La dissuasion nucléaire de l’adhésion tacite au doute contestataire
L’opinion publique française a adhéré massivement au concept de dissuasion nucléaire défendu par la Ve République et, par conséquent, soutenu les investissements massifs consentis dans cette perspective. L’auteur, qui est opposé aux armes nucléaires, estime que cet état de choses évolue actuellement et que la politique de dissuasion de la France ne fait plus l’unanimité. Nous invitons nos lecteurs à en débattre en bas de l’article, dans la section commentaires.
Dans le dossier « Nucléaire, retour vers le futur » du n° 780 de La Jaune et la Rouge, Fanny Bazile décrit dans son article à la page 54 les questions liées à l’acceptabilité du nucléaire civil par la population. Son article est intitulé « De la controverse à l’acceptation » et ne traite que du nucléaire civil.
Elle évoque cependant le nucléaire militaire, pour souligner l’aspect dual de l’énergie nucléaire et la révélation de cette énergie au grand public par l’effroyable démonstration au Japon en 1945, qui a pu engendrer dans l’opinion un préjugé défavorable à l’énergie nucléaire civile.
Ce lien intime entre les deux filières industrielles, militaire et civile, sœurs siamoises à la naissance, a des raisons historiques et structurelles en France ; il a été encore rappelé par Emmanuel Macron en décembre 2020 dans son discours au Creusot : « Sans nucléaire civil pas de nucléaire militaire, sans nucléaire militaire, pas de nucléaire civil. »
Nucléaire civil, nucléaire militaire, même combat ?
Cette organisation en termes de production et de recherche n’a de sens que si le Gouvernement souhaite développer l’armement nucléaire et faire accepter sans discussion la filière militaire par la filière civile ; il doit en effet faire accepter qu’il ait manifestement privilégié le financement de la filière militaire ces dernières années, alors que la filière civile a beaucoup décliné. Il veut aujourd’hui relancer le nucléaire civil, convaincre qu’il croit en son avenir nécessaire pour des raisons industrielles et environnementales. Il veut obtenir l’adhésion du public à ce renouveau ambitieux du nucléaire civil et justifier ipso facto l’énorme budget alloué à la dissuasion nucléaire, qui engage aussi la France pour des décennies.
En réalité, le bénéfice que le nucléaire civil retire de notre arme nucléaire est indirect et n’est pas indispensable : la filière civile pourrait très bien se développer sans que la France possédât des armes nucléaires (à l’instar du Japon ou de l’Italie, ou d’autres pays). En outre, malgré leur parenté, les deux sujets sont très différents du point de vue sociétal, voire opposés sous de nombreux aspects : les enjeux, les objectifs, l’efficacité pour les atteindre, le rapport coût-bénéfice, l’information disponible. Dans ce contexte, il me paraît utile de comparer les conclusions de Fanny Bazile sur le nucléaire civil à l’évolution de la société face au nucléaire militaire.
L’absence de débat pour le nucléaire militaire
Fanny Bazile met l’accent à juste titre sur l’importance de débats publics et d’une information suffisante et fiable pour que la société civile puisse se faire une opinion raisonnée sur le rapport coût-bénéfice de l’énergie nucléaire civile. Il en est de même pour l’armement nucléaire : ces débats et informations seraient indispensables, mais ils ne sont pas accessibles au grand public. Il faut noter aujourd’hui ce contraste entre l’existence de débats et d’information pour le nucléaire civil et leur absence pour le nucléaire militaire. Depuis de Gaulle, la seule information répétée continûment aux Français par le Gouvernement est que la possession de l’arme nucléaire serait vitale pour les intérêts de la France, pour son rôle dans le monde, pour les progrès de notre industrie civile dans tous les domaines, et cela ne se discute ni dans les arènes publiques ni dans les médias.
