La microfinance à l’épreuve du terrain
L’Association X‑MicroFinance, créée par des élèves de la promotion 2005, a fait son galop d’essai au Guatemala. Le flambeau s’est transmis aux promotions suivantes. Cette année, trois cents prêts d’une centaine d’euros pourraient être accordés. En partenariat avec des étudiants de Sciences-po, l’Association vient aussi d’organiser les premières rencontres de la microfinance.
Plusieurs X de la promotion 2005 ont créé il y a deux ans l’Association X‑MicroFinance avec deux objectifs principaux : d’une part sensibiliser le monde étudiant et le grand public à cette activité et d’autre part lancer un IMF (Institut de microfinance) dans un pays en voie de développement.
La notion même de prêt est souvent étrangère aux populations intéressées
Le » microcrédit » consiste à prêter des sommes minimes mais très importantes pour les bénéficiaires. On estime à plus de quatre-vingt-dix millions le nombre de personnes qui bénéficient de l’aide du microcrédit et à au moins cinq cents millions de personnes la taille du marché potentiel. L’idée a donc frayé son chemin en sachant habilement se dissocier de l’aide humanitaire, parfois critiquée pour les réponses essentiellement ponctuelles qu’elle apporte aux crises et l’habitude de l’assistanat qu’elle tend à répandre. Elle veut être un véritable outil du développement durable tant prôné en ce début de siècle.
Du mont-de-piété au microcrédit
La microfinance et son dérivé le plus commun, le microcrédit, sont dûs à Muhammad Yunus, qui reçut le prix Nobel de la paix. Il tenait là une idée simple, mais révolutionnaire pour l’époque (il y a trente ans déjà). Il pensait qu’une grande partie des problèmes rencontrés par les paysans pauvres du Bangladesh résultait de la grande difficulté d’accès aux capitaux des plus démunis dont les lopins de terre n’assuraient pas une solvabilité suffisante. D’où son programme de microcrédit » Grameen » – la future Grameen Bank – qui distribue des microprêts aux défavorisés. Cette nouvelle pratique reprenait l’idée oubliée des monts-de-piété, prêts à taux faibles ou nuls en faveur des plus démunis, qui se sont développés dans l’Italie de la Renaissance.
Un été au Guatemala
L’initiative de la promo 2005 a été l’occasion de quitter, l’espace d’un été, le cocon rassurant des beaux mots et des belles théories pour se confronter aux maux bien pratiques de la réalité. Guidés peut-être par un esprit un peu aventurier, c’est sur la terre maya, encore rougie d’une récente et trop longue guerre civile qui déchira les Guatémaltèques, que Loïc Watine et Nicolas Meunier distribuèrent leurs premiers microcrédits grâce aux subventions qu’ils avaient récoltées pendant l’année. Leur projet rencontra un vif succès sur place et ils durent même refuser de nombreux emprunts faute de fonds suffisants.
Relever le défi humain
Mais l’aventure ne devait pas s’arrêter à la fin de l’été : il s’agissait de suivre les remboursements à distance, depuis le Plateau de Palaiseau et de contacter régulièrement les responsables d’associations locales qui soutiennent l’initiative et qui ont apporté à l’Association – et continuent de le faire – leur précieuse connaissance du terrain et des gens. C’est une exigence fondamentale que celle de connaître les gens et leur culture lorsque l’on travaille dans une IMF. Et les trois pionniers ont su relever ce défi humain également. La tentation est grande – sans doute – de fouler ces terres lointaines avec nos sabots d’Occidentaux et nos bonnes intentions mais quelques expériences seulement suffisent à se plier aux traditions locales : la ponctualité qui déjà n’est qu’un vain mot pour certains étudiants de l’X n’est plus qu’une vague abstraction dans les campagnes du Guatemala et la notion même de prêt est étrangère à certains de nos » clients « . D’où l’importance accordée aux présentations générales et individuelles du projet qui prennent place dans les villages intéressés ; la pédagogie est de mise, surtout quand les interventions orales se font en espagnol devant un public qui parle le quekchi ou un autre dialecte amérindien. Fort heureusement les chefs de village assurent la traduction et le relais entre nos créditeurs et nous.
La solidarité villageoise
Pendant l’année qui a suivi cette première expédition, le contact a été maintenu avec les responsables des associations qui nous soutiennent afin d’assurer un suivi des prêts et de nous tenir au courant de la situation au Guatemala et dans les villages en particulier. Le flambeau a été peu à peu repris par des élèves de la promotion 2006 qui partirent l’été dernier suivre la trace de leurs aînés et récolter certaines sommes manquantes. Il a fallu changer certains responsables locaux inefficaces ou dont les habits n’évoquaient pas toujours la probité candide. Se rendre compte également que certains villageois ne savent ni lire ni écrire et qu’il s’avère donc difficile de leur faire remplir le questionnaire de demande de prêts ; là encore la solidarité villageoise résout bien des problèmes.
Considérant que cette première année était probante les 2006 décidèrent de poursuivre l’aventure et de passer les rênes à la promo 2007 en ce début d’année. Les nouveaux se préparent donc à partir cet été avec des fonds de crédit qui auront au moins triplé par rapport à la première année. Autant d’autres clients potentiels en perspective.
Trois cents prêts cette année
Avec peut-être 25 000 euros de fonds (estimation considérant que toutes les promesses de subventions se réaliseront), on espère pouvoir toucher environ 300 clients : les prêts s’échelonneront de 50 euros (environ 500 quetzals, la monnaie locale) à 150 euros selon l’ancienneté du client et le bon remboursement des prêts précédents, la qualité de son projet et sa capacité à rembourser.
Ces sommes en apparence dérisoires permettent en fait de financer des projets très variés (achat d’une chèvre, de semences, d’ustensiles agricoles, etc.) qui, dans la majorité des cas, contribuent à l’élévation du niveau de vie. Le recours au crédit solidaire (prêt global à un groupe de personnes qui s’assurent les unes les autres) permet normalement de pallier les éventuels défauts de remboursement.
Les rencontres de la microfinance
X‑MicroFinance a organisé, en partenariat avec l’ESPOM (Étudiants de Sciences-po pour la microfinance) les premières Rencontres de la microfinance (RMF) à l’École militaire le 20 avril dernier. L’objectif était d’aborder certaines questions épineuses de la microfinance, à savoir la combinaison » impact social, pérennité financière « , la protection des clients et l’impact de la crise sur le secteur, autour de tables rondes réunissant des spécialistes du domaine. Des investisseurs de divers horizons ont été invités afin de rapprocher un peu les deux mondes qui ont vraiment besoin l’un de l’autre ; le sous-titre des rencontres souligne bien cette constatation : » Concilier ambition sociale et rentabilité « . Cette journée a rencontré un franc succès et les remarques des différents participants (entre 70 et 80) incitent vivement à renouveler l’expérience l’année prochaine en visant un public plus large.