milliards pleuvent chaque jour, au risque d’un emballement que d’aucuns craignent hors de contrôle. Alors que des voix toujours plus nombreuses s’élèvent pour prédire l’imminence d’une catastrophe, alors que refait surface un inconscient collectif naturellement porté à moraliser la question des dettes, le pire, pourtant, n’est pas si sûr.
La dette, un levier de croissance et d’innovation
Levier de croissance et d’innovation, support privilégié d’épargne et de prévoyance, vecteur de confiance par la production de crédit, la dette est bien, pour l’individu, l’entreprise et l’État, la pierre angulaire de tout projet, le socle irréfragable duquel jaillit l’avenir. L’outil, certes, est puissant, au point d’abréger les crises et de susciter la relance, mais ses effets réels restent incertains à plus long terme, tant est voisine la rédemption de l’artifice, le miracle économique du mirage financier. Nous avons tous en mémoire l’origine des crises qui ont frappé l’Europe et l’Amérique depuis 2008, et nous ne pouvons faire fi du considérable alourdissement des bilans mondiaux, en pleine période de pandémie. Le remède serait-il pire que le mal ? Le monde va-t-il mourir guéri ? Existe-t-il, comme en physique, des lois et des constantes universelles en matière économique ?
Parole aux experts
Pour tenter d’y voir plus clair, nous donnerons la parole dans ce dossier à des experts et praticiens chevronnés qui, à la lumière de leurs recherches et de leur expérience propre, nous livreront quelques précieuses clés d’analyse. Quels sont les déterminants – culturels, sociaux et politiques – des endettements ? Comment domestiquer la dette pour s’en faire un serviteur plus qu’un maître et pour distinguer l’habile gestion du pacte faustien ? Par quels moyens techniques, canaux bancaires et marchés de capitaux la dette naît-elle, circule-t-elle, disparaît-elle, et quelles sont les modalités de son contrôle ? Emprunteurs privés et publics sont-ils effectivement soumis aux mêmes règles du jeu ? Existe-t-il une « meilleure façon de faire faillite » et y a‑t-il une vie après la mort subite par défaut de paiement ? L’atlas financier mondial, tissu de liens entre créanciers et débiteurs, doit-il se lire en filigrane comme la cartographie d’enjeux stratégiques en permanente recomposition ?
Poison ou panacée ?
Poison ou panacée suivant les cas et les époques, la dette, en définitive, pourrait n’être que le reflet d’un ordre économique imparfait et changeant. La terreur instinctive qu’elle inspire ne doit pas masquer la certitude de ses bienfaits potentiels, tout particulièrement en ces temps de cataclysmes sanitaires où elle est seul recours : l’apparent fardeau ne doit pas toujours occulter le tremplin, tant sont parfois bien réels les intérêts de la dette.