La population française a accepté sans discussion de placer sa fierté dans cet exploit technologique censé lui apporter la souveraineté et dissuader tous nos ennemis. Rien n’est débattu en public quant aux coûts réels, aux conséquences de guerres nucléaires possibles, aux risques d’accident, à l’utilité face aux menaces d’agression de plus en plus variées. Le discours officiel continue à affirmer de façon dogmatique qu’« elle est notre fierté et notre garantie de paix ! » (même dans les enceintes académiques où l’on pourrait espérer davantage d’objectivité). Dans un article récent « La société civile face au nucléaire militaire » paru dans Recherches internationales (n° 124, avril-juin 2022, p. 23–31), je décris que cette acceptation aveugle est en train de changer à l’échelle planétaire, avec des retombées qui commencent à se percevoir en France . Cette tendance « De l’acceptation à la controverse » est donc l’inverse du titre de l’article de Fanny Bazile sur le nucléaire civil !
L’apparition de la contestation mondiale du nucléaire militaire
Le dogme officiel de la dissuasion nucléaire a fini par interpeler des personnes mieux informées que l’ensemble de la population sur la réalité de l’apport des armes nucléaires à l’équilibre géopolitique mondial. Ce sont des personnalités qui, par leur profession (scientifiques, médecins, politiques…), étaient plus proches des dossiers et ainsi plus au fait des moments dramatiques où une catastrophe nucléaire, causée par un accident ou par un malentendu, n’a été évitée que par miracle.
Cette prise de conscience leur a permis de mieux évaluer le rapport bénéfice-risque de la possession d’une telle arme et d’alimenter la réflexion de la société civile sur la validité du discours officiel. En outre, à la différence du nucléaire civil, disponible pour tous les pays qui souhaitent et peuvent le développer, l’arme nucléaire est interdite à la majorité des pays et nombre de ceux-ci ont compris que l’existence de ces armes était davantage une menace environnementale grave pour leur propre survie qu’une assurance de paix.
« La France est absente du TIAN. »
Ils ont réussi à faire voter à l’ONU en 2017 un Traité sur l’interdiction des armes nucléaires (TIAN) dont l’effet a été de susciter des débats publics et mondiaux sur le danger qu’elles représentent pour l’humanité. Une grande partie de la population civile mondiale peut maintenant réfléchir en entendant des arguments pour et contre. La France est absente du TIAN et les Français bénéficient peu de ces débats, car ils sont peu relayés dans les médias de notre pays, mais cela progresse.
Cette progression se confirme par les sondages mentionnés dans l’article cité de Recherches internationales, mais celui-ci a été écrit avant la guerre en Ukraine donc après une longue période où aucune menace nucléaire n’a pesé sur le monde. On peut donc légitimement se demander si les menaces nucléaires proférées et réitérées par Poutine lors de son attaque de l’Ukraine ont changé la perception qu’a la société civile de l’utilité de la dissuasion nucléaire.
Les conséquences de la guerre en Ukraine
En effet, on a parlé de la dissuasion nucléaire et des menaces de guerre nucléaire depuis février 2022 davantage que dans les décennies écoulées depuis la crise de Cuba en 1962. De nombreux articles de presse ont relayé des déclarations variées sur la dissuasion, mais malheureusement tout ce qu’on a pu lire n’a fait que refléter la diversité d’opinions individuelles ou partisanes quant au pari que représente la dissuasion, laissant chaque lecteur perplexe et face à sa croyance personnelle.
On a ainsi pu lire que l’agression de l’Ukraine était la preuve de l’efficacité de la dissuasion, puisque Poutine par sa menace nucléaire a dissuadé l’Occident d’affronter directement la Russie et que le même Poutine se tient soigneusement à l’écart des pays de l’Otan. On a aussi pu lire que l’agression de l’Ukraine était la preuve de l’échec de la dissuasion, puisque l’Occident avec toutes ses armes nucléaires n’a pas pu dissuader Poutine d’attaquer l’Ukraine.
