La lutte d’une polytechnicienne pour concilier vie privée et vie professionnelle
Diplômée de la promotion X84, Laure Thibaut a dû lutter tôt dans sa carrière pour que la conciliation de sa vie personnelle et professionnelle soit respectée tant par son employeur que par la société.
Très vite, trop vite après mon entrée dans la vie professionnelle, je me suis retrouvée face à deux injonctions contradictoires : d’une part mon employeur qui, compte tenu de mon CV, s’attendait à ce que je fasse carrière en oubliant toute vie privée et d’autre part ma mairie qui m’a dit – je cite – que j’étais une mère indigne si, avec le nombre d’enfants que j’avais (cinq), je voulais travailler.
Faire évoluer la société
Face à cette situation, refusant de choisir entre vie professionnelle et vie privée, j’ai cherché comment je pouvais participer à l’évolution de la société, pour ne pas être une génération sacrifiée pour rien et parce que je pensais que cela pouvait lui être bénéfique. J’ai alors intégré un syndicat de salariés qui mettait en place le premier réseau visant à promouvoir l’égalité professionnelle. J’ai ainsi participé à des groupes de travail qui ont été force de propositions à partir de 2005 pour le corpus législatif autour de ce sujet, j’ai accompagné en soutien des syndicalistes qui ont négocié des accords professionnels et participé aux délégations de négociation au sein de mon entreprise autour de quatre accords successifs.
Une longue procédure pour plus d’égalité professionnelle
Sachant qu’un sujet avance grâce à des démarches collectives, mais aussi grâce à des dossiers individuels qui servent de jurisprudence, et ayant rencontré une avocate qui avait voué sa vie à ces dossiers, en 2012 j’ai instrumentalisé ma propre situation. En 2018, après trois cours d’appel, un juge de l’exécution et une Cour de cassation, mon employeur est définitivement condamné pour discrimination, alors qu’il avait essayé par tous les moyens de ne pas appliquer le premier jugement de la cour d’appel qui en 2015 le condamnait à me passer cadre supérieur, pour non-application du protocole égalité professionnelle. J’ai finalement quitté l’entreprise.
Pour en revenir à l’École, à mes yeux le fait que l’X soit ouverte aux filles ne sera plus hypocrite le jour où notre société permettra de concilier vie professionnelle et vie privée. Il y a encore beaucoup à faire ; j’y ai pris ma part autant que possible.