« La France a un rôle particulier dans l’émergence de la souveraineté numérique »
Rencontre avec Thomas Fauré, fondateur de la plateforme Whaller, le réseau social souverain, codé et développé dans le respect des libertés individuelles et des données de ses utilisateurs.
Quelques mots sur Whaller, le réseau social français respectueux des données.
Whaller est une plateforme de réseaux sociaux qui protège les données de l’utilisateur. Elle a été créée en 2013, et est devenue indépendante depuis bientôt un an. La plateforme s’adresse aux :
- Entreprises, comme le groupe France Télévision et le groupe Axa ;
- Institutions, notamment le ministère des Armées, le ministère de l’Enseignement Supérieur ou la DINSIC pour qui nous sommes en charge de TECH.GOUV qui est le nouveau programme pour accélérer la transformation numérique du service public ;
- Grandes écoles, comme CentraleSupélec et l’Institut Polytechnique de Paris ;
- Associations.
Nous proposons des plateformes de réseau social professionnel, pour constituer des réseaux de collaborateurs, de prestataires, ou des réseaux de clients pour les entreprises. Whaller est donc une plateforme de travail qui utilise les technologies collaboratives de réseau social pour des thématiques plus professionnelles que les réseaux sociaux uniquement destinés au grand public.
Quels sont les avantages de créer son propre réseau social et que proposezvous concrètement ?
Créer son propre réseau social sur Whaller permet de :
- Devenir indépendant technologiquement, pouvoir paramétrer sa plateforme sur mesure et ne pas dépendre d’outils préconfigurés et destinés au grand public ;
- Reprendre le contrôle de ses données et le rendre aux utilisateurs ;
- Bénéficier d’une technologique française pour faire travailler des gens ensemble en interne, avec plus d’efficacité et plus de souplesse que les vieilles technologies, notamment les e‑mails qui arrivent à saturation.
Concrètement, Whaller organise les conversations et les communications sous forme de sphères, qui sont des communautés de travail. L’utilisateur peut appartenir à plusieurs sphères. La plateforme permet donc de matérialiser l’ensemble de tous les lieux de collaboration, de communication et d’échange qui constituent la vie quotidienne des collaborateurs dans leur organisation.
Il s’agit d’une technologie efficace qui permet de donner de la productivité et de l’efficacité dans les échanges en optimisant leur organisation.
Les informations sont ainsi bien réparties selon les thématiques et les sphères, qui permettent de sécuriser davantage l’information.
Le réseau social Whaller est cloisonné, étanche et sécurisé. C’est une plateforme bâtie sur ces principes de protection et de sécurité.
C’est aussi une technologie française, dont l’ADN est de ne pas exploiter les données de ses utilisateurs à des fins commerciales. Elle ne filtre pas les contenus avec des algorithmes calculés, et ne contient pas de publicité même dans sa version gratuite.
Quel est votre approche du Privacy By Design, une problématique qui a notamment été soulevée par le RGPD :
Whaller a toujours implémenté le Privacy By Design. D’abord les sphères en elles-mêmes sont étanches et sécurisées par défaut et respectent la protection des données.
Notre approche, c’est d’avoir conçu le moindre détail dans l’outil de façon à donner le contrôle aux utilisateurs et aux administrateurs de la plateforme, en misant en plus sur la neutralité des algorithmes.
Whaller protège l’utilisateur par défaut et lui donne le choix d’ouvrir par la suite certains réglages s’il le souhaite.
Par exemple, les sphères sont initialement privées mais l’utilisateur peut décider de faire des sphères ouvertes ou des sphères publiques, a posteriori.
Qu’en est-il de la souveraineté numérique ?
Il s’agit tout simplement d’une affaire de liberté et de non-dépendance vis-à-vis des technologies étrangères. Il est question de souveraineté vis-à-vis d’un pays, à l’échelle de la France mais aussi à l’échelle de l’Europe. Aujourd’hui, je crois fortement que l’Europe et la France ont le potentiel de proposer au monde numérique une troisième voie en plus des Américains et des Chinois qui constituent une sorte de duo-pôle. L’Europe peut être une alternative d’un numérique plus respectueux, plus éthique et plus souverain. Il s’agit finalement de replacer la technologie au service de l’homme et non pas le contraire.
Étant le pays de la déclaration des droits de l’homme, qui inscrit la liberté dans sa devise, je pense que la France a un rôle particulier dans l’émergence de la souveraineté numérique. D’ailleurs, il est aussi question de souveraineté à l’échelle des entreprises. Les entreprises devraient posséder leurs propres données sur leurs propres serveurs et être assurées que ces données ne vont pas filer dans les mains de leurs concurrents. C’est une garantie de plus en plus importante surtout pour des entreprises ou des institutions sensibles comme Thalès ou Airbus qui ne peuvent plus confier le fruit de leurs recherches ou leurs travaux systématiquement à des entreprises américaines. D’ailleurs, dans ce cadre, des entreprises françaises qui partagent cette même idée se sont réunies sous le cluster “Opération Lancelot“. L’association réunit des entreprises qui ont pris conscience de l’importance de s’affilier les unes aux autres et de pouvoir porter un message commun sur la souveraineté numérique. L’objectif est de joindre nos forces pour créer une offre européenne qui soit une vraie alternative face aux géants non-européens. Nous essayons de fédérer des acteurs spécialisés dans le numérique, qui vont être capables de proposer ensemble des services à leurs clients de façon cohérente.
Quelques mots sur votre levée de fonds et vos perspectives ?
Cette année nous avons levé jusqu’à présent 500 000 euros et nous pensons pouvoir lever davantage parce que nous sommes actuellement en train de mettre en œuvre un plan d’accélération.
C’est un plan où nous recherchons aujourd’hui 2 millions d’euros afin de pouvoir accélérer notre développement technique et commercial.
Pour nos perspectives, nous visons à nous développer davantage auprès des institutions et en particulier celles qui ont des composantes dans la cybersécurité.
En parallèle, nous sommes particulièrement mobilisés pour travailler encore plus avec l’enseignement supérieur et avec le monde de l’éducation en général. Dans ce cadre, nous avons signé un partenariat avec Sciences Po, et nous travaillons avec eux depuis quelques mois sur l’amélioration de notre plateforme à destination des campus numériques des grandes Écoles.
Le mot de la fin ?
Aujourd’hui, tout le monde n’est pas sensibilisé de la même façon vis-à-vis de la souveraineté numérique. D’ailleurs, nous restons assez dépendants technologiquement des Américains ou des Chinois.
La dépendance est évidemment une perte de liberté, de souveraineté et une perte industrielle. J’appelle donc les décideurs à faire confiance aux entreprises françaises en matière de souveraineté numérique parce que certaines d’entre elles, et Whaller en particulier, ont pris conscience de l’importance politique et économique de cet enjeu.
Les technologies sont un terrain formidable mais à condition d’en être les acteurs et non seulement les consommateurs.
EN BREF
- Création en 2013 ;
- 400 000 utilisateurs ;
- 20 000 réseaux d’organisations.