« La dissuasion nucléaire a une forte composante psychologique. »
On a encore pu lire que, si l’Ukraine avait gardé ses armes nucléaires lors du démantèlement de l’URSS, Poutine ne l’aurait certainement jamais agressée (ce dernier argument est particulièrement irresponsable, car il pousserait tous les États menacés à se doter d’armes nucléaires pour leur sécurité, alors que l’on cherche à éviter le risque de prolifération depuis 1970). On a pu lire que l’Ukraine, sans armes nucléaires, résiste à la Russie qui les possède (comme le Vietnam face aux USA) et qu’elles sont donc inutiles et n’empêchent pas les guerres conventionnelles ; on a enfin pu lire que les puissances occidentales et la Chine, dotées d’armes nucléaires, ont réussi à dissuader Poutine d’utiliser ses armes nucléaires.
Toutes ces assertions ne peuvent évidemment être ni prouvées ni démenties et personne ne sait ce qui se passe réellement dans la tête de Poutine, ni ce qu’il est prêt à faire pour garder le pouvoir et sauver la face. La dissuasion nucléaire a une forte composante psychologique et ressemble à la théorie des jeux de bluff, sans que l’on sache lequel des deux joueurs sera le plus intimidé par la menace de l’autre et cédera en premier. La société civile se retrouve donc au degré zéro de la réflexion sur le risque réel de guerre nucléaire.
Les incertitudes des doctrines d’emploi
Le seul raisonnement possible repose sur ce qu’on sait des doctrines d’emploi des armes nucléaires par les différents pays (à noter : doctrines d’emploi pour ces armes dont on dit que ce sont des armes de non-emploi !).
Mais ces doctrines sont floues et fluctuantes et n’aident pas le citoyen à s’y retrouver : même le Président Macron, interrogé sur France 2 le 12 octobre 2022, a ajouté à la confusion en déclarant qu’il ne riposterait pas nucléairement à une attaque nucléaire de la Russie sur l’Ukraine, déclaration incohérente avec des déclarations précédentes sur notre doctrine, ce qui a poussé les militaires français à exprimer leur mécontentement face à cette entorse à la doctrine et a laissé nos alliés désemparés quant à la détermination française. Tant et si bien que même un spécialiste de la dissuasion, Benjamin Hautecouverture (Fondation pour la recherche stratégique), a écrit dans Le Monde (20 décembre 2022) que « le contretemps présidentiel peut être utile s’il force la réflexion française sur la doctrine pour la préciser ».
La pensée de Poutine ne semble pas plus fiable sur l’emploi ou non-emploi de l’arme nucléaire, puisqu’il a publié le 3 janvier 2022 avec les présidents des pays du P5 (USA, France, Royaume-Uni, Russie et Chine) une déclaration réaffirmant le principe « qu’une guerre nucléaire ne peut être gagnée et ne doit jamais être menée », cela peu avant sa première menace d’utiliser son arme nucléaire.
Une opinion publique désemparée qui s’interroge
Devant tant d’imprécisions et de contradictions, que peut penser le citoyen ? Un sondage de septembre 2022 réalisé par l’Ifop à la demande d’ACDN (Action des citoyens pour le désarmement nucléaire) révèle que les lignes ont légèrement bougé par rapport au même sondage réalisé en mai 2018 : le pourcentage des Français qui souhaitent que la France participe à l’abolition des armes nucléaires est descendu de 85 % à 71 %.
Ce recul peut être dû à la peur, qui pousse à s’armer jusqu’aux dents, ou au doute de pouvoir négocier un accord fiable avec des dirigeants comme Poutine ou d’autres dictateurs, ou encore à la menace de prolifération dans les pays du Moyen-Orient et d’Asie. Malgré cette diminution on reste dans une nette majorité et la crainte de l’escalade actuelle vers une guerre nucléaire n’empêche pas une majorité de penser que le monde serait moins dangereux si les pays arrivaient à s’entendre pour éliminer ces armes de façon négociée et vérifiable.
