La gestion d’actifs jouera un rôle essentiel dans l’épargne-retraite
Le déclin des régimes de retraite par répartition et des fonds de pension à prestations définies ouvre la voie à l’épargne-retraite à cotisations définies. La gestion d’actifs se doit de proposer aux ménages, aussi bien à titre individuel que dans le cadre de leur entreprise, des services et des solutions répondant à leurs nouveaux besoins en matière de retraite.
REPÈRES
Prestations définies et cotisations définies
Un plan de retraite est dit à « prestations définies » lorsque l’employeur s’engage sur le niveau des prestations, selon des termes définis par contrat, généralement en fonction du salaire et de la durée d’emploi du salarié.
Il est dit à « cotisations définies » lorsque l’employeur s’engage sur le montant des cotisations à verser : les prestations ne sont alors pas garanties, et dépendent de la rentabilité obtenue en plaçant ces cotisations sur les marchés financiers.
Les risques liés à la retraite ont longtemps été assumés par la solidarité intergénérationnelle dans le cadre des régimes publics par répartition, et par les employeurs dans le cadre de fonds de pension à « prestations définies ». On assiste aujourd’hui à un transfert partiel ou total de ces risques sur les ménages dans le cadre de dispositifs d’épargne-retraite, individuels ou collectifs à « cotisations définies ».
Trois risques pour les ménages
L’épargne-retraite à cotisations définies reporte sur les ménages trois types de risques : le risque décisionnel, puisque c’est au salarié qu’incombe alors la responsabilité de choisir à la fois le montant à épargner pour sa retraite et l’allocation de cette épargne entre les différentes classes d’actifs ; le risque de marché, puisque à cotisations d’épargne données le capital disponible au moment de la retraite est complètement dépendant de l’évolution des marchés financiers durant la phase d’accumulation ; le risque de longévité, puisque celui-ci n’est plus mutualisé ni assumé par l’employeur.
Dans ce contexte, le principal enjeu pour l’industrie de la gestion d’actifs dans les années qui viennent sera de proposer aux ménages, aussi bien à titre individuel que dans le cadre de leur entreprise, des services et des solutions répondant à leurs nouveaux besoins en matière de retraite.
Information et conseil
Les employeurs sont de plus en plus réticents à jouer un rôle d’assureur et à assumer les risques liés à la retraite
Les ménages sont peu et mal préparés à assumer l’entière responsabilité de leurs décisions d’investissement. La plupart appréhendent mal les risques pesant sur leur niveau de vie futur ; d’où une tendance à sous-estimer leurs besoins d’épargne-retraite, et surtout à commencer trop tardivement à épargner. L’amélioration de l’information des salariés sur leurs droits futurs sera, de ce point de vue, tout à fait utile et contribuera à une prise de conscience.
Les décisions d’allocation d’actifs sont extrêmement complexes, ce qui engendre souvent des biais simplificateurs et une tendance à investir principalement dans ce qu’ils connaissent le mieux, c’est-à-dire les titres émis par leur propre employeur ou par les entreprises de leur pays. Un tel comportement les prive de l’un des grands avantages offerts par l’épargne-retraite : la possibilité, via les marchés financiers, de diversifier leurs risques vers d’autres entreprises, d’autres secteurs d’activité et d’autres cycles économiques ou démographiques à l’étranger.
La correction de ces biais passe par des efforts accrus des autorités publiques, des régulateurs et des employeurs en matière d’éducation financière et de normes prudentielles. Toutefois, il serait contre-productif d’encadrer à l’excès les choix des ménages, car cela les priverait des nouveaux degrés de liberté offerts par l’épargne-retraite en complément des régimes par répartition1.
