La loi Agec : une innovation exemplaire
La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) a été votée en 2020. Elle compte 130 articles qui visent à instaurer des pratiques radicalement nouvelles au profit d’une économie circulaire : un nouveau pilotage des déchets par les producteurs, une meilleure information pour les consommateurs, la disparition des invendus, la valorisation de certains déchets. La gestion de la donnée est au cœur de la bonne application de la loi, pour assurer traçabilité et contrôle, et l’intelligence artificielle, ainsi que les objets connectés, offrent des moyens pour accélérer sa mise en œuvre.
Voici un tour d’horizon de l’importance des données pour une bonne application de la loi Agec et d’applications possibles de l’IA sur cinq dispositions phares de cette loi.
La disparition des plastiques à usage unique
À partir de janvier 2023, la vaisselle jetable est interdite dans les établissements de restauration rapide servant plus de 20 couverts simultanément, pour tout ce qui est consommé sur place. Les repas doivent être servis dans de la vaisselle lavable et réutilisable. D’ici le 1er janvier 2025, les emballages constitués de polymères ou de copolymères styréniques non recyclables et les contenants alimentaires en plastique utilisés dans certains services de santé, en restauration scolaire et universitaire pour les collectivités de 2 000 habitants et plus devront être éliminés. Le défi qui se pose est le contrôle de l’application de cette loi. Comment s’assurer que tous les acteurs respectent ces mesures ? L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) peut jouer un rôle essentiel. Pour l’analyse du contenu des poubelles et des centres de tri afin de détecter les plastiques interdits, par exemple.
L’IA et la gestion des déchets
De nombreuses applications de l’IA dans la gestion des déchets ont déjà été expérimentées. Dans le centre de tri à Lunel-Viel exploité par le groupe Suez, des caméras ont été placées dans la fosse pour filmer le déversement des camions de déchets. Les images capturées sont ensuite analysées par des algorithmes qui détectent les déchets indésirables, permettant ainsi une intervention immédiate des équipes du site pour les retirer. En 2020, Citeo avait retenu plusieurs projets exploitant la reconnaissance d’image et l’IA pour améliorer le tri des déchets. Ces technologies peuvent être intégrées dans les camions de collecte, les centres de tri et les installations de recyclage. Le projet Citi’tri de Simpliciti vise ainsi à automatiser les mesures de la qualité du tri lors de la collecte en développant un dispositif d’IA capable de fournir des informations sur les taux d’erreur de tri par quartier, rue et foyer, permettant d’évaluer l’efficacité des opérations de communication ou de sensibilisation. Ces technologies matures peuvent être utilisées pour s’assurer, de manière « industrielle », que les plastiques jetables ne sont plus utilisés, comme l’impose la loi Agec.
L’affichage environnemental dans le textile
La loi Agec comprend des dispositions sur l’affichage environnemental dans les secteurs de l’habillement et de l’alimentation. L’article 2 de la loi climat et résilience annonce une nouvelle expérimentation de l’affichage environnemental dans le domaine du textile et des chaussures, d’une durée maximale de cinq ans. L’objectif est de mettre en place un système complet d’affichage d’ici la mi-2023, suivi de la publication des décrets réglementaires six mois plus tard. L’affichage environnemental est une démarche visant à informer les consommateurs sur l’impact écologique des produits. Une expérimentation baptisée XTEX a été lancée par le CGDD (Commissariat général au développement durable) et l’Ademe pour tester différentes méthodes d’affichage environnemental. Les partenaires incluent des acteurs de l’industrie textile, tels que l’Union des industries textiles, Loom, la FHCM (Fédération de la haute couture et de la mode), et des initiatives comme La Belle Empreinte, Écoeff Lab, Green Score Capital, Good Fabric, Fairly Made, Tape à l’œil, Clear Fashion et Youkan.
L’expérimentation XTEX et les nouvelles technologies
L’objectif de XTEX est de développer un modèle normalisé d’affichage environnemental pour le textile et l’habillement, prenant en compte tous les aspects, de la production à la fin de vie des produits. Ce modèle devra être transparent et compréhensible pour les consommateurs, les aidant ainsi à faire des choix d’achat plus respectueux de l’environnement. Cette expérimentation est cruciale pour assurer la crédibilité de l’affichage environnemental, en fournissant des données fiables et complètes. Une fois le modèle développé, il pourra être adopté à grande échelle par l’industrie textile, offrant aux consommateurs des informations claires et transparentes pour les guider vers des choix plus durables. Là encore les nouvelles technologies peuvent aider à accélérer la finalité de la loi. FibreTrace est une plate-forme cloud based qui utilise la blockchain pour retracer l’origine des fibres utilisées dans les vêtements, en fournissant des informations sur la provenance, la durabilité et les pratiques agricoles utilisées.
