La filière industrielle et technologique au niveau européen

L’ETIP Hydro­po­wer (pla­te­forme euro­péenne de tech­no­lo­gie et d’innovation) est une orga­ni­sa­tion euro­péenne pour la coopé­ra­tion d’innovation dans le domaine de l’hydroélectricité. Depuis 2023 elle prend le relai d’initiatives indi­vi­duelles afin de doter l’Europe de la vision et des tech­niques néces­saires à son posi­tion­ne­ment de pointe au sein de la com­pé­ti­tion inter­na­tio­nale en la matière et pour répondre aux enjeux de la trans­for­ma­tion éner­gé­tique du continent.

L’inno­va­tion est dans les gènes de l’industrie hydro. Et cette inno­va­tion concerne toutes les dimen­sions indus­trielles de la filière. Il s’agit de l’amélioration de la per­for­mance de pro­duc­tion et de la tech­no­lo­gie : fonction­­nement des machines, notam­ment par les construc­teurs comme GE Ver­no­va (cf. article p. 46). Il s’agit aus­si du ren­for­ce­ment de la sûre­té des ins­tal­la­tions. On cite­ra à titre d’exemples non exhaus­tifs : d’abord le déve­lop­pe­ment par EDF et le cabi­net Hydro-Coop de la tech­no­lo­gie Pia­no-Key weir ou PK-weir, pour aug­men­ter les capa­ci­tés d’évacuation des crues sur des bar­rages exis­tants (réf. Lau­gier, 2007 ; Erpi­cum et al, 2011 et 2013) – inno­va­tion pri­mée lors de la COP21 en 2015 de Paris, avec plus de 20 ins­tal­la­tions sur le parc de bar­rages fran­çais depuis quinze ans – voir pho­to 1.

On peut aus­si citer le déve­lop­pe­ment, en logique open source depuis 2010, de la chaîne de modé­li­sa­tion hydro-infor­ma­tique Tele­mac-Mas­ca­ret par un consor­tium de par­te­naires inter­na­tio­naux sous lea­der­ship fran­çais [https://www.opentelemac.org/]. Il s’agit enfin de l’intégration et de la ges­tion envi­ron­ne­men­tale des ouvrages : cf. par exemple le déve­lop­pe­ment par la start-up Water­tracks et EDF Hydro de la tech­no­lo­gie robo­ti­sée de dra­gage sous-marin NESSIE®, qui per­met de s’affranchir des contraintes de baisse de cote des réser­voirs (et des pertes de pro­duc­tion asso­ciées) impo­sées par les tech­no­lo­gies clas­siques (réf. Caf­fo, Gaillard et Gauch, 2019).

Enfin une coopération européenne

Cepen­dant, ces inno­va­tions ont pen­dant de nom­breuses années et même décen­nies été déve­lop­pées à l’initiative indi­vi­duelle de quelques orga­nismes, avec un nombre limi­té de par­te­naires, et sou­te­nues par de rares finan­ce­ments natio­naux (FUI, fonds IREX, fonds FEDER, pro­jets ANR…) ; et jusqu’à très récem­ment sans presque aucun sou­tien finan­cier euro­péen, en com­pa­rai­son des fonds dis­tri­bués au béné­fice du déve­lop­pe­ment des filières éoliennes et solaires. Les atouts de l’hydro placent la tech­no­lo­gie au cœur des défis de la tran­si­tion éner­gé­tique en Europe. C’est pour­quoi, à l’initiative de quelques acteurs indus­triels et du monde de la recherche euro­péens et en par­ti­cu­lier fran­çais, un pre­mier consor­tium Hydro­po­wer Europe s’est consti­tué en 2018 avec le sou­tien de la Com­mis­sion euro­péenne, per­met­tant d’aboutir début 2023 au lan­ce­ment for­mel d’une pla­te­forme d’innovation tech­no­lo­gique euro­péenne pour l’hydroélectricité : Euro­pean Tech­no­lo­gy Inno­va­tion Plat­form – ETIP Hydro­po­wer [https://etip-hydropower.eu/].

L’ETIP Hydropower

L’ETIP Hydro­po­wer s’est fixé trois objec­tifs stra­té­giques. D’abord défi­nir les besoins et les prio­ri­tés de recherche & inno­va­tion (R & I) pour l’industrie hydro, dans toutes ses dimen­sions : per­for­mance de pro­duc­tion, sûre­té, envi­ron­ne­ment, ges­tion et par­tage de l’eau ; ce pre­mier objec­tif pour­suit la pre­mière vision éla­bo­rée par le consor­tium Hydro­po­wer Europe (réf. Hydro­po­wer Europe, 2021). Ensuite aider la Com­mis­sion euro­péenne à bâtir une vision sur le rôle de l’hydroélectricité pour répondre aux objec­tifs du green deal et de la tran­si­tion éner­gé­tique : décar­bo­na­tion, flexi­bi­li­té, coût, sou­ve­rai­ne­té, inté­gra­tion envi­ron­ne­men­tale. Enfin créer une pla­te­forme de par­te­na­riat pour faci­li­ter le dia­logue entre tous les acteurs et la mise en place de consor­tium et d’offres en réponse aux appels à pro­jet de la Com­mis­sion européenne.

