La mesure des plaisirs
Conviés par le président du groupe X‑Touraine, Michel Blusseau, nous sommes une quinzaine dans le grand escalier du palais archiépiscopal devenu musée des Beaux-Arts de la ville de Tours, prêts pour la visite de l’exposition temporaire, La Volupté du goût – La peinture au temps de Madame de Pompadour. Pour cette incursion dans les siècles passés, nous avons la chance d’être accompagnés par Ghislain Lauvergeat, conférencier-guide, qui termine une thèse sur l’Histoire de l’Art. Notre guide nous entraîne vers les salons du musée tendus de soieries de Tours où cinquante tableaux de grands maîtres du XVIIIe siècle font escale.
Une Europe consentante
Au-delà du choc que reçoit le visiteur face à une œuvre – affaire très personnelle – M. Lauvergeat choisit plusieurs tableaux pour nous donner des clés de lecture ; ainsi devant L’Enlèvement d’Europe de Pierre, prêté par le musée de Dallas, attire-t-il notre regard sur la spartiate dénouée d’Europe ; ce nœud défait n’est pas dû à la seule précipitation du départ mais bien au fait qu’Europe est consentante. Sourire des spectateurs qui notent en passant que le taureau a l’air bien débonnaire !
De même un tableau prêté par le musée de Dijon Le Repos de Colson, la scène paisible de la jeune fille endormie près du chat et de l’oiseau peut être interprétée différemment : le chat et l’oiseau ne sont-ils pas plutôt des signes de menace pour la virginité de la jeune fille ? Et nous continuons la visite… M. Lauvergeat nous invite à regarder autrement ; les tableaux » simples » ont leur mystère, il y a des codes ! En deux heures, il est difficile de transmettre aux visiteurs le foisonnement, le bouillonnement de ce Siècle des lumières où la marquise de Pompadour (mal aimée à son époque) eut un rôle déterminant. Nous la remercions en passant devant son portrait signé Drouais.
L’oeil et l’esprit
Dans cette exposition, consacrée au bon goût, notion nouvelle au XVIIIe siècle, les tableaux témoignent de l’intérêt porté à la vie quotidienne avec le très connu L’Accordée au village de Greuze, les natures mortes de Chardin, les bergeries de Lancret, La Lingère d’Hubert Robert, la chienne et ses chiots d’Oudry et tant d’autres de grand intérêt.
Nous avons laissé de côté les querelles entre Anciens et Modernes (la critique d’art est née à cette époque) pour trouver une vraie joie, celle du plaisir de l’oeil et de l’esprit indissociables. Montesquieu l’a bien exprimé dans L’Encyclopédie (article Goût) : » Il est bon de connaître la source des plaisirs dont le goût est la mesure. »
La visite est terminée. Il fait un froid glacial en cet hiver, mais dans les jardins du musée nous avons la mine réjouie de ceux qui ont » le bon goût » de dire merci pour cette visite de qualité.