La loi sur l’air et sur l’utilisation rationnelle de l’énergie : un exercice pratique de développement durable
Considérer la nouvelle loi sur l’air comme une étape vers un développement durable peut susciter quelques interrogations, voire chez certains, quelques sourires goguenards. En effet, comment imaginer qu’un outil de droit, contesté par les uns parce qu’il ferait la part trop belle aux lobbies industriels de toutes natures, mais également par ces lobbies parce qu’il créerait de nouvelles contraintes insupportables, permette aux générations futures d’atteindre ce nirvana des temps modernes ?
L’expérience acquise en France pour mettre en oeuvre les principales conventions adoptées à l’occasion de la Conférence de Rio met en évidence qu’on ne peut décemment construire un développement durable par la juxtaposition de quelques mesures isolées. Aussi, une approche d’ensemble s’est avérée progressivement indispensable.
La loi sur l’air ne peut à elle seule apporter toutes les réponses : la fiscalité des énergies est déterminée chaque année lors de la discussion des lois de finances et cette fiscalité a un effet déterminant sur les consommations d’énergie fossile, qui causent près de 90 % des émissions de la plupart des polluants. La nouvelle loi permet toutefois, par son architecture d’ensemble et par ses dispositions, d’ouvrir un ensemble complet de pistes pour mettre en oeuvre les modifications structurelles nécessaires de la société. Ce qui suit doit permettre de s’en convaincre et d’identifier les catalyseurs et les moteurs d’un développement durable, mais également ses “ poisons ”.
Des modes de développement qui ne peuvent pas durer éternellement
Quelques constatations concrètes permettent de se persuader que la pollution atmosphérique atteint des niveaux critiques :
- ses impacts confirmés sur la santé sont et seront de moins en moins acceptés par la population : la pollution atmosphérique au niveau local est désormais associée au mieux à une perte de qualité de vie ou au pire à des pathologies variées ou à une mortalité précoce.
Les résultats convergents de nombreuses études épidémiologiques ne font que le confirmer : ceux de l’étude ERPURS sur l’Île-de- France [1] suggèrent que même des concentrations assez faibles auraient encore un impact important. Certains associent cette nouvelle préoccupation à un effet pervers de la transparence de l’information sur la qualité de l’air – ce sont les mêmes qui ne voient aucun inconvénient au matraquage publicitaire dont les automobiles font l’objet. D’autres l’attribuent uniquement à l’effet inévitable de conditions météorologiques défavorables. Dans tous les cas, ce serait tenter de faire oublier la cause première du mal : les rejets de polluants.
En outre, ce qui est “ durable ”, ou encore acceptable par le public a profondément évolué au cours de cette fin de siècle. Cette évolution étant vraisemblablement irréversible, ce sont donc bien nos modes de développement qui doivent progressivement s’adapter. Le citoyen doit jouer un rôle central pour définir les sacrifices à consentir ; - l’augmentation des concentrations d’ozone dans les basses couches de l’atmosphère et le réchauffement progressif du climat sont autant d’évolutions, dont l’accélération est apparue plus récemment et est régulièrement confirmée par des travaux scientifiques nationaux et internationaux.
Ces travaux deviennent de plus en plus affirmatifs, à l’image des travaux de G. Mégie sur l’ozone [2] ou encore du dernier rapport du GIEC [3] approuvé à Rome en décembre 1995, par la communauté scientifique internationale unanime.
