La Fintech française : un secteur qui confirme son excellence et sa forte croissance
Depuis 15 ans, Finance Innovation accompagne le développement de la Fintech française. Bernard Gainnier, Président de Finance Innovation, et Maximilien Nayaradou, Directeur Général de Finance Innovation, reviennent sur les tendances qui marquent ce secteur qui poursuit sa croissance, continue à innover et apporte une véritable valeur ajoutée à l’industrie financière française et européenne.
Finance Innovation est le cluster de la finance digitale et de la Fintech. Quelques mots pour nous présenter votre périmètre d’action ?
Créé en 2007 par l’État, Finance Innovation est l’un des dix-huit pôles de compétitivité mondiaux ou à vocation mondiale, sur les 54 pôles de compétitivité labellisés par le CIACT en France. Sa principale mission est d’accompagner les Fintechs, les Insurtechs et les acteurs du secteur financier à lever des fonds publics et privés pour accélérer leur croissance. Pour ce faire, notre action s’articule autour de plusieurs axes complémentaires. Nous identifions et accélérons les Fintechs et leurs projets innovants et contribuons à la transformation digitale et durable de la finance et de l’économie. Nous montons ainsi des projets de R&D en finance digitale d’envergure nationale et européenne.
« Notre rôle est de promouvoir l’innovation dans la finance digitale et la Fintech, créer des synergies et mettre en place des projets collaboratifs entre les acteurs de cette innovation et les grands groupes. »
Aujourd’hui, Finance Innovation regroupe une large communauté qui comprend près de 710 acteurs de l’innovation financière (Fintechs, laboratoires de recherche, petites, moyennes et grandes entreprises, centres d’excellence académiques et investisseurs). On trouve 120 grands groupes, 400 Fintechs, 60 ETI et une vingtaine d’académiques. Au sein de cet écosystème, notre rôle est de promouvoir l’innovation dans la finance digitale et la Fintech, créer des synergies et mettre en place des projets collaboratifs entre les acteurs de cette innovation et les grands groupes notamment, mais aussi contribuer à créer de l’emploi dans ces filières.
Notre périmètre d’action couvre 7 domaines d’activité : assurance, banque, finance durable et solidaire, immobilier, gestions d’actifs, gestion et finance d’entreprise, blockchain, finance décentralisée et web3. À travers nos comités de labélisation, nous labélisons les projets innovants les plus prometteurs pour la transformation digitale et le futur de l’industrie financière française. Depuis 15 ans, nous avons ainsi labélisés plus de 731 projets et contribué à lever plus de 2,8 milliards d’euros de fonds privés.
Pour aider les entreprises labélisées à trouver des financements, nous avons mis en place un comité d’investisseurs et de nombreux partenariats. Chaque année, nous organisons, par ailleurs, plus d’une centaine d’événements pour animer cet écosystème et notre communauté.
Vous avez été aux premières loges pour observer l’évolution du monde de la finance digitale et des Fintechs depuis 15 ans. Quelles sont les principales tendances qui ressortent ?
Le secteur a toujours fait preuve de beaucoup d’innovation. Il a aussi été porté par le développement de certaines technologies ce qui a permis l’émergence de plusieurs tendances. Ainsi, dans les années 2007 à 2012, nous avons assisté au développement du paiement et du crowdfunding. L’Insurtech, un secteur sur lequel nous avons rédigé un premier livre blanc en 2010, a réalisé ses plus importantes levées de fonds en 2019 et en 2021. En parallèle, la finance décentralisée et la blockchain connaissent également un fort développement depuis 2021. Alors que la chute de FTX relance le débat autour du cadre réglementaire des cryptoactifs, restera à voir si cette tendance se confirme sur le court terme.
« Aujourd’hui, la Fintech est le premier secteur en termes de levées de fonds avec près de 3 milliards d’euros levés en 2022. On recense aussi dans la Fintech, 10 licornes : Ivalua, Dataiku, Younited, Ledger, Lydia, Kyriba, Shift Technology, Alan, Swile, Qonto, Payfit, Spendesk. »
Nous assistons également actuellement à une vague de digitalisation des directions financières avec de nombreuses innovations en matière de comptabilité et autour de la gestion de trésorerie et de l’affacturage. Enfin, depuis 2021, le domaine de la PropTech et de la Real Estate Tech connaît un important boom. Alors que les levées de fonds sur les autres segments de la finance digitale se sont stabilisées, elles ont augmenté de plus de 20 % dans la PropTech. Il y a, à ce niveau, un effet de rattrapage avec un secteur de l’immobilier qui rattrape son retard par rapport aux autres domaines de la finance.
Aujourd’hui, la Fintech est le premier secteur en termes de levées de fonds avec près de 3 milliards d’euros levés en 2022. On recense aussi dans la Fintech, 10 licornes : Ivalua, Dataiku, Younited, Ledger, Lydia, Kyriba, Shift Technology, Alan, Swile, Qonto, Payfit, Spendesk.
