La FinTech française : un écosystème de référence qui poursuit son développement !

Dossier : Vie des entreprises, FintechMagazine N°798 Octobre 2024
Par Alain CLOT

Avec plus de 350 membres, France Fin­Tech est l’association repré­sen­ta­tive des fin­techs fran­çaises, un éco­sys­tème en forte crois­sance depuis plus d’une décen­nie. Inno­va­tion tech­no­lo­gique, régle­men­ta­tion, usages, levées de fonds, attrac­ti­vi­té des métiers, inter­na­tio­na­li­sa­tion, déve­lop­pe­ment durable… sont autant de sujets qui mobi­lisent Alain Clot, à la tête de France Fin­Tech, qui est aus­si la pre­mière asso­cia­tion sec­to­rielle du numé­rique dans le pays. 

Qu’est-ce que France FinTech ?

France Fin­Tech est une asso­cia­tion à but non lucra­tif qui a été créée en 2015 à l’initiative d’entrepreneurs, elle s’est fixé trois mis­sions principales :

  • Pro­mou­voir et faire connaître la fin­tech fran­çaise en France et à l’étranger, ce qui nous conduit notam­ment à de très fré­quentes prises de parole (presse écrite et audio­vi­suelle, médias du net, réseaux sociaux, ensei­gne­ment, etc.) ;
  • Repré­sen­ter l’écosystème vis-à-vis de ses par­ties pre­nantes en France et dans le monde : le Gou­ver­ne­ment fran­çais ; les dif­fé­rentes auto­ri­tés natio­nales, les régu­la­teurs-super­vi­seurs, prin­ci­pa­le­ment l’ACPR et l’AMF, mais aus­si la CNIL, l’Autorité de la concur­rence, la Com­mis­sion euro­péenne, le monde de la recherche et de l’enseignement, les éta­blis­se­ments ban­caires, de ges­tion d’actifs et d’assurance, la BPI, le monde du finan­ce­ment. En ce sens, France Fin­Tech est un trait d’union entre les nom­breuses asso­cia­tions sec­to­rielles de la fin­tech (actifs numé­riques, finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif, paie­ments ou encore assurtech).
    Co-fon­da­teurs de l’European Digi­tal Finance Asso­cia­tion, l’association euro­péenne de la fin­tech, notre asso­cia­tion est aus­si un lob­by assu­mé dont la mis­sion est de faire émer­ger les condi­tions du déve­lop­pe­ment d’un sec­teur d’excellence fran­çais. Dans ce cadre, nous avons notam­ment contri­bué à des textes légis­la­tifs et des réflexions publiques, ain­si qu’à de nom­breuses études et consultations ;
  • Ani­mer l’écosystème : nous faci­li­tons la mise en rela­tion des dif­fé­rentes par­ties pre­nantes, pro­dui­sons de nom­breux conte­nus (livres blancs, études sta­tis­tiques notam­ment) et orga­ni­sons éga­le­ment des évé­ne­ments de toute taille. Co-orga­ni­sa­teur de la French Fin­Tech Week aux côtés de l’ACPR-Banque de France, de l’AMF et de l’incubateur Finance & Assu­rance de Paris&Co, nous pro­po­sons, au sein de cette ini­tia­tive, l’événement de réfé­rence de l’écosystème : Fin­Tech R : Evo­lu­tion qui réunit chaque année près de 2 000 personnes.

Depuis sa créa­tion, il y a près de 10 ans, France Fin­Tech a connu un fort déve­lop­pe­ment. Aujourd’hui, l’association regroupe près de 350 membres et a noué plus de 90 par­te­na­riats de toute nature, notam­ment avec de grandes banques, assu­reurs, fonds d’investissement, cabi­nets de conseil ain­si que des coopé­ra­tions ins­ti­tu­tion­nelles avec le sec­teur public, dont la Banque de France, la BPI, la Région Île-de-France…

France Fin­Tech est la pre­mière asso­cia­tion sec­to­rielle numé­rique en France. L’association pro­pose désor­mais les Col­lèges Assur­tech et Finan­ce­ment Par­ti­ci­pa­tif, suite à l’intégration res­pec­tive de deux autres asso­cia­tions Insur­tech France et Finan­ce­ment Par­ti­ci­pa­tif France. France Fin­Tech est éga­le­ment un lieu de ren­contre, d’influence posi­tive, de publi­ca­tion, et d’événements qui œuvre en faveur de l’émergence de cham­pions fran­çais dans ce domaine et de la créa­tion d’emplois qua­li­fiés, avec plus de 50 000 emplois créés par la filière à date.

