La fin de la vie professionnelle : s’y préparer et en profiter
Le passage au statut de retraité n’est pas synonyme d’un renoncement à toute forme d’activité utile ou productive. Il constitue l’occasion de donner à sa vie une nouvelle orientation et à lui donner un nouveau sens. Mais, réussir ce changement implique un retour sur soi, une réflexion et une préparation qui sont à l’opposé de l’improvisation.
REPÈRES
La France compte aujourd’hui plus de 15 millions de retraités, soit près d’un Français sur quatre. Mais les retraités oisifs sont rares. Beaucoup sont enclins à poursuivre une activité professionnelle, encouragés en cela par la loi qui, depuis le début de 2009, les autorise à cumuler leurs pensions avec les revenus d’une activité professionnelle, sans aucune restriction. D’autres se tournent vers des activités bénévoles : sur les 15 millions de bénévoles, près de la moitié a plus de 55 ans.
La retraite, quel mot pour désigner la fin de la vie professionnelle ! Quand finit-on vraiment sa vie professionnelle ? Est-ce au soir du pot de départ offert par l’entreprise reconnaissante ou quand, plus tard, constatant que la mémoire flanche et que les forces nous quittent, ou qu’on ne nous regarde plus vraiment, il faut pour de bon démissionner de ses mandats ou fonctions ? Il n’y a plus alors qu’à se replier sur son jardin pour le cultiver avec encore peut-être une petite place pour le bénévolat où l’on embauche à tout âge. Au-delà de l’ambiguïté des mots, reconnaissons qu’il y a une coupure symbolique mais forte, le jour où l’on n’a plus ses insignes de pouvoir et de notoriété : plus de bureau, plus d’assistante, peut- être même plus de voiture de fonction et surtout plus de programme de travail tout tracé et plus de rôle à jouer. Qui n’a pas eu cette impression de vide brutal, d’inutilité, de silence, enfermé dans son chez soi ? Finie la rassurante appartenance à une structure qui, malgré les risques à prendre et les responsabilités (allez, on aime bien cela, hein ?), procure un bon confort douillet et rythme nos journées de ses rites bien définis.
Une nouvelle tranche de vie
Il est vrai que les paramètres changent : les vies professionnelles ne sont plus un long fleuve tranquille et nous abordons l’âge de la retraite dans des conditions très différentes selon le nombre d’accidents de carrière – quand ce n’est pas de santé – que nous avons dû surmonter.
Il faut relâcher la pression sur notre organisme
En plus, la perspective d’une retraite tranquille a disparu car elle s’allonge et il faut vraiment la considérer comme une nouvelle tranche de vie à part entière : pensez donc, en moyenne une demi-vie professionnelle de plus avec les espérances de vie que l’on nous prédit. Et pour peu que Ç l’on fasse attention È on peut vivre centenaire, bien soigné, entouré par sa nombreuse et aimante progéniture.
Regarder la réalité en face
Alors que faire ? Dédramatiser, tout est dans le mental, comme pour les sportifs. Tout d’abord, tellement occupés à atteindre nos objectifs et à défendre notre ÇmaisonÈ nous oublions que le temps passe inexorablement et qu’il y aura bien un moment où il faudra relâcher la pression sur notre organisme sur lequel on a tiré et tiré sans réfléchir. Donc, premier point, regarder la réalité en face, ne pas refouler au fin fond de notre conscience ce petit appel à réfléchir à la suite. Il n’y a en effet pas de raison de ne pas le faire : de même que l’on a planifié sa carrière professionnelle, il faut un peu planifier sa vie. Donc, ce qui arrive est normal, dans l’ordre des choses, il n’y a pas de raison de l’occulter.
Page blanche
Une vision à court terme
Notre époque est toute concentrée sur le court terme, avide de savoir en temps réel tout ce qui se passe dans le monde pour réagir au quart de tour. Le long terme et la planification n’intéressent plus guère. Pas étonnant dans ces conditions que nous oublions la réalité de notre vie terrestre et que nombre de nos camarades sont désemparés quand ils se retrouvent à nouveau seuls sans organisation à laquelle se raccrocher.
Deuxièmement, il ne faut pas refermer son horizon sur la seule vie professionnelle. Je sais bien que beaucoup ont une passion, un violon d’Ingres, un jardin secret pour se reposer du travail harassant. Certains mêmes arrivent à assurer une activité parallèle qu’ils comptent bien développer plus tard. Il y a donc bien sûr toutes sortes de cas mais, tous, nous devons considérer notre environnement complet. Nous avons une famille, des amis, nous appartenons à des groupes, nous sommes géographiquement situés ; nous avons des talents, des projets, des envies non satisfaites faute de temps. Surtout, nous avons emmagasiné un fantastique capital de savoir-faire, d’expériences, de sagesse même, appuyés sur un grand réseau de relations nouées tout au long de notre carrière. Tout cela devrait être présent à l’esprit à tout âge ; mais il est essentiel de bien l’appréhender à cette période, quand on sent qu’une nouvelle page va devoir s’écrire. Et elle est blanche, il faut presque faire comme pour un bilan de compétences : se forcer à mettre noir sur blanc tout ce qui nous » fait » à ce stade. C’est le second point : examiner son développement intégral en incluant tous les aspects de sa personnalité et de son environnement.
Se prendre en main
Troisièmement, il faut continuer à prendre les choses en main : notre volonté et notre détermination sont intactes. Il faut garder le même état d’esprit que quand il fallait décrocher son travail ou sa promotion avec toutefois un énorme avantage cette fois-ci : à quelques malheureuses exceptions près, il n’y a plus de pression financière.