Ces évolutions sont particulièrement inquiétantes car elles résultent de l’accumulation depuis plusieurs décennies de nombreux polluants différents et elles présentent une grande inertie : même l’arrêt instantané – hypothèse irréaliste – de toutes les émissions des activités humaines n’entraînerait que des améliorations limitées à court terme. Ainsi, le climat continuerait à se réchauffer pour plusieurs années, tant que la concentration dans l’atmosphère des gaz à effet de serre ne diminuera pas : quand on sait que les océans relâcheront dans plusieurs dizaines d’années les quantités qu’ils absorbent aujourd’hui, en proportion des concentrations présentes à l’heure actuelle dans l’atmosphère, on se dit que nous risquons d’attendre très longtemps une telle diminution… De même, les concentrations d’ozone continueraient à se situer au delà des seuils de protection de la santé ou de la végétation, déjà dépassés dans certaines régions de France : c’est ce qu’ont mis en évidence les simulations réalisées dans le cadre du programme européen AUTO-OIL , conjointement mené par la Commission, les constructeurs automobiles et les raffineurs européens. -
Le programme AUTO-OIL, achevé en 1995, comporte plusieurs éléments :
• le programme d’étude EPEFE : établissement des relations entre les caractéristiques des carburants, les technologies des moteurs et les émissions ;
• une étude de la situation prévisionnelle de la qualité de l’air en 2010 dans sept villes européennes ;
• une évaluation du coût et de l’efficacité de chacune des mesures techniques et non techniques de réduction.tous ces problèmes sont rendus très complexes par la diversité des consommations d’énergie : diversité des finalités – pour se chauffer, se déplacer, produire de l’acier, de l’aluminium, du papier, du sucre… – mais aussi diversité géographique. À ce propos, il est fréquemment rappelé que si la Chine adoptait des modes de consommation similaires à ceux du Portugal, l’accroissement induit de ses émissions de CO2 aurait pour effet de doubler les émissions mondiales.
En outre, les baisses significatives des prix de l’énergie depuis 1985 ont fait un peu rapidement oublier que les énergies fossiles étaient des ressources épuisables et seront fournies par un nombre de pays de plus en plus limité.
Où trouver meilleur signe d’un développement planétaire non durable, que dans cette fuite en avant, cette débauche mondiale de consommations d’énergie ? N’oublions jamais pour autant que les consommations d’énergie par habitant des pays développés, dont la France, restent encore très largement supérieures à celles des autres pays.
Ainsi, il devenait nécessaire de modifier nos modes de consommation d’énergie, à la fois pour notre bien propre, mais aussi pour celui du village planétaire. C’est l’objectif que se donne la loi sur l’air et sur l’utilisation rationnelle de l’énergie.
La transparence et la démocratie aux sources de la loi
Tant la préparation de la loi que son contenu sont marqués par le souci de faire reposer la lutte contre la pollution atmosphérique sur la dynamique démocratique.
À l’origine, deux événements ont accru la prise de conscience par la population des problèmes de pollution atmosphérique. Tout d’abord, un acte réglementaire a priori anodin : une directive européenne adoptée en septembre 1992, concernant la pollution par l’ozone [4].
Celle-ci abandonnait le principe des directives antérieures relatives à la qualité de l’air, c’est-à-dire la fixation de valeurs limites sans portée réelle, pour lui préférer un système d’information du public en cas de dépassement de certains seuils pouvant avoir un impact sur la santé. Cette directive impose donc aux États membres un devoir de transparence pour ce qui concerne les problèmes de pollution atmosphérique.
Au même moment, le débat national sur l’énergie et l’environnement voulu par le ministre de l’Environnement en 1994 a permis d’échanger de nombreuses idées sur les causes des problèmes environnementaux liés à la consommation d’énergie, notamment la pollution atmosphérique.
Après une telle sensibilisation, on comprendra que lorsque le sénateur Richert proposa dans un rapport parlementaire sur la surveillance de la qualité de l’air [5] qu’une nouvelle loi sur l’air soit élaborée, et qu’à la même époque, les populations, pleinement informées comme l’exigeait la directive « ozone », ont commencé à se préoccuper des pointes de pollution de l’été 1995, le temps était tout naturellement venu d’apporter des réponses, à la fois aux problèmes de court terme, mais aussi à ceux qui concerneront les générations futures.
Une concertation unique en son genre
Dès l’été 1995, le ministre de l’Environnement décida de réunir sous sa présidence un groupe de concertation. Son but : confronter les avis des différents acteurs socio-économiques et essayer de cerner les consensus sur lesquels tous pouvaient se retrouver, mais aussi mettre en évidence les points de divergence lorsqu’il en existait. En parallèle, les mêmes consultations ont été menées avec les différents services administratifs concernés. Ce processus mérite d’être tout particulièrement souligné, dans la mesure où il a été unanimement salué.
Il a mis en évidence quelques phénomènes marquants : les débats au sein du groupe de concertation ont permis d’identifier une large gamme de consensus et ont donc facilité grandement la préparation du projet de loi en lui donnant une assise solide. Toutefois, l’écart entre les consensus qui ont pu se dégager au sein du groupe de concertation et les débats au sein du groupe interministériel devenait, semaine après semaine, caricatural, même sur les points qui ne présentaient qu’un enjeu financier limité…
La mécanique interministérielle actuelle n’est-elle pas une source majeure d’inertie sur le chemin qui mène à un développement durable ? La lecture des futurs décrets de la loi permettra de commencer à en juger.
