La mécanique à l’Ecole polytechnique
La mécanique dans la formation polytechnicienne
À l’occasion de la réforme X 2000, qui a profondément modifié la structure de l’enseignement à l’X, la place de la mécanique dans la formation a été définie ainsi :
» L’objectif général de la formation en mécanique est l’apprentissage des concepts et méthodes permettant de comprendre et décrire les phénomènes physiques qui régissent le comportement mécanique macroscopique des systèmes en sciences de l’ingénieur et en sciences de la nature. C’est aussi l’apprentissage de leur mise en œuvre dans la maîtrise ou la conception de ces systèmes. Cette formation, alliant modélisation et expérimentation, sensibilise les élèves aux préoccupations industrielles. L’offre d’enseignement en mécanique s’adresse donc à tous les élèves en tenant compte de la diversité croissante des profils d’entrée à l’X et de la variété de leurs objectifs professionnels. »
Ces quelques phrases structurent la mission de formation du département. Cette mission se réalise à travers des enseignements très variés dans leur thématique et dans le choix des méthodes pédagogiques.
Les enseignements de mécanique dans le cycle de formation générale pluridisciplinaire, en deuxième année, ont pour objet de présenter les grands concepts de la discipline, sans viser à l’encyclopédisme, et d’assurer aux élèves la maîtrise de méthodes de portée générale. Une place significative est réservée dès cette deuxième année à la mise en œuvre des concepts et méthodes, » l’agir « , notamment par le recours à l’outil numérique et l’approche expérimentale.
Enseignement expérimental sur une soufflerie.
Le cours de mécanique des milieux continus, enseigné par Jean Salençon, introduit les concepts communs aux solides et aux fluides et les illustre à travers une application précise, celle des solides thermoélastiques : on a choisi d’y traiter le cas de la transformation finie avant de procéder aux diverses étapes de la linéarisation classique ; en outre, les principes variationnels, fondements des méthodes de résolution numérique actuelles, sont présentés. Pour fixer l’acquisition de ces concepts et en illustrer la portée, les élèves sont confrontés à des situations de » mise en œuvre « . Cet enseignement long, fondamental pour tous ceux qui sont proposés ultérieurement aux élèves, est choisi par près de 300 élèves.
L’enseignement de mécanique des fluides, choisi par 150 élèves (Patrick Huerre) vise à fournir les concepts et méthodes propres à la dynamique des écoulements en établissant un dialogue entre observations expérimentales et modélisation mécanique. L’approche inductive se trouve particulièrement privilégiée dans les modules expérimentaux de mécanique (90 élèves), l’observation constituant alors le point de départ de la réflexion théorique et de la modélisation.
À titre d’exemple, on peut citer des modules expérimentaux sur l’effet de la houle sur un obstacle, l’écoulement autour d’un aileron, la réalisation et le test de structures composites ou les vibrations d’un immeuble sous séisme. Les cours d’aérodynamique compressible (Antoine Sellier) et de dynamique et vibrations (Emmanuel de Langre) complètent cette formation aux concepts fondamentaux.
Ainsi, dans cette deuxième année à caractère pluridisciplinaire, la mécanique se présente aux élèves comme une formation fondamentale, très variée. De fait, dès cette première année de mise en place de la réforme X 2000, plus de 80 % des élèves ont choisi au moins un de ces modules. La mécanique est également très présente dans les projets pendant lesquels les élèves approfondissent en équipe de six un sujet scientifique ou technique de leur initiative, tout au long de l’année. Les enseignants et chercheurs du département encadrent ainsi le quart de la promotion sur des sujets comme la dynamique des avalanches ou la simulation du trafic routier.
Laboratoire d’hydrodynamique :
éclatement tourbillonnaire.
Les enseignements de mécanique du cycle de formation approfondie, en troisième année, ont pour objectif de montrer comment on peut construire, à partir des concepts acquis en deuxième année, des modélisations avancées, dans les domaines des matériaux et des structures, de la dynamique des fluides, du calcul scientifique ou de la géophysique. Le département joue ainsi un rôle moteur dans trois majeures interdisciplinaires, qui regroupent les enseignements pendant un trimestre sur une thématique.