Des occasions pour réfléchir
Il y a eu en 2022 d’autres raisons pour lesquelles la presse a parlé des armes nucléaires, mais ce sont des raisons plus techniques qui ont, sans doute, moins mobilisé le grand public. Il s’agit notamment de la première Conférence des États parties du TIAN, en juin à Vienne, et de la 10e conférence d’examen du Traité de non-prolifération (le TNP), en août à New York. À ces occasions la société civile a pu s’exprimer et faire des déclarations explicites pour aller vers la suppression des armes nucléaires ou du moins vers un engagement à ne pas les utiliser.
Enfin, on a beaucoup reparlé en 2022 des essais nucléaires français en Polynésie et des dégâts qu’ils y ont faits, ainsi que du dédommagement des victimes. Les essais nucléaires français ont également fait partie des sujets importants lors du voyage d’Emmanuel Macron en Algérie en août ; la reconnaissance de la responsabilité de la France a fait prendre conscience que toutes les précautions ne sont pas forcément prises pour protéger les civils des conséquences de la possession de ces armes.
Les Français peuvent se demander pourquoi il n’y avait pas d’abris antiatomiques en France pendant la guerre froide, à la différence des USA (ou de la Suisse !).
D’autres besoins en armement ?
Il devient de plus en plus connu du grand public qu’on ne lui a pas tout dit sur les armes nucléaires, qu’il en est l’otage pour sa sécurité et qu’elles ne répondent pas à tous les besoins de sécurité face aux menaces hybrides actuelles, notamment qu’elles n’empêchent ni les guerres conventionnelles ni le terrorisme. Pour lutter contre ceux-ci, le besoin d’autres armements moins coûteux, moins dangereux pour l’humanité et mieux adaptés se fait sentir, car on en manque cruellement (voir aussi La Jaune et la Rouge n° 717 « Pour un traité d’interdiction totale des armes nucléaires »). Pour toutes ces raisons je redirai que, face à l’arme nucléaire, la société civile française est passée entre 1960 et 2022 de l’acceptation inconsciente (voire de l’approbation silencieuse) à la controverse interrogative.
12 Commentaires
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L’enjeu est de mettre en place un TIAN qui soit robuste, fiable, irréversible :
– Robuste pour qu’il résiste à toutes les attaques auxquelles il sera soumis car qui oubliera le pouvoir égalisateur de l’atome ?
– Fiable pour qu’aucune tricherie ou détournement de technologie ne puisse échapper au contrôle et que ce contrôle soit crédible et considérée comme tel .avec des sanctions à la clef ; « accessoirement » qui sera armé pour les faires appliquer ?
– Irréversible pour qu’il soit impossible, alors qu’aujourd’hui toutes les technologies et tous les systèmes d’armes sont duaux, de jouer de cette dualité pour conduire des travaux légalement interdits ; .
In fine faudra-t-il interdire ou mettre un agent AIEA à côté de chaque machine outil développée pour les nano technologies au motif que la nanotechnologie est au cœur des armes nucléaires ?
La mise en oeuvre du TIAN n’est pas pour demain, surtout si, au prélable, il faudra détruire toutes les armes existantes.…RJC 19 fevrier 23
Oui cela prendra du temps mais raison de plus pour s’y atteler dès maintenant. Les Traités sur les armes chimiques et biologiques ont eu des effets bénéfiques réels, même si il y a des Etats voyoux qui ne respectent pas les règles, et c’est plus difficile de fabriquer des armes nucléaires clandestinement que d’autres armes et les armes nucléaires sont beaucoup plus dangereuses pour l’ensemble de l’humanité. On est passé de 70000 à 15000 armes nucléaires après la chute du mur donc pas de problèmes pour descendre à 0 si la volonté est là. Les Traités internationaux sont pleins de faiblesses et il fauf progresser sur le Droit international et sur les pouvoirs réels d’organismes comme l’ONU pour les faire respecter avec les moyens ad hoc. Oui la plupart des technologies sont duales et les armes nucléaires en utilisent beaucoup, nano, informatique, communication, missiles.…et on ne va pas surveiller la fabrication de chaque écrou sous prétexte qu’il y en a dans les armes mais on peut savoir si un Etat commence à fabriquer des armes nucléaires de destruction massive et la coopération des scientifiques avec les militaires pour le développement des applications militaires de nouvelles technologies peut être limitée à certaines finalités acceptables. Pour les « bombes sales », des groupes terroristes peuvent en fabriquer assez facilement mais ce n’est pas toute l’humanité qui risque de disparaître.
