La machine Océan est en train de se gripper

La machine océan est en train de se gripper

Dossier : L'océanMagazine N°791 Janvier 2024
Par Marina LÉVY (X89)

Faut-il s’alarmer des dom­mages que nous infli­geons à l’océan ou se réjouir de la pro­tec­tion qu’il nous assure ? Afin de bien appré­hen­der l’ampleur des dérè­gle­ments en cours et de mettre en place des poli­tiques adap­tées, la science est essen­tielle ; elle per­met de com­prendre le fonc­tion­ne­ment de l’océan, cet acteur lent du sys­tème cli­ma­tique qui abrite aus­si une bio­di­ver­si­té incroyable.

Édouard Manet, Sur la plage de Boulogne
Édouard Manet, Sur la plage de Bou­logne Cette toile de 1868 témoigne à la fois du début de l’ère indus­trielle – avec les émis­sions de CO2 visibles dans le fond – le déve­lop­pe­ment du tou­risme bal­néaire, et les uti­li­sa­tions mul­tiples de l’espace mari­time qui se mettent pro­gres­si­ve­ment en place, dans l’indifférence générale.

L’océan est un élé­ment cri­tique d’un monde sain et pro­pice à la vie, dont l’exploration dif­fi­cile forge notre ima­gi­naire et est source d’innovations, tout autant que la conquête spa­tiale. C’est le per­son­nage prin­ci­pal de nom­breuses épo­pées – L’Iliade et L’Odyssée, Vingt mille lieues sous les mers, Moby Dick… L’océan forme une unique et énorme masse d’eau, une machine à la fois méca­nique, ther­mique, chi­mique et bio­lo­gique : un for­mi­dable objet d’étude pour les scien­ti­fiques de toutes dis­ci­plines. Les poly­tech­ni­ciens océa­no­graphes sont d’ailleurs si nom­breux que tous n’ont pu être sol­li­ci­tés pour ce dos­sier. La France ne s’y est pas trom­pée, en pilo­tant le One Ocean Sum­mit, pre­mier som­met inter­national consa­cré à sa préservation.

“La vision d’un océan infini et indestructible appartient au passé.”

Car la machine océan est en train de se grip­per. Sa trans­for­ma­tion visible et rapide en fait désor­mais un triste sujet d’actualité : Le Monde a consa­cré une série esti­vale aux pul­sa­tions de la terre, évo­quant le risque d’un effondre­ment de la folle richesse du cou­rant de Hum­boldt et les consé­quences cata­stro­phiques de l’amplification du phé­no­mène El Niño. Les pres­sions qui pèsent sur la san­té des océans sont mul­tiples : aug­men­ta­tion des tem­pé­ra­tures et aci­di­fi­ca­tion, qui créent un effet domi­no sur la vie marine et ampli­fient inon­da­tions et cyclones tro­pi­caux. Ces pro­blèmes s’ajoutent à d’autres périls tels que la pol­lu­tion et la crois­sance expo­nen­tielle des usages. Les com­mu­nau­tés dépen­dantes de l’océan, par­ti­cu­liè­re­ment vul­né­rables dans les pays en déve­lop­pe­ment, sont menacées. 

Pour­tant, l’océan se dresse comme un rem­part puis­sant contre le chan­ge­ment cli­ma­tique, grâce à sa capa­ci­té consi­dé­rable à sto­cker la cha­leur et le car­bone. Mais la vision d’un océan infi­ni et indes­truc­tible appar­tient au pas­sé. Pro­té­ger l’océan pour qu’il conti­nue de nous pro­té­ger, depuis le lit­to­ral jusqu’aux grands fonds, exige une approche poly-tech­nique et une gou­ver­nance adap­tée. « Com­ment pen­sons-nous la mer ? », s’interroge le phi­lo­sophe Rober­to Casa­ti. « La mer est un conte­nant et un conte­nu en même temps. » Ain­si ces deux aspects doivent être pen­sés ensemble, en pré­ser­vant le conte­nant pour évi­ter l’effondre­ment du contenu.


Le phoptographe, explorateur Alexis Rosenfeld au cours de la mission " 1 Ocean, le grand témoignage sur l'Océan" en Polynésie française. Projet en partenariat avec l'UNESCO
Le phop­to­graphe et explo­ra­teur Alexis Rosen­feld en Poly­né­sie fran­çaise au cours de la mis­sion « 1 OCEAN, le grand témoi­gnage sur l’O­céan » en par­te­na­riat avec l’Unesco.

L’océan en images : Alexis Rosenfeld

Pho­to­graphe et explo­ra­teur sous-marin, Alexis Rosen­feld mène en col­la­bo­ra­tion avec l’Unesco le pro­jet 1 OCEAN.
Il est le cofon­da­teur de la Fon­da­tion 1 OCEAN, sous l’égide de la Fon­da­tion CNRS.
Son tra­vail pho­to­gra­phique pré­sent dans ce dos­sier nous offre une nar­ra­tion de l’océan, un témoi­gnage de ses richesses, de sa beau­té et des menaces qui pèsent sur lui.
Son pro­chain pro­jet, qui débu­te­ra en 2024, aura pour thème « Forêts sous-marines, un enjeu pour l’humanité ».


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