La majeure de mécanique, constituée de deux options au choix, matériaux et structures et dynamique des fluides, fait l’objet d’une collaboration avec le département de physique. Elle vise à présenter les approches conceptuelles les mieux adaptées à l’étude d’une grande gamme d’échelles, depuis le réseau atomique jusqu’aux très grandes structures et aux écoulements géophysiques. Des enseignements d’approfondissement permettent un travail personnel encadré sur un projet expérimental, numérique ou bibliographique dans des domaines tels que l’acoustique ou la biomécanique.
La majeure sciences de l’ingénieur, simulation et modélisation, animée conjointement avec le département de mathématiques appliquées, est destinée à familiariser les élèves à la mécanique numérique, qui joue un rôle croissant dans le savoir-faire de l’ingénieur. Plutôt qu’un enseignement générique de méthodes numériques, on choisit d’aborder la simulation à partir de thématiques précises telles que la combustion ou les interactions fluide-structure. Là encore, les élèves doivent appliquer ces concepts dans la mise en œuvre d’un logiciel de calcul scientifique avancé.
Enfin, les départements de physique et de mécanique collaborent dans la majeure intitulée Planète Terre proposant une approche globale du système Terre : géophysique interne, dynamique des océans et de l’atmosphère, dynamique du climat et lien avec les problèmes d’environnement.
Approximativement un tiers des élèves choisit de suivre un ou plusieurs de ces modules de spécialisation à forte composante mécanique. Il s’agit là d’une proportion importante, régulièrement croissante depuis plusieurs années. Ceci traduit un goût marqué de beaucoup d’élèves pour les applications de la mécanique dans des domaines aussi divers que l’aéronautique, la biomécanique, le génie civil ou la météorologie, et leur souhait de trouver dans leur formation une continuité entre les concepts fondamentaux et les applications.
Le département offre également un large éventail de sujets de stages de recherche couvrant l’environnement, les matériaux et structures, la biomécanique, l’aérodynamique, l’acoustique et les vibrations. Ces stages scientifiques portent sur des sujets tels que l’interaction entre pipe-line et fond marin et se déroulent pour plus de la moitié à l’étranger.
Laboratoire de météorologie dynamique : température et vents simulés.
Le département participe activement à l’enseignement de 3e cycle au travers de sept diplômes d’études approfondies (DEA) en lien avec les universités et les grandes écoles parisiennes : dynamique des fluides et des transferts, dynamique des structures et couplages, mécanique et matériaux, mécanique des sols et des ouvrages dans leur environnement, océanologie, météorologie et environnement et enfin solides, structures et systèmes mécaniques.
Les enseignements de mécanique se distinguent clairement par leur volonté d’ouverture, tant du point de vue des domaines d’applications que des thématiques ou des approches pédagogiques. Cette ouverture est à l’image d’un corps enseignant qui rassemble une cinquantaine de professeurs issus d’horizons variés, chercheurs aussi bien qu’industriels, d’organismes français et étrangers. Ainsi, John Willis, professeur à l’université de Cambridge, enseigne les matériaux et structures composites et Javier Jimenez, professeur à l’université de Madrid, enseigne le cours de tourbillons et turbulence.
Les liens des enseignants avec le monde industriel permettent de proposer aux élèves des conférences faites par des industriels qui viennent illustrer les multiples applications de la mécanique et des visites de sites industriels. Cette année, Germain Sanz (63), directeur recherche-développement à Usinor, est venu présenter aux élèves de mécanique les liens entre » Innovation technologique et choix industriels » tandis que Jean-Marc Thomas, directeur technique et industriel du groupe EADS, développait le thème » Aéronautique et mécanique : l’innovation au service de l’avantage compétitif « . Ces liens entre le corps enseignant et le monde académique et industriel, très importants en mécanique, jouent un rôle essentiel dans l’aide à l’orientation des élèves.