Il est regrettable de voir une opinion aussi tranchée et orientée, sur un sujet aussi délicat, exposé dans cette revue sans contre point. Le sujet mérite mieux que cela, La Jaune et la Rouge devrait s’y employer..
Merci pour votre commentaire qui abonde dans mon sens puisque je me plains dans l’article d’une absence de débats publics sur un sujet aussi important. A noter que La Jaune et la Rouge avait ouvert le débat dès 2016 dans le dossier sur la Défense du N°715 où il y a une opinion tranchée pour la dissuasion nucléaire dans l’article « La dissuasion nucléaire, une arme plus actuelle que jamais », article auquel j’avais répondu dans le N° 717 avec Paul Quilès et Jean-Pierre Dupuy comme co-auteurs.
oui et merci d’abonder dans mon sens puisque mon article a pour but de regretter le manque de débats publics et d’informations objectives sur un sujet aussi important et fort délicat puisque les questions à se poser sont à la croisée de réflexions géopolitiques, militaires, scientifiques et morales. La Jaune et la Rouge a en fait déjà entamé le débat dès 2016 dans le dossier Défense du N° 715 avec l’article « La dissuasion nucléaire, une arme plus actuelle que jamais », article auquel j’ai répondu dans le N°717 avec Paul Quilès et Jean-Pierre Dupuy comme co-auteurs
L’arme nucléaire a été pendant 70 ans une assurance sans faille pour ses détenteurs de ne pas être agressés sur leurs territoires . Elle n’est cependant pas un obstacle à des conflits sur les territoires de ceux qui n’en disposent pas, impliquant le cas échéant des des puissances nucléaires. Elle ne peut pas être une garantie de paix universelle. A t’on quelque chose de plus efficace à proposer dans le cas de notre pays ?
Quant aux risques accidentels ou concernant l’environnement, voilà une vieille rengaine qui a été usée à volonté par tous les anti nucléaires depuis l’origine. Je vous laisse tirer les conclusions
On ne peut pas prouver que l’absence de guerres sur les territoires américains et soviétiques pendant ces 70 ans soit due à l’arme nucléaire car il y a eu beaucoup d’autres raisons. En revanche on sait avec certitude que l’on est passé à plusieurs reprises à deux doigts de l’apocalyspe nucléaire et on a eu beaucoup de chance. Comme vous le dîtes, l’équilibre (instable ?) de la terreur ne peut être la garantie de paix pour des centaines d’années et il faut trouver d’autres mécanismes pour maintenir la paix qui ne nous fassent pas vivre dans la terreur (qui n’est pas une paix confortable). On devrait commencer par rendre les Institutions internationales (ONU,…) et le Droit International plus efficaces. Quant à l’environnement, vous confondez le nucléaire civil dont les accidents sont graves pour l’environnement et chers économiquement et socialement mais gérables avec une guerre nucléaire même limitée dont les conséquences sur la planète seraient d’un tout autre ordre de grandeur : il s’agit d’abord de l’impact humanitaire, avant l’impact sur l’environnement ; celui-ci sera énorme mais il n’y aura peut-être plus personne pour le déplorer.
