Étymologie :
À propos de mécanique
En tant que science, la mécanique étudie les relations entre les mouvements de la matière et les forces qui s’y exercent. En tant qu’activité humaine, la mécanique est l’art de construire et d’utiliser des machines ou autres dispositifs mécaniques. À ce propos, les mots mécanique et machine proviennent, par le latin, d’un même mot grec dont le premier sens est plus général.
Des mots grecs à l’origine…
Le verbe grec mêkhanan signifie « imaginer », « fabriquer », « causer », et mêkhanê désigne tout « moyen », concret ou abstrait, mis en œuvre pour atteindre un certain but. Ce moyen peut être inventif, ingénieux, et consister en particulier en l’art de construire une machine, comme dans l’expression grecque mêkhanikos tekhnê « technique de construction des machines ». De là, mêkhanê peut désigner la machine elle-même, pour la guerre en particulier (ou aussi la machinerie du théâtre). Ainsi, le traité Mêkhanika, attribué sans certitude à Aristote, porte sur les machines simples (levier, poulie, etc.). Signalons enfin que mêkhanê peut aussi être pris en mauvaise part, quand l’ingéniosité devient ruse, voire machination.
… puis des mots latins, et français
Même à l’époque classique coexistaient en grec plusieurs dialectes. Ainsi, le mot mêkhanê prenait aussi la forme makhana (notamment en dorien, dans le sud de la Grèce). De là deux familles d’emprunts en latin : de mêkhanê est issu mechanica, d’où mechanicus, et de makhana est issu machina « machine », d’où machinalis « relatif à la machine », machinatio « machine, mécanisme » (cf. la partie consacrée aux machines du De Architectura de Vitruve) ou dans l’abstrait « machination ».
En français, on retrouve les deux familles : mécanique, mécaniser… et d’autre part machine, machination… puis aussi machinisme… Les mots mécanique et machine sont donc liés : c’est un machiniste ou un mécanicien (le mécano) qui conduit une machine. De même en anglais mechanics, machine, en italien meccanica, macchina, espagnol mecánica, máquina, allemand Mechanik, Maschine. Quant au Meccano, son nom est international.
En français, les adjectifs mécanique et surtout machinal qualifient tout comportement répétitif, poursuivi sans imagination. Et le comble, c’est l’apparition familière au XIXe siècle du masculin de la machine, le machin, terme aussi péjoratif que peut l’être le mot engin.
Retour aux sources… de l’imagination
Heureusement, la créativité exprimée en grec par mêkhanê conserve toute sa pertinence au vu des formes variées que prend la mécanique dans toutes sortes de domaines : mécanique des fluides, de la dynamique de l’atmosphère à la microfluidique, mécanique des solides (viscoélastiques par exemple), sans parler de mécanique relativiste ou quantique… La biomécanique est aussi source d’innovation. À ce propos, même si l’animal-machine de Descartes n’a plus aucune actualité, quelques noms de machines viennent de noms d’animaux, comme on le voit dans l’épilogue.
Épilogue
En grec, le nom de la grue, l’oiseau, geranos, désignait aussi la machinerie qui soulevait et déplaçait les acteurs au théâtre (cf. le deus ex machina des Romains). En latin, Vitruve a donné le nom de l’oiseau, grus, à un engin de guerre en forme de grue. Ensuite, dans la plupart des langues, l’oiseau a donné son nom à l’engin de levage (anglais, crane, italien, gru…) ou presque (allemand, Kranich et Kran, espagnol, grulla et grú). Un vocabulaire « biomécanique », si l’on ose dire.