La France maritime, un atout déterminant
À l’aube d’un siècle qui sera le plus maritime de l’histoire de l’humanité, la France a impérativement besoin d’une stratégie maritime intégrée. Ses faiblesses sont connues, ses atouts et son image plus souvent méconnus. Mais un souffle nouveau, largement porté par » Le Cluster maritime français « , amène les acteurs à se mobiliser autour d’initiatives marquées par de fortes ambitions pour la France.
En 2030, notre planète sera économiquement bleue. La mer est l’avenir de la terre. Elle présente des potentialités et des enjeux majeurs qui vont bien au-delà du transport : dans l’énergie, l’alimentation, la recherche pharmaceutique. On parle avec raison d’épuisement des ressources à terre mais on connaît seulement 20 % de la flore et de la faune marines.
Repères
La mondialisation de l’économie est en marche et va de pair avec la maritimisation. Les flux de cargaisons maritimes ont été multipliés par 5 en trente ans. En 2020 le transport maritime représentera 14 à 15 milliards de tonnes (7 aujourd’hui) à comparer aux 180 000 transportées par avion (65 000 aujourd’hui). Quand l’économie croît par exemple de 3 %, le commerce peut progresser de 5 %, et le transport maritime de 6 ou 7 %.
Autant que l’industrie automobile
Or la France maritime – Hexagone mais aussi DOM-TOM – est souvent et surtout bêtement ignorée, alors qu’elle est déjà une force et un atout déterminant : une zone économique exclusive de 11 millions de km2, plus de 50 milliards d’euros de valeur de production, plus de 312 000 emplois directs hors industries portuaires et hors tourisme du littoral terrestre, soit autant que l’industrie automobile tout entière, équipementiers compris.
Première au monde en matière de qualité
Dans une dizaine d’industries ou de métiers internationaux, les opérateurs français sont sur le podium mondial, tant sur le plan quantitatif que qualitatif : assurances maritimes des navires et cargaisons ; financements shipping dans le monde entier ; courtage d’affrètements ou surtout d’achat et vente de navires ; classification ; construction et industrie nautiques ; armement de ligne ; recherche océanographique ; offshore, en particulier pétrolier ; construction navale civile et militaire à forte valeur ajoutée avec 25 % de croissance annuelle (alors que chacun a en tête l’image d’un secteur subventionné) ; et bien sûr marine de guerre (la Marine nationale étant la seule, avec l’US Navy évidemment, à disposer à ce jour de toute la gamme possible de bâtiments, et étant au surplus l’une de celles dont les unités sont en moyenne le plus souvent à la mer).
Un enjeu de 30 000 emplois
Une organisation au service du secteur maritime
» Le Cluster maritime français « , né début 2006, réunit 160 adhérents et cotisants (fédérations professionnelles et entreprises). C’est le premier effort jamais tenté par les acteurs maritimes marchands de notre pays – ceux qui sont les vrais » talents maritimes français » -, pour se battre mieux ensemble hic, nunc, demain et ailleurs. L’effort du CMF, et c’est pour cela qu’il a quelques chances de succès, repose sur la volonté de ses membres, la foi de ceux qui dans toutes les professions l’ont porté publiquement et le soutiennent, ainsi que sur une coopération d’envergure avec le bras séculier marin à la fois le plus traditionnel et le plus novateur : une Marine nationale qui veut aider au rayonnement des talents maritimes français, entre autres en les promouvant (en français et en anglais) dans tous les ports du monde.
Même dans les secteurs où la France paraît faible, elle a malgré tout de solides atouts à faire valoir. Notre flotte de commerce sous pavillon national n’est certes pas à la hauteur de la 5e puissance économique et commerciale du monde, avec seulement 220 navires (mais maintenant plus de mille unités supplémentaires » contrôlées » par les armateurs français), mais elle est en revanche incontestablement la première du monde et ce depuis deux ans au niveau de la qualité et de la sécurité (cf. synthèse officielle des contrôles effectués dans le monde entier par les États du port). Quant aux grands ports français, qui sont eux aussi globalement en retard par rapport à nos voisins européens immédiats, ils sont maintenant engagés grâce à la réforme en cours dans un processus lourd de transformation du management, de modernisation et d’extension, et sont souvent à la pointe dans bien des domaines d’exploitation particuliers. L’un des enjeux de l’effort actuel est la création de 3 000 emplois.
Une image faussée culturellement
La France maritime souffre soit de l’ignorance de l’opinion publique et de nombre de responsables politiques, soit de la mise en avant démobilisatrice de ses faiblesses et de la sous-estimation de ses forces objectives. Or, un sondage IFOP de 2007, commandé par l’Institut français de la Mer et le Cluster maritime français, a montré que 67 % des Français pensent que notre pays aurait intérêt à tirer davantage parti des ressources de notre domaine maritime. De plus, notre économie maritime a les moyens de croître bien plus encore, maintenant qu’elle s’est mise en mouvement et veut de plus en être un » cluster » au sens du Livre vert de la Commission européenne, autrement dit un ensemble plus solidaire, mieux respecté, plus écouté ! La France peut conquérir de nouvelles positions internationales dans quasiment tous les domaines, comme le démontre à l’envi ce que ses meilleurs opérateurs ont déjà réussi à bâtir, seuls ou quasiment face à la compétition mondiale, c’est-à-dire sans que jouent vraiment les solidarités maritimes nationales, volontaristes, certes naissantes chez nous mais mises en pratique avec constance et depuis des années par et chez nos grands voisins anglo-saxons, vikings ou italiens.