Que l’on soit pour ou contre, je ne comprends pas l’intérêt d’une dissuation nucléaire francaise dans une europe à 27 (ou 28 ?). Pourquoi ne pas transférer nos capacités de dissuation à l’Europe ? Je comprends que cela pose des problèmes complexes, tout autant institutionnels que techniques, encore aurait-il fallu que nous fissions des efforts intenses en ce sens au cours des années passées. Ouf, j’ai eu du mal à placer cet imparfait du subjonctif.
Oui l’Europe de la défense a beaucoup de mal à émerger ; il y a eu des efforts budgétaires récents mais qui ont été vite orientés vers la coopération industrielle des armements et même cela marche mal. On n’a déjà pas trouvé le bon équilibre entre la souveraineté nationale et la gouvernance européenne pour décider dans beaucoup de domaines civils. On imagine alors la difficulté pour décider à 27 de la doctrine d’emploi de l’arme nucléaire. Merci pour l’imparfait du subjonctif « fissions » qui est approprié pour l’arme thermonucléaire !
Le principe de l’arme nucléaire est la dissuasion. Le principe de la dissuasion est la crainte de nous voir utiliser cette arme.
L’arme nucléaire est une arme de destruction massive. Qui redoute que la France puisse réellement utiliser une telle arme ?
L’URSS est tombée, les chars soviétiques n’entreront pas à Paris. Les concepts d’emploi que l’on nous a enseignés ont disparu. Quels sont les nouveaux concepts ? Ma participation comporte plus de questions que de réponses.
Comme dit dans l’article, les doctrines d’emploi sont fluctuantes et peu fiables. La France ne veut pas dire quels sont ses intérêts vitaux et a fini par avouer qu’il n’aurait pas appuyé sur le bouton même en cas d’invasion soviétique, par peur des représailles qui auraient rayé la France de la carte . Il n’y a pas vraiment de nouveaux concepts sauf à répéter que « le monde est de plus en plus dangereux et qu’on ne sait jamais ». Mais il sera encore plus dangereux si davantage de pays se dotent de l’arme nucléaire et notre discour’s les y incite puisqu’on dit qu’elle est indispensable à notre sécurité. En plus les nouveaux dangers sont cyber, sanitaires, spatiaux, environnementaux (eau, alimentation, ressources minérales,..) pour lesquels l’arme nucléaire n’est pas adaptée. La géopoltique a changé et la nature des guerres aussi.
Après la lecture de l’article de Philippe Duteste, publié en mai, je relis le tien publié en février. Un article fort bien fait pour analyser l’évolution de l” « opinion » sur la dissuasion nucléaire. Un interrogation sur celle-ci qui peut conduire à son abandon, c’est ainsi que j’ai compris ton article. Ai-je tort ?
Je suis déçu par la teneur de ces deux articles importants sur un sujet dont le débat reste ouvert, nous dit-on, mais qui semble ignorer la recomposition politique à laquelle nous assistons avec la guerre en Ukraine.
La dissuasion nucléaire est un sujet politique majeur qui ne peut se trancher avec des opinions publiques versatiles et incapables d’appréhender ces sujets.
La preuve en est que ces sujets ne font pas partie des programmes politiques des candidats à la présidence de la République et heureusement…
Mais dans cette recomposition politique mondiale en cours, la question de l’Europe (et alors laquelle?) se pose.
La France seule avec son arme nucléaire n’aura pas sa place dans cette recomposition. Par contre quelques pays européens ayant une solidarité politique en matière de politique étrangère et de défense nucléaire commune pourraient alors compter face aux autres blocs au niveau mondial.
Comment y arriver ? Je ne sais.
Mais certainement pas en se basant sur une opinion publique qui fait une place importante à la contestation.
La construction d’une autre Europe qui comptera dans la recomposition mondiale en cours et qui ne peut qu’être différente que celles qui existent, n’est-elle pas le grand enjeu de nos jeunes camarades de cette école à la fois civile et militaire ?