La machine océan est en train de se gripper
Faut-il s’alarmer des dommages que nous infligeons à l’océan ou se réjouir de la protection qu’il nous assure ? Afin de bien appréhender l’ampleur des dérèglements en cours et de mettre en place des politiques adaptées, la science est essentielle ; elle permet de comprendre le fonctionnement de l’océan, cet acteur lent du système climatique qui abrite aussi une biodiversité incroyable.
L’océan est un élément critique d’un monde sain et propice à la vie, dont l’exploration difficile forge notre imaginaire et est source d’innovations, tout autant que la conquête spatiale. C’est le personnage principal de nombreuses épopées – L’Iliade et L’Odyssée, Vingt mille lieues sous les mers, Moby Dick… L’océan forme une unique et énorme masse d’eau, une machine à la fois mécanique, thermique, chimique et biologique : un formidable objet d’étude pour les scientifiques de toutes disciplines. Les polytechniciens océanographes sont d’ailleurs si nombreux que tous n’ont pu être sollicités pour ce dossier. La France ne s’y est pas trompée, en pilotant le One Ocean Summit, premier sommet international consacré à sa préservation.
“La vision d’un océan infini et indestructible appartient au passé.”
Car la machine océan est en train de se gripper. Sa transformation visible et rapide en fait désormais un triste sujet d’actualité : Le Monde a consacré une série estivale aux pulsations de la terre, évoquant le risque d’un effondrement de la folle richesse du courant de Humboldt et les conséquences catastrophiques de l’amplification du phénomène El Niño. Les pressions qui pèsent sur la santé des océans sont multiples : augmentation des températures et acidification, qui créent un effet domino sur la vie marine et amplifient inondations et cyclones tropicaux. Ces problèmes s’ajoutent à d’autres périls tels que la pollution et la croissance exponentielle des usages. Les communautés dépendantes de l’océan, particulièrement vulnérables dans les pays en développement, sont menacées.
Pourtant, l’océan se dresse comme un rempart puissant contre le changement climatique, grâce à sa capacité considérable à stocker la chaleur et le carbone. Mais la vision d’un océan infini et indestructible appartient au passé. Protéger l’océan pour qu’il continue de nous protéger, depuis le littoral jusqu’aux grands fonds, exige une approche poly-technique et une gouvernance adaptée. « Comment pensons-nous la mer ? », s’interroge le philosophe Roberto Casati. « La mer est un contenant et un contenu en même temps. » Ainsi ces deux aspects doivent être pensés ensemble, en préservant le contenant pour éviter l’effondrement du contenu.
L’océan en images : Alexis Rosenfeld
Photographe et explorateur sous-marin, Alexis Rosenfeld mène en collaboration avec l’Unesco le projet 1 OCEAN.
Il est le cofondateur de la Fondation 1 OCEAN, sous l’égide de la Fondation CNRS.
Son travail photographique présent dans ce dossier nous offre une narration de l’océan, un témoignage de ses richesses, de sa beauté et des menaces qui pèsent sur lui.
Son prochain projet, qui débutera en 2024, aura pour thème « Forêts sous-marines, un enjeu pour l’humanité ».