Dans le contexte actuel, nous avons la volon­té forte de contri­buer à la tran­si­tion cli­ma­tique, au déve­lop­pe­ment durable, à la pré­ser­va­tion de la bio­di­ver­si­té, ain­si qu’à l’inclusion et l’éducation finan­cières. Sur le plan social, nous pro­mou­vons la mixi­té, un véri­table enjeu dans la sphère numé­rique alors que nous ne comp­tons que 12 % de fon­da­trices dans notre com­mu­nau­té d’entrepreneurs. Pour fémi­ni­ser notre sec­teur et pro­mou­voir un entre­pre­neu­riat fémi­nin, nous tra­vaillons avec les écoles, les uni­ver­si­tés et d’autres asso­cia­tions. 

Comment est structuré cet écosystème en France ?

Chez France Fin­Tech, nous défi­nis­sons la fin­tech comme un moyen inno­vant d’approcher les ser­vices finan­ciers : les ser­vices ban­caires et assu­ran­tiels, les paie­ments, la ges­tion d’actif, les ser­vices de comp­ta­bi­li­té, la fac­tu­ra­tion, la ges­tion de la régle­men­ta­tion, les ser­vices autour du Web3 et de la cryp­to, les ser­vices à des­ti­na­tion des chefs d’entreprise, des DRH, des direc­teurs financiers…

Nos fin­techs membres sont avant tout des start-up, de par leur taille et leur culture, indé­pen­dantes d’un point de vue capi­ta­lis­tique. La tech­no­lo­gie occupe une place cen­trale dans leur modèle et cette dimen­sion s’articule autour de deux axes prin­ci­paux : la mobi­li­té avec des appli­ca­tions nomades et la don­née avec un focus sur la tech­no­lo­gie des algo­rithmes, l’intelligence arti­fi­cielle, la blo­ck­chain, le Web3…

Contrai­re­ment à une idée reçue, les Fran­çais ont été pion­niers en matière de finance inno­vante avec l’émergence de pre­miers acteurs dès le début des années 1990, jusqu’à ce que nous nous fas­sions rat­tra­per par les acteurs anglo-saxons. Ce ren­ver­se­ment de situa­tion s’explique essen­tiel­le­ment par trois facteurs.

“Chez France FinTech, nous définissons la fintech comme un moyen innovant d’approcher les services financiers.”

Pre­miè­re­ment, jusqu’en 2015, le capi­tal-risque était qua­si­ment inexis­tant en France, alors que les pays anglo-saxons, notam­ment les États-Unis et le Royaume-Uni, se financent mas­si­ve­ment par le mar­ché et moins par le cré­dit ban­caire. Depuis, notre pays a rat­tra­pé son retard en la matière et se situe même dans le pelo­ton de tête de l’Union européenne.

Deuxiè­me­ment, le régu­la­teur fran­çais n’était pas aus­si favo­rable à l’innovation tech­no­lo­gique que ses contre­par­ties anglo-saxonne, luxem­bour­geoise ou suisse qui ont tou­jours asso­cié à leur mis­sion tra­di­tion­nelle de pro­tec­tion du consom­ma­teur et du mar­ché le déve­lop­pe­ment de l’innovation et de la concur­rence et donc de leur place financière.

Depuis, nos régu­la­teurs natio­naux ont pra­ti­qué une forme de révo­lu­tion cultu­relle et tra­vaillent aujourd’hui de concert pour favo­ri­ser l’innovation finan­cière. Une des prin­ci­pales illus­tra­tions de ce tra­vail col­la­bo­ra­tif est le Forum Fin­Tech ACPR-AMF de la régu­la­tion, lieu d’échange men­suel et les dif­fé­rents évé­ne­ments que nous orga­ni­sons ensemble.

Enfin, la fin­tech fran­çaise a eu en France plus de dif­fi­cul­tés à s’installer, car la France dis­pose d’un sys­tème ban­caire et assu­ran­tiel uni­ver­sel et puis­sant qui couvre la tota­li­té des ser­vices finan­ciers. Au fil des années, avec l’émergence de nou­veaux besoins et attentes des consom­ma­teurs, notam­ment les nou­velles géné­ra­tions, nous avons assis­té à un chan­ge­ment de para­digme qui a per­mis aux fin­techs de trou­ver leur place.

“Récemment, nous avons eu le plaisir de voir deux associations sectorielles demander leur intégration à France FinTech, InsurTech France et Financement Participatif France.”

L’écosystème fran­çais s’est très for­te­ment déve­lop­pé et struc­tu­ré. On recense désor­mais plus de 950 acteurs qui opèrent dans les prin­ci­paux métiers : le paie­ment, le finan­ce­ment, les néo banques, le finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif, l’assurtech, les cryp­tos, etc. Avec 14 licornes dont deux ont désor­mais leur siège à l’étranger, la fin­tech fran­çaise est aus­si le pre­mier éco­sys­tème de la tech fran­çaise, de l’Union euro­péenne, et le deuxième de l’Europe géo­gra­phique der­rière les Anglais.