Des projets concrets

Grâce à la consti­tu­tion de ce réseau d’acteurs, concré­ti­sant la conver­gence d’intérêt à mutua­li­ser les efforts de R & I, la Com­mis­sion euro­péenne a accru le nombre d’appels à pro­jet d’innovation pour l’hydro et des pro­jets concrets ont pu être enga­gés, ciblant des niveaux de matu­ri­té indus­trielle (TRL) variés, cer­tains débou­chant sur des appli­ca­tions indus­trielles immé­diates créa­trices de valeur au sens large pour l’industrie, le sys­tème élec­trique et la société.

On pour­ra citer les quelques pro­jets sui­vants. FIThy­dro (2016−2021, bud­get : ~7 M€) : déve­lop­pe­ment de solu­tions fish-friend­ly pour la pro­duc­tion hydro-élec­trique [https://cinea.ec.europa.eu/featured-projects/fithydro_en]. XFLEX Hydro (2019−2024, bud­get : ~24 M€) : déve­lop­pe­ment de solu­tions tech­no­lo­giques inno­vantes pour la flexi­bi­li­té ; court-cir­cuit hydrau­lique, vitesse variable, hybri­da­tion hydro-bat­te­rie [https://www.xflexhydro.com/]… En France, le court-cir­cuit hydrau­lique – ou pom­page-tur­bi­nage (par­tiel) simul­ta­né (PTS) – a par exemple été expé­ri­men­té avec suc­cès sur la STEP de Grand’Maison en Isère (la plus puis­sante d’Europe : 1 800–1 200 MW) – voir pho­to 2. La solu­tion PTS est désor­mais mise en œuvre à échelle indus­trielle maxi­male et fonc­tionne en opé­ra­tion­nel 24 heures sur 24 sur le réseau. L’ETIP Hydro­po­wer Europe a éga­le­ment mis sur pied une base d’informations et de connais­sances (HERI) de plu­sieurs pro­jets de R & I pas­sés (récents) ou en cours dédiés à l’hydroélectricité.

Une gouvernance mature

L’ETIP Hydro­po­wer est désor­mais bien ins­tal­lée et struc­tu­rée dans le pay­sage euro­péen : un comi­té de gou­ver­nance défi­nit les orien­ta­tions stra­té­giques en cohé­rence avec les prio­ri­tés poli­tiques de l’Europe et les enjeux indus­triels ; un secré­ta­riat, finan­cé par l’Europe sous forme de pro­jet, pilote la mise en œuvre des actions déci­dées ; un conseil scien­ti­fique éclaire les orien­ta­tions adop­tées par l’ETIP ; une assem­blée géné­rale forte de plus de 900 pro­fes­sion­nels euro­péens en consti­tue la base repré­sen­ta­tive de toutes les caté­go­ries de par­ties pre­nantes : exploi­tants, construc­teurs, bureaux d’études, experts-conseils, ONG, labo­ra­toires de recherche.

Trois groupes de tra­vail (WG) prio­ri­taires ont été lan­cés début 2024 et couvrent les thèmes hydro­élec­tri­ci­té et flexi­bi­li­té, hydro­élec­tri­ci­té et bio­di­ver­si­té-inté­gra­tion environ­nementale, et enfin hydro­élec­tri­ci­té et chan­ge­ment cli­ma­tique-risques et oppor­tu­ni­tés. Leur pre­mier man­dat est de pro­duire des livres blancs afin de mettre en évi­dence les atouts exis­tants de l’industrie, les besoins et solu­tions d’innovation per­met­tant d’encore amé­lio­rer la réponse de l’industrie hydro­élec­trique aux besoins du sys­tème élec­trique euro­péen de demain.

“Améliorer la réponse de l’industrie hydroélectrique aux besoins du système électrique européen de demain.”

Grâce à l’ETIP Hydro­po­wer Europe, l’industrie dis­pose aujourd’hui d’un ins­tru­ment nou­veau pour uni­fier et faire entendre la voix tech­no­lo­gique de l’hydro dans les sphères euro­péennes et ain­si pro­mou­voir le dévelop­pement de solu­tions inno­vantes en réponse aux besoins de décar­bo­na­tion, de flexi­bi­li­té et de sto­ckage du sys­tème élec­trique européen.

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