La donnée de santé : un enjeu toujours aussi stratégique
Créé en 2019, le Health Data Hub a pour vocation de garantir l’accès unifié transparent et sécurisé aux données de santé afin d’améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients. Sa directrice, Stéphanie Combes (2005), nous en dit plus.
Quelles sont les missions du Health Data Hub et son rôle stratégique autour des données de santé ?
Le Health Data Hub est un groupement d’intérêt public créé par la loi organisation et transformation du système de santé du 24 juillet 2019. Il vient ainsi se substituer à l’Institut national des données de santé créé en 2016.
Le Health Data Hub regroupe 56 parties prenantes majoritairement publiques qui représentent l’ensemble des parties prenantes de l’écosystème de la santé afin de garantir un accès simple et unifié, transparent et sécurisé aux données de santé avec pour objectif d’améliorer la qualité des soins et l’accompagnement des patients.
L’activité du Health Data Hub s’articule autour de 4 dimensions :
- soutenir les responsables de données dans la collecte, la consolidation et la mise en valeur de leur patrimoine ;
- offrir à tous les porteurs de projets un accès simplifié et accéléré aux données ;
- garantir à la société civile le respect des droits des citoyens ;
- innover aux côtés des acteurs de la recherche et de l’industrie.
Au cœur de la crise de la Covid-19, il y a aussi cette question de la gestion des données de santé. Quels sont les enjeux qui en découlent pour le Health Data Hub dont la mise en service a été accélérée par l’arrêté du 21 avril 2020 ?
Les données de santé jouent un rôle très important dans la crise, notamment afin de décrire l’épidémie, son évolution grâce à des modèles… Concrètement, nous mettons des données produites pendant la crise à la disposition des chercheurs pour étudier ce phénomène. Il peut s’agir de données de l’assurance maladie sur la consommation de soin, l’hospitalisation des patients Covid ; mais aussi des données des urgences ou des laboratoires pour avoir des informations sur les dépistages… À cela s’ajoutent les données relatives au système d’information vaccinal qui se met en place et qui va générer des données très pertinentes pour la recherche, notamment autour des effets secondaires du vaccin. L’enjeu est de rendre accessible l’ensemble de ces données de manière sécurisée et moyennant une autorisation dans le cadre de la plateforme technologique du Hub.
La pandémie a permis également une prise de conscience plus forte du caractère stratégique des données. S’il est encore trop tôt pour parler de retour d’expérience, il faudra néanmoins se poser la question de la gestion de données pendant cette période pour optimiser la collecte et la remontée des informations et des données, la construction des bases de données et leur accès, voire pour prévenir d’éventuelles crises sanitaires ou pandémies.
Sur quels projets êtes-vous mobilisés dans le cadre de la lutte contre la pandémie ?
Nous avons une quinzaine de projets en cours afin d’appuyer la lutte contre l’épidémie. Nous pouvons notamment citer le projet CoviSAS réalisé par la chaire d’intelligence artificielle MIAI de l’Université Grenoble-Alpes et la société Semeia, un fournisseur de solutions logicielles utilisant l’intelligence artificielle. Ce projet a pour but de mettre en évidence la prévalence des formes sévères de la Covid-19 chez les patients atteints d’un syndrome d’apnées du sommeil qui est une pathologie très souvent associée au diabète, aux maladies cardiovasculaires, à l’obésité… En s’appuyant sur les données de l’Assurance maladie, un des axes est d’étudier les parcours de soin des malades. Les résultats permettront d’améliorer les connaissances sur l’épidémie et définir des stratégies de prévention et de prise en charge précoce des patients.
Il y a également l’étude Frog Covid, menée par Clinityx (le bureau d’études spécialisé dans des solutions de collecte de données et d’algorithmes) et l’unité de recherche de l’INSERM Cardiovascular MArkers in Stressed COndiTions (MASCOT), qui vise à identifier les facteurs prédictifs du risque de développer une forme grave de la Covid afin de définir des profils de patients particulièrement à risque, mais aussi anticiper les besoins en soin des personnes en réanimation, qui ont eu des formes de Covid graves.
Et, il y a l’étude CoData qui se concentre sur les femmes atteintes d’un cancer du sein et sur les modifications de leur prise en charge durant le premier confinement.
L’Institut de cancérologie Strasbourg Europe (ICANS) a lancé ce projet pour analyser les impacts de ces changements et développer des outils d’aide au pilotage pour les établissements dans le cadre d’un retour à la normale. Les analyses statistiques sont en partie réalisées par Quantmetry.
Comment appréhendez-vous la dimension essentielle de la protection des données de santé des Français ?
Le Health Data Hub respecte bien évidemment l’ensemble de la réglementation française et européenne, notamment la Loi Informatique et Libertés et le RGPD. La protection des données personnelles n’est pas uniquement un axe critique de notre activité, c’est aussi un des engagements que nous avons pris vis-à-vis de la société civile. D’ailleurs, dans la démarche de mise en place du Health Data Hub, nous avons associé les associations d’usagers et de patients, nos engagements, notamment en termes de protection des données personnelles sont accessibles sur notre site.
Ces derniers sont clairs et précisent que :
- le Health Data Hub ne collecte que des données qui ont fait l’objet d’un circuit de pseudonymisation opéré par des acteurs tiers et ne détient aucune information susceptible d’identifier directement une personne ;
- les données ne sont jamais mises à disposition en accès libre. Les données présentes sur les « espaces projets » se limitent strictement à leur juste besoin tel que validé par la CNIL, et ne peuvent pas être extraites de la plateforme ;
- la sécurité informatique de la plateforme technologique est maintenue au plus haut niveau, à travers une démarche associant l’ANSSI, et prévoyant notamment la conduite d’audits réguliers de sécurité ;
- les utilisateurs sont formés et tenus contractuellement de respecter les conditions générales d’utilisation de la plateforme. L’ensemble des usages sont tracés à des fins de contrôle et des outils d’alerte sont mis en place pour détecter les comportements suspects.
Qu’en est-il des sujets qui vous mobilisent actuellement ?
En 2021, le Health Data Hub a entamé sa seconde année d’activité. En interne, nous poursuivons notre structuration. Nous allons également agrandir notre équipe actuelle d’une cinquantaine de collaborateurs avec l’arrivée d’une vingtaine de personnes.
Nous travaillons sur l’industrialisation de l’accompagnement des projets : nous accompagnons une quarantaine de projets, dont plus d’un quart ont été autorisés dans le contexte de la crise. Il s’agit aujourd’hui de délivrer les premiers résultats afin de montrer l’utilité du Health Data Hub et des mécanismes que nous sommes en train de déployer et de mettre en place. Nous développons des partenariats avec des acteurs comme la CNAM avec qui nous travaillons déjà ou encore l’INRIA, l’INSERM et des établissements de santé afin de réfléchir notamment à des modes de collaboration avec l’échelon national et les acteurs à l’origine de la collecte et de la préparation de données cliniques pertinentes pour la recherche.
Nous poursuivons les investissements pour optimiser la plateforme technologique notamment en termes d’infrastructure et de cybersécurité. Nous travaillons notamment sur l’axe logiciel afin de mettre à la disposition des porteurs de projets des produits.
Notre travail de sensibilisation, d’information et de vulgarisation se poursuit en parallèle. C’est un chantier important qui vient s’intégrer dans une dimension européenne, car nous sommes aussi partie prenante de l’action conjointe de la Commission européenne qui vise à mettre en place un espace de données fédérateur.