Toutefois, l’insistance des différents services et cabinets à vider la loi de sa substance sous prétexte d’en renvoyer la discussion aux décrets augure mal d’une collaboration constructive… Il est à espérer que, sur ces textes également, la représentation nationale a encore in fine son mot à dire.
Une approche jacobine qui a fait son temps
Les lois et codes existants (loi sur l’air du 2 août 1961, loi du 10 mars 1948 sur l’utilisation de l’énergie, loi relative aux installation classées du 19 juillet 1976, code de la route) ont pour principale qualité de permettre de réduire efficacement les émissions de polluants par des moyens techniques. Certains d’entre eux comportent des articles formulés de façon très générale et sont donc peu exploitables directement. Toutefois, certains de leurs textes d’application dotent l’État de puissants moyens pour réduire les pollutions des installations fixes, des automobiles… mais en s’attaquant la plupart du temps au rejet “ à la cheminée ”.
S’ils s’avèrent efficaces pour les installations fixes – même si de nouveaux gains y restent encore possibles par des mesures d’économies d’énergie –, il n’en est pas de même pour les véhicules : malgré les progrès techniques réalisés depuis vingt ans pour réduire leurs pollutions, les rejets par le secteur des transports des polluants les plus critiques pour un développement durable et pour la santé (oxydes d’azote, CO2, particules fines…) ont augmenté ou vont de nouveau augmenter dans les prochaines années, du fait de la multiplication des kilomètres parcourus [6]. C’est donc bien en agissant à la fois sur les sources des rejets et sur les sources de consommations d’énergie que l’action devient indispensable.
© DREIF-GOBRY
L’autre principal défaut des lois du 2 août 1961 et du 10 mars 1948 était leur centralisation excessive : alors que la loi du 19 juillet 1976 met la réglementation des installations fixes entre les mains des préfets, les textes d’application de ces deux lois ne pouvaient être, à quelques exceptions près, qu’adoptés au niveau central. Or, depuis les lois de décentralisation, les pouvoirs de police et les décisions d’urbanisme sont entre les mains des maires : comment, dans ces conditions, lutter contre la pollution urbaine, avec des textes qui ne prévoient que des moyens centralisés ?
Pour ce qui concerne les émissions de CO2, leur réduction dans le secteur des transports rencontre deux obstacles : d’une part, peu d’informations sont disponibles sur ces phénomènes au niveau local ; d’autre part, cette centralisation des moyens a pu jusqu’ici être utilisée comme prétexte à ne pas s’en occuper localement. C’est pourtant à cet échelon, également, qu’il sera nécessaire de définir des politiques de réduction des émissions de CO2.
On peut enfin noter que les lois de décentralisation ont “ oublié ” les agglomérations : ainsi, pour tous les problèmes intercommunaux – et nombre de problèmes environnementaux le sont – il a fallu progressivement apporter des solutions adaptées au travers de lois thématiques : eau, déchets… La loi sur l’air devait clairement apporter des réponses à de telles lacunes.
Le contenu de la loi
Première disposition à caractère symbolique et pratique : l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie sont enfin réunis dans une même loi. Symbolique, car la loi fond ainsi une approche “ développement ” avec une approche “ environnementale ” à court et à long terme, nécessaires pour résoudre les problèmes de pollution atmosphérique.
Pratique, car certaines réglementations étaient devenues largement redondantes et dans certains cas contradictoires. Voilà d’ailleurs un point sur lequel la logique administrative cloisonnée était franchement un obstacle à la marche vers un développement durable. Il “ reste ” à faire évoluer également les structures administratives en conséquence.
La transparence, moteur du développement durable : les autorités décentralisées sont d’autant plus actives et motivées sur ces sujets que le public est correctement informé et prend position en conséquence. L’information du public a clairement été à l’origine de la prise de conscience sur les problèmes de pollution atmosphérique. Elle est en outre indispensable à l’acceptation par le public de nouvelles habitudes de déplacements. Elle doit donc être complète et fournie par des organismes indépendants : c’est tout l’objet du titre 1er de la loi.