Par­mi les prin­ci­pales fin­techs fran­çaises figurent Led­ger, le cham­pion du monde de la sécu­ri­té dans le Web3, mais aus­si Qon­to, Spen­desk, Lydia, ou encore You­ni­ted… Aujourd’hui, l’écosystème a atteint une cer­taine matu­ri­té avec des acteurs qui se sont for­te­ment déve­lop­pés et ont une taille cri­tique. Nous assis­tons, depuis quelques années, à un phé­no­mène de conso­li­da­tion du marché.

Plus d’une tren­taine d’opérations ont ain­si été recen­sées en 2023 et la ten­dance se pour­suit, voire se ren­force en 2024. Ces opé­ra­tions d’acquisition et de rachat ne se can­tonnent pas aux fron­tières natio­nales. Les fin­techs fran­çaises sont ouvertes sur leur éco­sys­tème et rachètent des concur­rents inter­na­tio­naux. C’est notam­ment le cas de Qon­to qui a rache­té son concur­rent alle­mand Penta en 2022 ou l’assurtech +Simple, qui a acquis nombre de ses concur­rents européens.

Les 14 licornes de la Fintech française.
Les 14 licornes de la Fin­tech française.

Aujourd’hui, quels sont les défis auxquels le monde de la fintech française est confronté ?

Depuis la pan­dé­mie, une forte ten­sion sur les finan­ce­ments est appa­rue. Nous sommes pas­sés d’un peu plus de trois mil­liards de levées de fonds à un mil­liard. Au pre­mier semestre 2024, les fin­techs fran­çaises ont réa­li­sé 50 opé­ra­tions de levée de fonds propres pour un total de 560 M€, soit une hausse de 35 % par rap­port au semestre pré­cé­dent, peut être le reflet d’une reprise.

Men­tion­nons que les start-up ont de plus en plus recours à la dette qui est deve­nue une com­po­sante impor­tante du finan­ce­ment et que leur crois­sance leur per­met de plus en plus de s’auto-financer. Enfin, les efforts de pro­duc­ti­vi­té et de ratio­na­li­sa­tion consen­tis ont per­mis de réduire sen­si­ble­ment leur besoin de financement.

Un autre défi tient aux dif­fi­cul­tés que nous ren­con­trons en matière d’offre locale de finan­ce­ment pour les gros tickets (plu­sieurs cen­taines de mil­lions). En effet, le capi­tal-risque est un métier encore jeune en France. Résul­tat : ce sont géné­ra­le­ment des fonds inter­na­tio­naux qui se posi­tionnent sur ces opérations.

À ces enjeux finan­ciers s’ajoute une ten­sion sur la res­source humaine liée à la dis­po­ni­bi­li­té des talents et des com­pé­tences. Chaque année, le sec­teur recrute des mil­liers de pro­fils très qua­li­fiés en tech­no­lo­gie de la don­née et quan­ti­ta­tives, en algo­rithmes, en IA, en sciences cog­ni­tives. Sur un mar­ché de l’emploi en ten­sion per­ma­nente, la ques­tion des talents repré­sente un véri­table défi stra­té­gique. France Fin­Tech est for­te­ment mobi­li­sée pour accroître l’attractivité de notre place.

Évolution des levées en fonds propres des fintechs françaises

Sur ce marché, les principaux leviers du développement de la fintech restent la tech et l’innovation, la réglementation et les usages. Qu’en est-il ?

Durant les pre­mières phases de déve­lop­pe­ment de la fin­tech, l’innovation a por­té moins sur la tech­no­lo­gie que sur l’expérience uti­li­sa­teur et les nou­veaux usages (ex cagnotte, finan­ce­ment par­ti­ci­pa­tif, etc.).

Désor­mais, la tech est en pointe. Web3, toke­ni­sa­tion, le Big Data et algo­rithme, mais sur­tout l’IA qui aura un impact consi­dé­rable sur les ser­vices finan­ciers, notam­ment en matière de pro­duc­ti­vi­té, de ges­tion des risques, y com­pris de cyber­sé­cu­ri­té, mais aus­si de rela­tion client et de conseil.

La régle­men­ta­tion est éga­le­ment un fac­teur cen­tral de struc­tu­ra­tion de notre indus­trie. Or elle connaît actuel­le­ment des muta­tions d’une grande magni­tude comme les direc­tives sur les paie­ments dites DSP qui per­mettent notam­ment à des acteurs régu­lés d’accéder avec l’accord du client à leurs don­nées ban­caires, une évo­lu­tion qui a ain­si per­mis l’émergence de l’Open Ban­king. Aujourd’hui, le règle­ment MiCA laisse, quant à lui, entre­voir des évo­lu­tions impor­tantes du monde du Web3 et des cryp­to-actifs. Bien d’autres textes sont mis en force, notam­ment liés à l’IA.