Piloter l’allocation d’actifs à long terme
L’un des principaux attraits de l’épargne-retraite est de pouvoir faire bénéficier les ménages du supplément de rendement offert par les actions sur longue période. Les données américaines sur plus d’un siècle (1900−2006) montrent que le rendement réel moyen des actions s’est établi à plus de 6 % par an pour les actions, contre 2 % pour les obligations et 1 % pour un placement monétaire. Cette hiérarchie se retrouve avec plus ou moins d’ampleur dans tous les pays et sur toutes les périodes suffisamment longues. De même, le rendement des actions apparaît nettement supérieur au rythme de croissance à long terme de l’économie réelle (de l’ordre de 2 % à 3 %), qui, de façon simplificatrice, peut être assimilé au rendement actuariel d’un régime de retraite par répartition.
De tels écarts ont des conséquences tout à fait significatives : 1 000 euros immobilisés pendant trente ans deviennent 5 700 euros (en euros d’aujourd’hui) s’ils sont investis au taux réel de 6 %, à comparer à 1 800 euros s’ils sont investis au taux de 2 %.
L’allocation d’actifs doit tenir compte du fait que le salarié-épargnant ne détient pas seulement un patrimoine financier, mais aussi un « capital humain ». Ce dernier peut être assimilé à la valeur actualisée des salaires futurs, et décroît donc à mesure que l’âge de la retraite approche. Si les revenus salariaux sont faiblement risqués et peu corrélés aux actions, le salarié devra investir davantage dans l’actif le plus risqué (les actions) lorsqu’il est jeune (et donc gros détenteur de l’actif peu risqué qu’est son capital humain), et réduire cette exposition au profit des obligations à mesure que son capital humain diminuera.
Utiliser l’épargne accumulée
EN SAVOIR PLUS
Le risque des actions tend à diminuer à mesure que l’horizon d’investissement s’allonge, contrairement à celui des obligations. Les études empiriques sur longue période montrent que le rendement réel des actions évolue, non pas selon une marche aléatoire, mais tend à revenir vers sa valeur moyenne sur le long terme : en d’autres termes, lorsque les rendements passés ont été inférieurs à la moyenne, cela augmente la probabilité que les rendements futurs seront supérieurs à cette moyenne (et réciproquement).
L’allongement de l’espérance de vie des retraités, combiné au développement de l’épargne-retraite à cotisations définies, soulève des problèmes nouveaux en matière de gestion du risque de longévité, puisque celui-ci n’est plus mutualisé ni couvert par l’employeur. Le cas le plus courant est notamment celui de la France, où l’épargne-retraite à cotisations définies constitue un pilier complémentaire (souvent facultatif) aux régimes de base obligatoires par répartition.
C’est dans ce cas qu’il existe sans doute le plus grand besoin de solutions nouvelles et innovantes. La sortie en rente, qu’elle soit obligatoire ou optionnelle, n’est probablement pas optimale lorsque les régimes de base fournissent un revenu minimum garanti durant toute la durée de la retraite, et c’est encore plus vrai si le ménage considéré est aussi propriétaire de son logement (et bénéficie ainsi d’une sorte de rente implicite).
Conserver sous forme de capital l’épargne-retraite accumulée et l’utiliser au moins pour partie (au-delà de retraits programmés réguliers destinés à financer un supplément récurrent de revenus) comme un fonds de réserve peut avoir plusieurs avantages. Du fait que la durée de la phase de retraite est de plus en plus longue et atteint souvent une vingtaine d’années, cela permet de continuer à bénéficier du supplément de rendement qu’offrent les marchés financiers sur le long terme. Une telle réserve peut être utilisée si nécessaire pour faire face à des dépenses non récurrentes ou imprévues, comme celles liées à la santé ou à la dépendance.
Offrir des solutions pendant la retraite elle-même
Le principal défi qu’aura à relever notre industrie à l’horizon 2015–2020 sera donc d’offrir aux ménages des solutions de gestion d’actifs non plus seulement pendant la phase d’accumulation de l’épargne-retraite, mais aussi pendant la retraite elle-même.
1. Une solution pour guider les choix sans trop les contraindre consiste à mettre en place des options par défaut : sauf décision contraire du salarié, celui-ci est automatiquement enrôlé dans un plan d’épargne-retraite avec des versements périodiques prédéfinis et un pilotage automatique de son allocation d’actifs au cours du temps.