Quelles sont les technologies qui redessinent les contours de la Fintech ?
La principale technologie reste l’intelligence artificielle qui est au cœur du modèle de nombreuses Fintechs et licornes du secteur. C’est notamment le cas de Shift Technologie qui capitalise sur le datamining et le Big Data pour lutter contre la fraude. En effet, l’IA permet notamment d’interopérabiliser les bases de données d’un assureur ou entre assureurs, de manière totalement anonyme et confidentielle, afin d’identifier des signaux faibles et anticiper l’apparition de nouveaux types de fraudes. Plus particulièrement, dans l’univers de l’IA, ce sont le machine learning et le datamining qui restent le plus utilisés, contrairement au deep learning qui est moins plébiscité.
En parallèle, la blockchain ouvre des perspectives très intéressantes en termes de traçabilité et de transparence, alors que le cloud computing a vocation à accélérer le phénomène de plateformisation de la finance. Le recours aux technologies quantiques, auquel nous avons consacré un livre blanc en 2019, est encore assez marginal dans le monde de la finance, notamment à cause du coût encore très élevé de cette technologie.
En 2023, selon vous, peut-on encore parler de frein dans l’acceptation des nouvelles technologies et de l’innovation ?
Si la situation est plus favorable qu’il y a une dizaine d’années, elle reste néanmoins complexe. En effet, dans le monde de la finance et de l’assurance, le principal moteur de l’innovation reste la nécessité. L’environnement de taux bas a notamment poussé les banques et les assurances à innover pour réduire et mieux maîtriser leurs coûts, mais aussi afin d’améliorer leurs processus et leur productivité. Au-delà, la réglementation les pousse aussi à être plus compétitives.
Pouvez-vous nous en dire plus sur le label Finance Innovation et sur les avantages de cette labélisation pour les start-up et les Fintechs ?
Le label « Finance Innovation » contribue à améliorer leur visibilité et leur crédibilité en France et à l’international. Ainsi, c’est plus de 100 experts qui sont mobilisés pour sélectionner les start-up éligibles au label.
Concrètement, nous proposons deux labels :
- un label pour les projets individuels qui représente 80 à 90 % des projets que nous labélisons. À travers ce label, nous aidons les entreprises à trouver des clients, des financements privés, ainsi que des partenariats pour booster leurs innovations et accélérer leur croissance ;
- un label pour les projets collaboratifs qui est attribué à 10 à 20 % d’entreprises que nous aidons à obtenir des fonds publics.
« Depuis le lancement de Finance Innovation, en 2007, plus de 721 projets ont été labélisés. En moyenne, 1 start-up sur 2 a trouvé des clients grâce au label. »
Depuis le lancement de Finance Innovation, en 2007, plus de 721 projets ont été labélisés. En moyenne, 1 start-up sur 2 a trouvé des clients grâce au label. Au-delà, ce processus de labélisation nous permet d’avoir une vue d’ensemble et globale sur l’évolution du secteur. Cela nous permet notamment de mettre à la disposition des grands groupes, via notre comité de labélisation, une veille en temps réel sur les tendances en matière d’innovation et les start-up qui se démarquent sur ce marché très dynamique.
Quels sont les projets et chantiers qui vous mobilisent actuellement ?
À l’instar des autres pôles de compétitivité français, nous avons été mobilisés par la phase V des pôles qui va s’étendre de 2023 à 2026. Dans cette continuité, nous allons nous concentrer sur le développement de la Fintech dans les régions.
L’idée est aussi d’aller chercher des sources de financement et des investissements en Europe pour nos Fintechs. En parallèle, nous aidons les secteurs de la finance qui accusent un retard en matière d’innovation à accélérer leur transformation digitale. C’est notamment le cas du courtage, de la finance durable, de l’immobilier, de la banque privée ou encore de l’asset management. Sur le court et le moyen terme, un de nos objectifs est de mieux diffuser l’innovation dans le monde et les métiers de la finance pour que les innovations portées par les Fintechs bénéficient à tous, des grands groupes aux entreprises de taille moyenne, quel que soit leur secteur d’activité.
Comment voyez-vous le secteur évoluer dans le contexte actuel ?
Depuis 2015, d’importants progrès ont été réalisés et des levées de fonds record ont été bouclées notamment grâce à un environnement de taux bas. La Covid a également donné un boost à la Fintech. Cette période a montré que les entreprises qui s’en sont le mieux tirées étaient celles qui s’étaient lancées dans une démarche digitalisation.
Aujourd’hui, dans un contexte inflationniste marqué par la remontée de taux, il y a un risque de ralentissement, notamment au niveau des investissements et des levées de fonds. L’enjeu est donc d’aider les Fintechs à nouer des partenariats business pour compenser cette éventuelle baisse des investissements.
Nous sommes convaincus que la Fintech française, qui a largement prouvé sa rentabilité et sa valeur ajoutée, peut passer ce cap !