Celui-ci institue notamment des objectifs de qualité de l’air, véritables références pour l’information diffusée. Il prévoit une information systématique, régulièrement et lors des pointes de pollution, diffusée par des organismes multipartites agréés. Pour accomplir ces missions, le gouvernement a décidé d’apporter des financements pour développer la surveillance de la qualité de l’air, notamment dans les zones non couvertes : tous réalisaient enfin que le manque de moyens avait été le principal point faible de ce dispositif de surveillance.
Des outils de planification au secours du développement durable : l’essentiel de la loi bâtit un ensemble de dispositifs décentralisés pour que les problèmes de pollution atmosphérique soient traités de façon structurelle, suffisamment en amont et au niveau adéquat : les problèmes à résoudre ne sont pas les mêmes à Paris, autour de l’étang de Berre et dans le Massif central et ils ne peuvent pas être résolus par les mêmes personnes, vu la répartition des pouvoirs entre l’État et les différentes collectivités territoriales.
Quoi de plus ridicule qu’une loi ou qu’un décret qui imposerait des “ limitations de circulation ”, alors qu’il est bien évident que de telles limitations ne peuvent être conçues qu’au niveau local, en fonction des problèmes de pollution rencontrés, et ne peuvent être mises en oeuvre que par les maires.
Ces dispositifs sont les suivants :
- des plans régionaux obligatoires pour garantir que les problèmes de pollution soient analysés sur tout le territoire dans chaque région et que des orientations-cadres pour les résoudre soient définies par tous conjointement, afin de guider l’ensemble des acteurs dans les mesures qu’ils devront prendre ;
- des plans de déplacements urbains, visant à la fois les voyageurs et les marchandises, pour que l’ensemble des communes d’une agglomération adoptent des politiques coordonnées d’urbanisme, de circulation, de stationnement, de transports publics et de développement de moyens de transports propres, comme la bicyclette qui a si longtemps fait sourire ; ces plans sont obligatoires dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants ;
- des plans de protection de l’atmosphère, comportant toutes les mesures de police, permanentes ou temporaires, prises par toutes les autorités de police ; ils sont obligatoires dans toutes les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les autres zones polluées.
Bien entendu, les deux derniers dispositifs doivent être compatibles avec les plans régionaux pour que l’ensemble des actions soient cohérentes et qu’elles résolvent effectivement les vrais problèmes. Ils sont cruciaux puisqu’ils contraignent tous les détenteurs de pouvoirs au niveau décentralisé à mettre en oeuvre des actions, soit en amont pour limiter les déplacements ou pour réduire les pollutions atmosphériques, soit lors des pointes de pollution, avec un objectif clair : ramener les concentrations au niveau des objectifs de qualité de l’air.
C’est dans ce cadre, et à l’aide d’une pastille identifiant les véhicules les moins polluants, que seront imposées les futures limitations de circulation de ceux qui polluent le plus. Rappelons que les textes actuels n’imposent aucune obligation directement et ne font que doter le seul État de certaines facultés, plus limitées que celles prévues par la nouvelle loi.
La loi introduit également le lien indispensable entre les “ stocks” et les “ flux ”, c’est-à-dire entre “ urbanisme ” (plans d’occupation des sols) et “ déplacements ” (plans de déplacements urbains) : c’est en agissant sur le développement urbain qu’on aura l’action la plus efficace à long terme sur les déplacements urbains. Toutefois, seule une modification en conséquence du règlement national d’urbanisme (R.N.U.) pourra faire qu’il ne soit permis de construire qu’en limitant les déplacements induits par les nouvelles constructions – on pense en particulier aux commerces et autres activités.
Se déplacer “ plus propre et plus économe” : les objectifs de la loi et de ces dispositifs sont par ailleurs explicités clairement. L’article 1er tant discuté précise que l’objectif de tous est “ la mise en oeuvre du droit reconnu à chacun de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé ”. Quant aux plans de déplacements urbains, ils “ visent à assurer un équilibre durable entre les besoins en matière de mobilité et de facilité d’accès, d’une part, et la protection de l’environnement et de la santé, d’autre part ”.
Ainsi, en quelques mots, il est rappelé que chacune des actions, chacun des plans, devra à la fois viser des objectifs de court terme, mais aussi ce fameux développement durable, qui fait tant défaut aux politiques de déplacements actuelles, qui amalgament souvent “ besoin de se déplacer ” avec “ besoins de nouvelles infrastructures ”. D’ailleurs, l’une des orientations de ces plans de déplacements urbains “ nouvelle formule ” doit porter sur la “ diminution du trafic automobile ” : pour un déplacement équivalent, dix passagers dans un bus ou dans un tramway, ou encore mieux dix cyclistes ou dix piétons, pollueront individuellement toujours moins que dix conducteurs, seuls dans leur voiture.