Le politique français semble désormais s’intéresser au fait maritime
Ajoutons que le Cluster maritime national a pâti longtemps de notre indéniable tempérament gaulois, qui nous pousse à agir d’abord individuellement, en oubliant trop souvent que l’union – quand elle est incontestable, fondée sur des réalités économiques et s’appuie sur une recherche d’initiatives communes concrètes – peut faire la force, en l’occurrence la force d’une vraie » place maritime française « , force qui peut et pourra elle-même profiter en retour à chacun des acteurs maritimes qui y contribuent.
Un souffle nouveau
Le poids culturel de la terre
Dans un pays dont l’histoire et la puissance se rattachent avant tout à la terre, au fief (et dont la culture séculaire est marquée par la richesse, la diversité et la solidité du sol, et donc par la puissance traditionnelle de sa paysannerie puis de son industrie), le secteur maritime français a longtemps souffert de la méfiance naïve, coupable, étroite, qu’inspirent encore confusément et trop souvent chez nous » le commerce » et l’ouverture vers le grand large. Sans parler de l’image – fausse bien sûr, et perverse – que négoce et transport sont des activités non pas subalternes (quoique !) mais en tout cas moins éthiques, moins sociales, et pour tout dire moins nobles. Une exception française, heureusement en train de changer, mais qui a longtemps réjoui et fait sourire bien des pays amis, pourtant tout aussi soucieux que le nôtre du bien-être et de l’emploi de leurs citoyens à l’ère de la mondialisation !
Ces perspectives ont amené les professionnels du maritime à bouger. Avec tout le poids de leur économie, ils veulent être plus et mieux entendus, et c’est pour cela qu’ils se sont associés avec enthousiasme et efficacité aux Assises de l’économie maritime en décembre 2007 à Marseille et les 2 et 3 décembre 2008 au Havre, devenues des rendez-vous aussi incontournables pour les Pouvoirs publics maritimes français et européens que pour les acteurs économiques maritimes eux-mêmes.
Plus qu’un signe.
Car, autre évolution marquante, le politique français semble désormais s’intéresser au fait maritime. Naguère, le rapport du groupe Poséidon, commandé par le Premier ministre, et s’intitulant Une ambition maritime pour la France, avait semblé marquer le début d’une réflexion pour une politique maritime intégrée et synergique.
Las, le gouvernement ne s’en était jamais vraiment » emparé » et il est vite tombé aux oubliettes. Or l’année 2008 a bien été l’amorce d’un tournant, démontrée par des initiatives importantes lancées sur différents fronts : la réorganisation du grand ministère MEEDAT et surtout la réforme portuaire bien sûr, mais aussi la fin positive de la concertation sur la réforme de l’enseignement maritime et l’annonce de la création d’un grand établissement d’envergure internationale ; le combat mené par la France en Europe sur la responsabilité du pavillon ; la reconnaissance donnée à la construction navale civile et militaire ; la clarification des règles de responsabilité en particulier pour les armateurs ; certains aspects – encore à préciser et à améliorer – du Grenelle de l’environnement ; le dialogue avec l’industrie nautique, les choix difficiles enfin faits en matière de Défense (avec l’espoir que le deuxième porte-avions ne soit pas complètement abandonné) ; les initiatives saluées de l’État et de la » Royale » en matière de protection des routes maritimes.
Hormis la pêche, où la situation des professionnels est encore détériorée par les interférences européennes, on peut dire objectivement que le cru 2008 a été transversalement et globalement satisfaisant, et ce pour la première fois depuis des lustres.
La nécessité d’une vision à long terme
En fait, la France a enfin bougé certes, mais elle a dorénavant impérativement besoin d’une stratégie maritime intégrée, ou plus encore d’une vision maritime clarifiant les choix de l’État à long terme et le cadre pérenne dans lequel les opérateurs français peuvent et pourront se développer.
La Marine nationale aide au rayonnement des talents maritimes français
En Allemagne, en Norvège, au Danemark et en Hollande les États eux-mêmes, conscients de cette nécessité depuis quelques années, ont suscité voire assurent directement la coordination des clusters de la mer. Or le Cluster maritime français a lancé un groupe de travail synergique » Attractivité de la France maritime » qui s’est réuni pendant treize mois avec de nombreux professionnels de tous horizons, qui a terminé ses travaux fin novembre et a corédigé un rapport justement intitulé Pour que la France ait une vision maritime. Ses phrases les plus importantes sont » L’affichage d’une vision maritime à long terme (par l’État) est une priorité et même un préalable » et » (Le besoin fondamental pour aller de l’avant) est la définition d’une vision à long terme par l’État afin de démultiplier les efforts des acteurs privés. »