Quelles sont les principales tendances qui se dessinent aujourd’hui dans le monde de la fintech ?

His­to­ri­que­ment, la fin­tech s’est atta­quée au sec­teur du paie­ment et concen­trée sur une clien­tèle d’entrée de gamme, notam­ment les jeunes. Aujourd’hui, son péri­mètre d’action s’élargit consi­dé­ra­ble­ment et touche tous les métiers de la banque, l’assurance et la ges­tion d’actifs. Elle pro­pose ses ser­vices à toutes les clien­tèles, seg­ment patri­mo­nial, inves­tis­seurs, col­lec­ti­vi­tés publiques et entre­prises, avec toutes sortes de nou­veaux ser­vices autour de la comp­ta­bi­li­té, la fac­tu­ra­tion, les ser­vices aux DRH et aux DAF. Le Web3 et la toke­ni­sa­tion pré­sentent éga­le­ment un beau potentiel.

S’agissant des modèles, trois ten­dances sont significatives :

  • la pla­te­for­mi­sa­tion des acteurs. Spé­cia­li­sés à l’origine sur un ser­vice très pré­cis, ils élar­gissent pro­gres­si­ve­ment leur offre. A l’origine appli­ca­tion de paie­ment peer-to-peer, notam­ment entre étu­diants, Lydia est en train de deve­nir une pla­te­forme de ser­vices bancaires ;
  • l’internationalisation ;
  • la prise en compte forte des ques­tions rela­tives au déve­lop­pe­ment durable. 

Dans cet écosystème, qu’en est-il du rôle et de la place des acteurs traditionnels de la finance ?

Au fil des années, les acteurs tra­di­tion­nels ont mon­tré un inté­rêt crois­sant pour les fin­techs, ce qui s’est d’ailleurs tra­duit par de nom­breuses opé­ra­tions de rap­pro­che­ment capi­ta­lis­tique avec des acqui­si­tions ou des prises de participation.

Aujourd’hui, la coopé­ra­tion entre les deux uni­vers s’est en quelque sorte « ins­ti­tu­tion­na­li­sée » avec plus de 1 500 par­te­na­riats entre les fin­techs, les banques et les assu­rances qui couvrent des sujets de dis­tri­bu­tion, de pro­duc­tion, ain­si que des sujets de plus en plus cœur de métier, comme la connais­sance client, la lutte anti-blan­chi­ment, l’analyse des risques, le conseil.

Après avoir pri­vi­lé­gié des modèles de dis­tri­bu­tion indi­rects (à tra­vers les réseaux des grands éta­blis­se­ments), les fin­techs sont de plus en plus posi­tion­nées sur de la dis­tri­bu­tion directe au client final (par­ti­cu­liers ou entreprises).

Ces coopé­ra­tions et cette concur­rence sont sti­mu­lantes pour les deux mondes et fac­teur d’innovation.

Actuellement, quels sont les sujets qui mobilisent France FinTech ?

La période étant très dense sur le plan régle­men­taire, nous res­tons bien évi­dem­ment mobi­li­sés afin de repré­sen­ter le sec­teur et de veiller à son inté­rêt. En paral­lèle, comme pré­cé­dem­ment men­tion­nés, nous pour­sui­vons nos efforts sur le volet recru­te­ment et attrac­ti­vi­té des talents afin de répondre à la forte demande de l’écosystème en pro­fils et compétences.

Nous tra­vaillons sur le déve­lop­pe­ment de l’éducation finan­cière, un domaine dans lequel la France accuse un retard par rap­port à ses voi­sins euro­péens et sur lequel nous avons aler­té les pou­voirs publics. Enfin, nous res­tons enga­gés en faveur de la pro­mo­tion de l’écosystème fran­çais dans le monde et de l’excellence de notre pays dans le domaine de l’innovation finan­cière, ain­si qu’en faveur du déve­lop­pe­ment de cham­pions fran­çais et européens.

Et pour conclure ?

L’innovation finan­cière est un sec­teur pas­sion­nant et créa­teur d’emplois qua­li­fiés qui peut offrir à des diplô­més de grandes écoles, comme Poly­tech­nique, des pers­pec­tives de car­rières très larges, mais éga­le­ment des aven­tures entre­pre­neu­riales enri­chis­santes et épa­nouis­santes. Le sec­teur a encore un très large poten­tiel en termes de créa­ti­vi­té et d’innovation alors que la numé­ri­sa­tion des ser­vices finan­ciers se pour­suit dans le monde entier. Avis aux inté­res­sés ! N’hésitez pas à nous rejoindre !

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