La fracture sociale : un défi à relever
La fracture sociale est une réalité qui, du simple fait de son existence ou en raison des risques qu’elle génère pour la cohésion du pays, ne saurait laisser personne indifférent. Ni le citoyen, ni a fortiori le cadre investi de responsabilités dans la cité.
Or il est souvent reproché à notre système éducatif, notamment à celles qui parmi les grandes écoles constituent un vivier de recrutement pour la haute administration, de former des cadres ignorants de la réalité du terrain et peu au fait de la réalité sociale. Ce reproche est certes excessif et se révèle en tout cas peu fondé pour ce qui concerne l’École polytechnique.
Déjà, quand tous les élèves effectuaient leur service militaire préalablement à leurs deux années de scolarité, ils avaient l’occasion de prendre conscience de la diversité du tissu social et de se frotter avec certaines réalités parfois peu reluisantes. Ce sont là les vertus bien connues du service national dans une armée de conscription.
C’est la raison pour laquelle d’ailleurs la première année du cursus polytechnicien était qualifiée d’année « de formation humaine et militaire », la formation humaine recouvrant tout à la fois l’apprentissage des responsabilités, l’acquisition de qualités nécessaires à de futurs cadres, mais aussi une formation par l’expérience aux relations sociales.
Avec la suspension programmée de la conscription, cette première année du cursus polytechnicien s’est diversifiée et un nombre croissant d’élèves peuvent désormais être affectés dans des organismes civils à l’issue de leur formation militaire.
Les différents emplois qui leur sont proposés, que ce soit dans la police nationale, dans les établissements d’enseignement, dans l’administration pénitentiaire ou encore dans un certain nombre d’organismes caritatifs ou de réinsertion, outre qu’ils sont choisis avec soin pour permettre aux élèves de développer leurs qualités foncières, constituent des postes d’observation privilégiés pour acquérir une connaissance intime de la réalité sociale.
Sans verser dans le misérabilisme, l’École veille en effet à choisir pour ses élèves des affectations situées préférentiellement dans des quartiers difficiles, à tout le moins dans un milieu offrant un fort contraste par rapport à celui dont ils sont originaires.
Les premiers retours d’expérience sont sans conteste très encourageants. Les témoignages portés par les élèves, qui font preuve d’une maturité exceptionnelle, montrent qu’ils ont rencontré des situations dont ils n’avaient pas conscience et qu’ils se sont réellement investis, avec tout l’enthousiasme de leurs vingt ans, pour apporter leur contribution à la résorption de ce fléau que constitue la fracture sociale.
Bien entendu, chaque expérience vécue est différente, et tous nos élèves n’ont pas pu vivre une telle aventure. Nul doute cependant que la somme et le partage de ces expériences ne concourent à diffuser chez les polytechniciens une vision des problèmes sociaux plus conforme à la réalité et à faire d’eux des citoyens et des cadres parfaitement avertis de ces problèmes et attentifs à leur porter remède.