Le reste de la loi donne de nouveaux moyens techniques pour réduire les pollutions atmosphériques, notamment en prévoyant de nombreuses mesures nouvelles de maîtrise de l’énergie et des incitations fiscales pour les motorisations “ propres ”, au gaz ou électriques.
Il donne de nouveaux moyens de contrôle de la publicité relative à l’énergie ou à des appareils consommateurs d’énergie : le temps n’est pas si éloigné où un constructeur automobile osait vanter les mérites de la climatisation automobile, grosse consommatrice de carburant et émettrice de gaz à effet de serre, justement en garantissant à l’acheteur une protection bien égoïste contre les changements climatiques.
Un début d’approche économique
Enfin, la loi introduit, pour la première fois, l’obligation de faire figurer dans les études d’impact des infrastructures de transport une évaluation de leurs coûts externes : ceux liés à la pollution atmosphérique (locale ou mondiale) font désormais l’objet de quantifications plus affinées.
En effet, il est progressivement possible d’évaluer des ordres de grandeur des coûts pour la santé humaine ou pour les bâtiments des émissions des différents polluants : cela va de quelques dizaines à la centaine de francs par kilogramme de polluants émis pour les effets directement discernables.
Mais la fragilisation de la santé des enfants, encore mal appréhendée, pourrait avoir des conséquences encore plus importantes sur le long terme. De même, ces évaluations sont encore très ouvertes concernant le CO2 : il est difficile d’évaluer de façon suffisamment précise les coûts des conséquences catastrophiques d’un réchauffement climatique, à la fois à l’échelle de la planète et pour toutes les générations futures.
Grâce à cette nouvelle transparence, les décisions publiques ne pourront plus ignorer ces coûts, en l’attente d’une tarification appropriée qui rendrait rentable certaines techniques de réduction des pollutions : la théorie économique postule qu’une des façons d’optimiser le bénéfice de la société dans son ensemble serait de créer une taxe équivalente au coût marginal des dommages causés.
C’est d’ailleurs une des conditions nécessaires à un développement durable. Elle n’est toutefois pas suffisante pour trois raisons : ce serait contraire au principe de précaution que d’attendre d’avoir évalué les dommages d’une pollution pour lutter contre elle suffisamment efficacement ; de plus, c’est une approche franchement technocratique dès lors que les dommages potentiels seraient très importants : c’est pourtant ce qui risque de se passer avec la montée des eaux, l’aggravation des catastrophes naturelles et les modifications des cultures que causerait le changement de climat annoncé ; enfin, son application immédiate susciterait quelques réactions indignées.
On peut illustrer ce dernier point par la prudence infinie avec laquelle la taxe sur le gasoil est augmentée en France, notamment en comparaison avec l’augmentation de cette taxe en Grande-Bretagne, programmée sur plusieurs années à 5% par an. Même les rapports multiples et convergents, qui mettent en évidence que les conducteurs de diesel coûtent cher à la société, voient leur publication parfois ralentie, alors qu’ils seraient à même de contribuer à la pédagogie nécessaire sur un tel sujet.
Combiner “économie”, “pédagogie” et… “pragmatisme”
Ainsi, s’enfermer dans une approche dogmatiquement fiscale ou monétaire du développement durable est inévitablement voué à l’échec. Certains avocats de cette approche la prônent d’ailleurs cyniquement, espérant bien que pour les raisons développées précédemment, rien ne se fera avant longtemps.…
C’est pourquoi les mesures à prendre doivent allier en permanence la “ vérité des coûts ”, au gré de son acceptation par le public, mais aussi des mesures structurelles ou pédagogiques ayant pour but d’atteindre cette vérité des coûts. C’est un tel équilibre que la loi sur l’air a recherché. Pour la première fois, la lutte contre la pollution atmosphérique est abordée de façon exhaustive, c’est-à-dire qu’elle est abordée avec tous les types d’outils envisageables. Elle comporte déjà de nombreuses avancées. De plus, les instruments qu’elle crée pourront être modifiés progressivement pour adapter encore nos modes de développement.