La recherche en mécanique
Lorsqu’en 1961 l’École donna la possibilité à Jean Mandel (26), qui venait d’être nommé professeur, de créer un laboratoire, elle avait déjà le souhait de fournir une structure d’accueil à un enseignant. C’est évidemment un rôle qu’ont conservé et développé les trois laboratoires qui appartiennent au département d’enseignement et de recherche en mécanique, le Laboratoire de mécanique des solides (LMS), le Laboratoire d’hydrodynamique (LadHyX) et le Laboratoire de météorologie dynamique (LMD).
En effet 15 enseignants de mécanique à l’École, dont 4 professeurs, appartiennent à ces laboratoires qui regroupent environ 200 chercheurs sur le site de Palaiseau. Ces laboratoires fournissent un environnement scientifique aux nombreux modules expérimentaux, sont lieu d’accueil de stages de recherche et permettent à des élèves de compléter leur formation par un doctorat.
Laboratoire de mécanique des solides :
mesure de microdéformations.
Les trois laboratoires du département de mécanique effectuent des recherches théoriques, numériques et expérimentales.
Le LMS travaille sur les matériaux et les structures de l’industrie et du génie civil, souvent à travers des partenariats avec des entreprises. Ses grands thèmes de recherche sont actuellement le passage du microscopique (quelques microns) au macroscopique (quelques centimètres) dans le comportement des matériaux, le comportement non linéaire, la fatigue et la rupture des matériaux et des structures, la modélisation des interfaces et de l’usure, la mécanique des sols, des roches et des structures géologiques.
Les travaux du LadHyX concernent la dynamique des fluides fondamentale, pour des applications aux écoulements rencontrés dans la nature et dans l’industrie. Ils portent sur l’instabilité et la transition vers la turbulence dans les écoulements ouverts, la dynamique des écoulements géophysiques, l’interaction fluide-structure.
Le LMD a pour objet de recherche la compréhension des climats terrestres et planétaires. Il mène des études fondamentales sur les mécanismes de la turbulence atmosphérique, des études expérimentales à grande échelle par exemple sur la couche limite urbaine, ou les précurseurs de tempêtes, et construit des modèles de comportement de l’atmosphère à grande échelle qui, couplés à des modèles d’océans, lui permettent de simuler le climat sur des centaines ou des milliers d’années.
La qualité des recherches en mécanique à l’École contribue à son image internationale, et attire vers les laboratoires d’éminents professeurs et chercheurs étrangers. Ces recherches contribuent également aux liens de l’École avec le milieu industriel et à la prise en compte des questions d’environnement.
Quelques défis pour l’avenir de la mécanique à l’X
La formation en mécanique doit en permanence se renouveler, aussi bien dans l’enseignement des concepts fondamentaux que dans celui des applications.
Pour les concepts fondamentaux, un défi important est celui de l’innovation pédagogique : les élèves polytechniciens forment un public bien différent de celui d’il y a seulement dix ans, par leur forme d’esprit, la variété de leur cursus et de leurs aspirations.
Pour les enseignements de spécialisation, c’est un corps enseignant fortement impliqué dans la recherche et l’industrie qui permet d’offrir des formations dans des domaines pertinents.
On peut citer à titre d’exemple le nouvel enseignement sur les systèmes micro-électromécaniques (MEMS), domaine industriel en forte expansion, mis en place après le séjour sabbatique d’un enseignant chercheur à l’étranger.
Cette formation doit aussi s’ouvrir et se diversifier encore, en proposant des cursus qui aient un sens pour des étudiants étrangers ou français sélectionnés en dehors du concours, en valorisant la connaissance des laboratoires par des cours de niveau doctoral et en formation continue. C’est là que tous les liens entre enseignement et recherche en mécanique à l’École prendront leur sens et porteront leurs fruits.
L’activité de recherche en mécanique s’inscrit naturellement dans ce mouvement, et en est même souvent à l’origine. La compétition internationale lui impose une exigence de qualité et de réactivité. Les équipes et les thématiques doivent en permanence évoluer, avec un souci d’excellence.
La mécanique est une science qui a une longue histoire, riche en concepts et féconde en applications. C’est aussi une science qui se renouvelle constamment, qui explore de nouveaux domaines, qui développe de nouvelles techniques. La mécanique à l’École polytechnique ne suit pas seulement cette évolution, elle y contribue activement par son offre de formation et sa recherche.