La lutte contre l’obsolescence programmée et l’augmentation de la durée de vie des produits
La loi et les décrets d’application introduisent des mesures pour promouvoir la durabilité et la réparabilité des équipements électriques et électroniques. Depuis le 1er janvier 2021, un indice de réparabilité est affiché dans les magasins et en ligne. À partir du 1er janvier 2024, un indice de durabilité sera progressivement mis en place, remplaçant l’indice de réparabilité. Cet indice prendra en compte des critères tels que la fiabilité et la robustesse du produit. De plus, les fabricants sont tenus de mettre à disposition les pièces détachées dans un délai de 15 jours ouvrables, à partir du 1er janvier 2021. L’utilisation des données sur toute la chaîne est essentielle pour améliorer la durabilité des produits, pour prendre des décisions éclairées sur les matériaux utilisés (et en changer), pour surveiller la chaîne d’approvisionnement et favoriser la collaboration entre les acteurs de la chaîne de valeur (pièces détachées, assembleurs, distributeurs, SAV). L’intelligence artificielle permet également d’optimiser l’utilisation des produits par les clients finaux pour augmenter leur durée de vie. Dans la gamme Home Connect de Bosch, des lave-linges recommandent le programme de lavage adapté à la matière, la couleur, le degré de salissure et la charge des vêtements à laver, détectés automatiquement par les capteurs intégrés. La machine autoparamètre la quantité d’eau, de lessive, la température et la durée de lavage, corrigeant les gestes des utilisateurs pouvant nuire à la durée de vie des produits.
La disparition réelle des invendus et la lutte contre le gaspillage alimentaire
La loi prévoit plusieurs mesures : l’interdiction d’élimination des invendus non alimentaires, entrée en vigueur le 1er janvier 2022 pour les produits sous régime REP (responsabilité élargie des producteurs) et d’ici le 31 décembre 2023 pour les autres. Les secteurs de la distribution alimentaire et de la restauration collective doivent réduire le gaspillage alimentaire de 50 % d’ici 2025, tandis que les secteurs de production-transformation alimentaire et de restauration commerciale doivent réduire leur gaspillage de 50 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 2015.
“Une source d’innovations technologiques, grâce à l’intelligence artificielle.”
Ces dernières années, le numérique et les nouvelles technologies ont foisonné d’innovations dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Orbisk propose une poubelle intelligente qui analyse les déchets alimentaires pour aider les restaurateurs à les réduire. La start-up indienne Spoonshot utilise l’intelligence artificielle et l’analyse de sources multiples pour fournir des données précises sur les habitudes alimentaires, afin d’aider les grandes entreprises à réduire le gaspillage alimentaire. Avec le programme WasteWatch et sa technologie intelligente de mesure des déchets, Sodexo collecte et analyse les données du gaspillage alimentaire dans ses restaurants. Les balances connectées et l’outil d’analyse permettent de fournir des recommandations personnalisées pour réduire le gaspillage. Ce programme a pour objectif de réduire de moitié la quantité de nourriture gaspillée, en identifiant les raisons du gaspillage.
Un art tout d’exécution !
La loi Agec est une loi qui peut transformer en profondeur des secteurs d’activité, contribuer à construire de nouveaux modèles économiques circulaires, dans les limites planétaires. Sa portée peut aller au-delà, en exportant ces nouveaux modèles économiques et en construisant des champions de l’économie circulaire. La première condition à tout cela, c’est qu’elle soit mise en application ! Soit par des modes de contrôle efficaces, soit parce que sa mise en œuvre sera une source d’innovations technologiques, grâce à l’intelligence artificielle.
Mesures déjà en place
- Interdiction de certains produits en plastique à usage unique (assiettes, pailles, gobelets, couverts, cotons-tiges, boîtes en polystyrène expansé).
- Fin de la vaisselle jetable dans les restaurants, notamment les fast-foods, pour les repas consommés sur place.
- Suppression de l’emballage plastique autour des fruits et des légumes qui peuvent être vendus en vrac.
- Déploiement de la signalétique info-tri.
- Généralisation de la collecte des emballages plastiques dans le bac jaune.
- Mise en place de l’indice de réparabilité.
- Obligations pour les fabricants de mettre en ligne les informations détaillées sur les caractéristiques environnementales des produits (pour les textiles par exemple, la traçabilité géographique des étapes de fabrication).
- Interdiction d’éliminer les invendus non alimentaires.
- Mise en place du « bonus réparation » pour les appareils électriques et électroniques.
- Mise en place de la reprise en magasin de plusieurs objets du quotidien : les meubles, les jouets, les articles de sport et de loisirs, les articles de bricolage et de jardinage.
10 mesures à venir entre 2023 et 2025
- Un nouvel indice de durabilité sur les produits électroniques.
À partir de 2024, l’indice de réparabilité devient un indice de durabilité prenant en compte 3 critères : robustesse, fiabilité, évolutivité. Les premiers produits concernés seront les smartphones, les télévisions et les lave-linges. - L’impression des tickets de caisse à la demande pour les petits achats du quotidien, dès le printemps 2023.
- Une nouvelle filière d’économie circulaire pour les emballages professionnels (palettes, films, caisses, etc.).
- Élargir la collecte des emballages, développer la consigne.
- Élargir le déploiement des poubelles de tri dans l’espace public.
- Mise en œuvre d’une stratégie de réduction, réemploi et recyclage des emballages plastiques (stratégie des 3R).
- Mise en place d’une feuille de route 2023–2028 spécifique à la filière textile : mieux collecter, mieux recycler, mieux réparer, développer la deuxième vie des textiles, soutenir
les entreprises vertueuses qui respectent les labels environnementaux. - Développer des solutions de filtres à microfibres plastiques sur les lave-linges pour éviter les rejets de microplastiques qui polluent l’océan.
- Apporter aux Français une solution de collecte des restes alimentaires pour valoriser ces biodéchets en biogaz ou en compost utile pour l’économie circulaire des territoires.
- Déployer des bonus et malus d’écoconception afin d’inciter les fabricants à rendre leurs produits plus durables et plus recyclables.