La lutte contre la pauvreté en Chine
En matière de pauvreté, comme sur tant d’autres sujets, la Chine est au premier rang : les victimes de ce qu’on y appelle la « pauvreté absolue » représentent deux fois la population française et leur nombre ne cesse d’augmenter.
La Chine est pourtant le pays où la lutte contre la pauvreté a connu un des plus grands succès dans le monde ces dernières années. Selon le PNUD, la proportion des personnes vivant avec moins d’un dollar par jour en Chine a chuté de 33 % en 1990 à 16 % en 2000. Elle ne serait plus aujourd’hui que de 15 %. La Chine est même le seul pays en développement à avoir réussi à atteindre les objectifs de lutte contre la pauvreté fixés par les Nations Unies. Il n’y aurait plus que 85 millions d’analphabètes contre 180 millions il y a dix ans. C’est donc un formidable succès de la politique globale.
Il n’empêche : la pauvreté est toujours là. Selon les chiffres officiels, plus de 120 millions de gens vivent encore avec moins d’un dollar par jour. Les deux tiers des Chinois n’ont pas les moyens de faire appel à un médecin ; et plus de 200 millions de gens survivent dans une telle misère, dans les campagnes notamment, qu’ils préfèrent perdre tous les avantages sociaux liés à la sédentarité, pour devenir des travailleurs itinérants et tenter de gagner, un peu mieux, leur vie ; quitte à risquer sur les routes l’extrême précarité à laquelle les condamne l’illégalité de leur situation. Et ces nombres devraient augmenter dans l’avenir.
Face à cela, la croissance ne suffira pas à réduire les écarts. Au contraire, même si elle se poursuit au rythme de la dernière décennie elle fabriquera plus de riches, plus de membres de la classe moyenne, mais aussi plus de pauvres, en particulier plus de pauvres urbains, catégorie jusqu’ici inconnue officiellement en Chine. L’entrée dans l’OMC et la restructuration des entreprises publiques enverront au chômage des dizaines de millions d’ouvriers ou d’employés. Il est probable qu’à vingt ans d’ici plus de 400 millions de Chinois auront glissé dans la très grande pauvreté, et qu’ils vivront pour l’essentiel dans les villes.
Les programmes classiques de lutte contre la pauvreté semblent déjà insuffisants devant l’immensité du problème. Ils le seront encore plus dans l’avenir. Les entreprises ne seront pas capables de créer assez d’emplois salariés ; les programmes d’assistance sociale ne seront jamais assez largement financés pour jouer un rôle significatif dans cette lutte. Enfin, les trois quarts des Chinois n’ont pas accès au système bancaire et ne peuvent financer une petite entreprise.
Dans de très nombreux autres pays, une autre technique de lutte contre la pauvreté a montré son efficacité : la microfinance. Sa fonction est d’offrir aux plus pauvres un crédit, sans rien leur demander en échange comme garantie pour leur permettre de créer leur propre emploi, sans attendre du secteur privé qu’il leur offre un travail, ni du secteur public qu’il leur offre une assistance. Ce crédit doit être remboursé avec un intérêt réel.
Là où elle s’est particulièrement développée en Inde, au Bangladesh, en Amérique latine, en Afrique la microfinance s’est révélée efficace contre la pauvreté. En Chine, elle a été longtemps refusée par des bureaucrates réticents devant le développement de l’initiative sociale privée, et de la vie associative, préférant conserver le contrôle des pauvres dans l’orbite de l’État, social et policier. Ces programmes publics subventionnés tiennent plus de l’assistance que de la microfinance car peu d’efforts sont faits pour obtenir le remboursement des prêts. Les taux d’intérêt sont entre 6 % et 10 %.
Depuis peu, l’administration a autorisé, d’abord timidement, puis plus librement, la création de quelques programmes de microfinance pour l’essentiel d’État. Sur les trois cents millions de micro-entrepreneurs potentiels, qui pourraient en bénéficier, quelque six millions y ont accès aujourd’hui, dans six cents comtés, à travers quelque deux cents programmes financés pour l’essentiel par 700 millions de dollars apportés par le gouvernement soit sous forme de projets autonomes, soit sous forme de mise à disposition de crédits par le système bancaire, soit comme partie intégrante de programmes plus globaux de lutte contre la pauvreté.
Certains de ces programmes ont été lancés par des banques en particulier par des coopératives de crédit rural et bénéficient d’expertise étrangère. Ainsi, dans la province de Qinghai, un de ces programmes, assisté par une expertise australienne, permet à la succursale de Haidong de la Banque Agricole Chinoise (ABC) de faire à plus de 20 000 micro-entrepreneurs des prêts subventionnés allant de USD 50 à 250, pour quatre à douze mois. Ce programme semble être sur le point d’atteindre un point d’équilibre.
Ailleurs se sont formés des » Fonds Villageois « , regroupant chacun une quinzaine de personnes autour d’un leader communautaire, chacun apportant USD 25 au groupe ; ces Fonds recevant ensuite des ressources de l’État pour financer les projets des membres par des prêts subventionnés. D’autres programmes copient les méthodes du premier pionnier de la microfinance, la Grameen Bank, au Bangladesh. On les trouve dans 48 comtés de 16 provinces. Mais les méthodes de Grameen, qui supposent des réunions régulières limitées aux seuls entrepreneurs, se sont révélées inadaptées au contexte chinois, où l’administration se mêle de tout et assiste à ces réunions.
Puis d’autres Institutions publiques ont lancé leurs programmes : les Banques Rurales, les coopératives rurales, la Banque Agricole Chinoise, la Poste. Tous apportent, à leur façon, des ressources pour monter de tels programmes, en particulier dans les provinces de Shanxi, Sichuan, Yunnan, Guangxi et Guizhou, où des programmes pilotes se sont montrés particulièrement efficaces. Peu de programmes véritablement autonomes ont vu encore le jour. La plupart restent dépendants de l’État ou de différents démembrements financiers de l’appareil public. Peu appliquent les principes internationaux de la microfinance. Aujourd’hui, l’obstacle principal au développement de la microfinance en Chine tient à la politique de taux d’intérêt trop contrôlée, à l’insuffisance du professionnalisme des Institutions et des cadres, qui ne leur permet pas de tenir tête aux consignes administratives et de gérer leurs affaires de façon autonome.
Pour y remédier, le PNUD a déjà financé une vingtaine de ces projets en y consacrant US$ 19,32 millions, dont $ 8,21 millions comme lignes de crédit et le reste comme assistance technique. Un énorme marché est possible pour la microfinance. Il y a volonté politique et de l’expertise en même temps qu’une nouvelle politique de la Banque Centrale.
PlaNet Finance, en Chine comme ailleurs, aide les Institutions de Microfinance et les administrations responsables à acquérir plus de professionnalisme en matière de microcrédit et en particulier à mieux utiliser les nouvelles technologies bancaires de communication, qui leur permettent de réduire leurs coûts de gestion. Par son action, elle vise à aider la Chine à devenir, à l’égal d’autres pays, le cadre d’un développement de toutes les potentialités créatrices de ses plus pauvres citoyens.