La formation des jets stellaires à grande échelle
Les jets astrophysiques sont d’étroits pinceaux de matière qui peuvent se propager sur de grandes distances (des centaines de fois la distance Terre-Soleil).
Ils sont omniprésents dans l’Univers, émergeant d’objets célestes aussi variés que les étoiles en formation, les naines blanches, les étoiles à neutrons, ou les trous noirs, dont le point commun est d’amasser activement de la matière depuis leur proche environnement.
Des phénomènes mystérieux
“ Des pinceaux de matière omniprésents dans l’Univers ”
Bien que spectaculaires, les jets ont longtemps été considérés comme de simples sous-produits de ce processus d’accrétion de matière. Les physiciens ont peu à peu réalisé qu’ils jouent en réalité un rôle crucial.
Les jets qui s’échappent des pôles d’une étoile naissante ralentissent la rotation du gaz en train de s’effondrer sur le noyau central, permettant à la matière de continuer à s’agréger. Leur action sur le milieu interstellaire peut y faire naître de nouvelles étoiles.
Cependant, les jets restent parmi les phénomènes les plus mystérieux de l’astronomie moderne. En particulier, les théories actuelles ont du mal à expliquer comment la matière peut se propager sur de si longues distances tout en restant confinée en un jet étroit.
UN MODÈLE D’ÉTOILE JEUNE
Le modèle, qui fait intervenir le champ magnétique interstellaire, a été élaboré dans le cadre d’une collaboration internationale comprenant des équipes françaises, en particulier du Laboratoire pour l’utilisation des lasers intenses (LULI), du Laboratoire d’études du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (LERMA) et du Laboratoire national des champs magnétiques intenses (LNCMI, CNRS). Leurs travaux ont été publiés dans un récent numéro de la revue Science.
Confinés par un champ magnétique
Grâce à une première simulation de ce phénomène en laboratoire, et à des modélisations numériques en trois dimensions, les chercheurs ont compris que les jets émis par les très jeunes étoiles sont confinés par un champ magnétique à large échelle, qui est aligné avec l’axe des jets, comme l’ont récemment précisé des mesures par télescope.
Dispositif expérimental utilisé dans cette étude. La structure centrale de cette chambre permet d’étudier le couplage laser-matière en présence des forts champs magnétiques et dans le vide. © JULIEN FUCHS / LULI
Le mécanisme que les chercheurs proposent est donc en très bon accord avec les observations astrophysiques actuelles. Il rend compte notamment de mystérieuses émissions de rayons X observées par des satellites spatiaux le long des jets.
Astrophysique et fusion nucléaire
Dans cette étude, les scientifiques se sont penchés spécifiquement sur les jets de plasma des étoiles naissantes, mais le même mécanisme pourrait être à l’œuvre dans les autres types de jets astrophysiques. Ce travail ouvre la voie pour étudier, de manière concrète, le rôle des champs magnétiques en astrophysique.
Les chercheurs souhaitent notamment, à l’aide de la future grande installation laser Apollon du plateau de Saclay, se pencher sur le mécanisme d’accumulation de matière par les jeunes étoiles, les rayons cosmiques et les arches de plasma éjectées lors des éruptions solaires.
Enfin, le dispositif construit au LULI pourrait servir aux recherches sur la fusion nucléaire, où les champs magnétiques sont évoqués depuis longtemps pour pouvoir confiner les ions au sein d’un combustible et augmenter leur température, ce qui est le paramètre clé pour parvenir à la fusion.
Jet émis par l’étoile en formation HH47, située dans la constellation des Voiles. Ce type de jet de plasma est émis à une vitesse de plusieurs centaines de kilomètres par seconde, et ne subsiste que 100 000 ans environ.
© NASA, ESA, P. HARTIGAN (RICE UNIVERSITY)
Des jets bipolaires émis par l’étoile en formation HH30, située au centre d’un disque d’accrétion qui l’alimente en gaz. © NASA, A. WATSON (UNIVERSIDAD NACIONAL AUTONOMA DE MEXICO), K. STAPELFELDT (JPL), J. KRIST, C. BURROWS (ESA / STSCI)