La loi de programmation militaire (LPM) : techniques et politique
La LPM : que reflète ce sigle qui rythme la vie du ministère des Armées et des industriels du monde de l’armement ? Les lois de programmation militaire, LPM donc, ont été instituées par le général de Gaulle en 1958 afin de donner un cadre pluriannuel pour le développement de la dissuasion, permettant de l’affranchir de la contrainte des annualités budgétaires. Ces lois, d’une durée de cinq à six ans, comportent une prévision de ressources financières par année, des dispositions normatives et un panorama général du contenu associé à ces ressources : équipements, effectifs, normes de préparation opérationnelle (nombre d’heures de vol par pilote, de jours de mer par bâtiment, de journées d’activité du combattant terrestre…).
Même si elles ne sont pas toujours intégralement respectées, elles donnent une référence qui protège les budgets de défense d’à‑coups trop brutaux, pénalisants pour ces investissements de longue durée. L’histoire de la LPM retrace l’évolution de la vision de notre défense depuis 1958 : la période de la guerre froide dominée par la dissuasion, les fameux « dividendes de la paix » après la chute du mur de Berlin, la remontée des budgets avec l’explosion de la menace terroriste. La LPM, votée par le Parlement, est un acte politique.
“La LPM, votée par le Parlement, définit les équilibres entre le court et le moyen terme.”
Le présent dossier présentera les réflexions qui précèdent une LPM, que ce soit la visualisation du contexte géostratégique, concrétisée soit par un Livre blanc, soit par une Revue nationale stratégique, ou la formalisation de ses enjeux par les armées. La LPM 2024–2030, votée par le Parlement à l’été 2023, comprend un effort important pour la dissuasion nucléaire, avec le renouvellement simultané des deux composantes, aéroportée et sous-marine, et poursuit le concept de modèle d’armée complet. Le modèle français est fondé sur une autonomie stratégique qui se décline en la capacité à assurer l’équipement des forces armées (liberté d’approvisionnement, d’utilisation, de modification) et qui repose sur une base industrielle de défense française et européenne. Un industriel présentera l’importance de cette loi sur son activité.
Revenons à la durée des programmes d’armement. Pour la majeure partie d’entre eux, le développement est assez long, car nous recherchons la supériorité technologique et donc la performance. Ainsi le développement de missiles capables d’intercepter les menaces hypervéloces d’aujourd’hui a été lancé il y a une dizaine d’années. Il faut être capable d’anticiper et d’innover, d’autant plus que la France garde ses systèmes d’armes longtemps et, même s’ils bénéficient de rénovations, ils doivent rester capables de contrer les menaces qui naissent. Un des grands équilibres à arbitrer dans les LPM est la part respective entre les grands programmes de longue durée et les projets demandant peu de développement, dits sur étagère, qui serviront les armées d’aujourd’hui mais seront surclassés demain. Les ministres fêtent la livraison des programmes lancés par leur prédécesseur et lancent des projets que leurs successeurs verront arriver dans les forces !