Nos choix doivent nous amener à une vraie sérénité
Même si les régimes de retraite vont souffrir, nos vieux jours sont assurés. On a donc le choix. Cela implique un certain effort pour chercher ce qui nous conviendra le mieux sans se jeter sur la première sollicitation venue, tant est grande l’angoisse de n’avoir plus rien à faire. Pour cela il faut garder un certain rythme et ne pas perdre ses bonnes pratiques de méthodes de travail efficace et rapide, ce qui implique en particulier de garder une bonne forme physique. Plusieurs camarades l’ont vécu : dire oui trop vite à tout conduit à être débordé et à se charger d’activités qui nous assomment parce que sans intérêt ou peu conformes, finalement, à nos aspirations.
Un monde autre
À chacun selon ses goûts
Il n’y a aucune honte à prendre du temps pour soi, à profiter de la vie comme l’on dit, à voyager, à faire du sport, bref à assouvir toutes les frustrations que l’on a accumulées après des semaines et des semaines trop chargées. Il n’y a aucune honte non plus à vouloir se sentir utile.
Quatrièmement, il faut reconnaître que l’on entre dans un monde nouveau que l’on ne connaît pas et qui a des règles de fonctionnement très différentes. Le monde associatif, les organisations philanthropiques ne se gèrent pas comme des entreprises. Souvent aussi on découvre un peu piteusement que l’on ne nous a pas attendus et qu’il n’y a pas forcément tout de suite la place et l’autorité qui conviennent à nos mérites et à notre statut, éminemment grands bien sûr. Qui n’a pas fait l’expérience de la vertu d’humilité à cette occasion ? Il ne faut donc pas sous-estimer le temps que prend cet apprentissage. C’est comme rentrer dans un différent secteur d’activité : il faut en comprendre les règles, en repérer les acteurs, se pénétrer de l’histoire et bâtir sa stratégie d’approche.
Trouver une harmonie
Donner sens à sa vie
L’homme, cet animal pensant, ne peut pas ne pas se poser consciemment ou non la question du sens de sa vie. Quelle que soit la foi à laquelle il adhère, sa raison de vivre justifiera et expliquera ses actions. Il sera heureux dans la mesure où elles correspondront à ses aspirations profondes ; et c’est cette harmonie que sa conscience lui fera ressentir en lui procurant paix et joie.
Tout cela est très bien mais comment s’y prendre ? Oh ! il n’y a pas de feuille de route standard ni de recette. Malgré les précautions évoquées ci-dessus, il y aura autant de solutions que de tempéraments et de goûts.
La vie, c’est le mouvement et la rencontre
C’est ce qui fait d’ailleurs le charme de cette nouvelle tranche de vie : une grande variété de voies rend tout possible ou presque et l’on retrouvera dans ses amis une grande richesse à cette diversité. Car tous, nous souhaitons, tant que notre santé et celle de nos proches le permettent, avoir une vie épanouie et heureuse. Et ce sera un critère fondamental d’une « retraite » réussie : est-ce que nous sommes heureux ? Et comment s’en rendre compte sinon en sentant intimement que nos choix sont les bons, c’est-à-dire qu’ils nous procurent paix intérieure et joie. Voilà les deux critères fondamentaux d’un bon discernement. Outre qu’ils ne contreviennent pas aux lois auxquelles nous adhérons, nos choix doivent nous amener à une vraie sérénité et nous procurer une joie intense, ressentie au plus profond de nous-mêmes.
Une nouvelle relation aux autres
Poursuivant cette réflexion je livre quelques clés plus personnelles espérant qu’elles peuvent être utiles. La vie professionnelle peut bien sûr procurer de grandes joies. Mais le rythme et la densité de l’emploi du temps sont tels que les relations sont trop fugitives et ne peuvent souvent pas être approfondies ou sont bridées par le risque d’en perturber leur caractère professionnel. Une fois dégagées de ces obligations, les relations avec les autres demeurent bien sûr toujours responsables mais elles sont bien plus libres donc bien plus paisibles et décontractées car il n’y a plus le carcan de la défense des intérêts de l’entreprise. En particulier, on peut plus facilement quitter le terrain de l’efficacité pure et prendre plus de temps pour la spéculation intellectuelle, l’écoute et le débat. De plus apparaîtra certainement le sentiment fort d’avoir, dans l’ensemble et en général, eu beaucoup de chance et d’être légitimement fier de sa carrière et de ses réalisations. À mon sens, il en découlera une forme de reconnaissance pour la société et un désir, peut-être, de faire bénéficier les générations suivantes de notre savoir-faire.
Stoïcisme et entrepreneuriat
Laisser une trace
Si en plus cela flatte un peu notre ego, pourquoi ne pas assouvir notre désir de laisser une trace derrière nous, c’est bien humain. Pour certains ce sera simple, leurs organisations professionnelles faisant naturellement appel à leur expertise. Les autres constateront vite que les structures pour mettre son expérience au service des autres ne manquent pas.
Voilà quelques réflexions venues après quelques années de « retraite » ; même si je n’aime toujours pas le mot, je dois reconnaître que la variété et la profondeur des relations que je développe remplissent à la fois mes journées et mes ambitions. Le temps passe toujours aussi vite mais sans stress et j’éprouve une grande joie à me sentir utile. C’est merveilleux de maîtriser ses horaires, de saisir les occasions qui se présentent, de prendre le temps de savourer les rencontres, de profiter de sa famille et de ses amis, de lancer de nouveaux projets. Bref, c’est un mélange de stoïcisme (profiter du moment présent) et d’entrepreneuriat (projets que l’on continue à lancer). La vie, a dit quelqu’un, c’est le mouvement et la rencontre.
Commentaire
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Super, Bernard !
Peut être des exemples d’activités par Pierre, Paul, François et d’autres auraient illustré ton propos…