La haute fonction publique de l’État modernisation ou révolution ?
Le gouvernement français mène actuellement une réforme profonde de la Haute Fonction publique de l’État, dont l’annonce la plus spectaculaire a été la « suppression » de l’École nationale d’administration (ENA) mais dont la consistance et les implications sont autrement plus essentielles que le sort de cet institut de formation prestigieux. La réforme peut se décomposer selon la nature technique ou administrative des agents publics qui sont concernés. D’un côté, avec la transformation (plus que la suppression) de l’ENA sont en cause les corps des administrateurs supérieurs de l’État et même les juridictions administratives et financières sont impliquées. De l’autre, l’École polytechnique n’est pas remise en question, mais les quatre corps techniques supérieurs sont impactés.
Les deux parties de la réforme n’ont pas la même histoire, ce qui conditionne le fond des évolutions envisagées. La partie administrative est récente et très médiatisée ; c’est l’annonce de la suppression de l’ENA, le 8 avril 2021 par le Président de la République, qui a surpris tout le monde et lancé les opérations. En à peu près un an ont été définis les axes de la modification du recrutement, de la formation et de la gestion du personnel, par un mouvement descendant, certes accompagné de concertation, mais d’autorité politique. Un Institut national du service public (INSP) a été créé pour remplacer l’ENA, sa direction nommée et son chemin tracé. Une Délégation interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese) a été créée, sa déléguée nommée et sa feuille de route définie. La partie technique est ancienne : l’X et les corps techniques ont été modernisés de façon quasi continue depuis des lustres. L’École a ainsi été le sujet d’un rapport de Bernard Attali en 2015, les corps ont été rassemblés dès les années 2000 dans les quatre corps que nous connaissons actuellement, leur nouvelle évolution a été examinée par un groupe de travail dont le rapport a été rendu cette année – les choses se font de manière plus progressive.
“Tout n’est pas joué et le bilan ne pourra être tiré que plus tard.”
Mais aussi la réforme comporte d’importants points d’adhérence entre les deux parties, administrative et technique. On citera à cet égard le fait que les ingénieurs bénéficieront d’une part de formation à l’INSP, ou le fait qu’une piste de réforme consiste en l’intégration des ingénieurs dans un corps commun avec les administrateurs…
Le présent dossier vise à faire le point. Les réformes sont en cours. Toutes les orientations ne sont pas encore définies. Le gouvernement va évoluer dans sa consistance après les élections. Donc tout n’est pas joué et le bilan ne pourra être tiré que plus tard – le lecteur aura au moins matière à réfléchir.
Compte tenu de la généralité de la réforme, le dossier traite de ses deux faces : la technique, par nature majeure pour les X, mais aussi l’administrative. Il a été établi en coopération entre l’AX et l’Association des anciens élèves de l’ENA (AAEENA), cette dernière ayant par ailleurs consacré à ce sujet le dossier d’avril 2022 de sa revue (L’ENA hors les murs). Les coordonnateurs sont eux-mêmes membres des deux associations d’alumni, mi-chèvres mi-choux – nobody’s perfect !