La mondialisation et l’industrie pharmaceutique
D’un point de vue politique, la mondialisation peut s’analyser également comme un système de pouvoir détenu par des organisations internationales qui contrôleraient le marché, les entreprises et leurs clients. L’ordre économique mondial se serait ainsi reformé autour de nouveaux arbitres comme l’Organisation mondiale du commerce ou le Dialogue transatlantique (TABD).
Penser global, agir local
Sur la vie de l’entreprise, la mondialisation intervient comme un nouveau mode de partage des compétences à l’échelle planétaire et une prise en compte plus importante du client destinataire. Cette nouvelle répartition des rôles s’est traduite par l’externalisation accrue des moyens afin de bénéficier des savoir-faire et des expertises mondiales.
Ainsi, plus l’entreprise se mondialise, plus son centre de décision se resserre donnant plus de pouvoir et d’initiative aux centres de décision périphériques proches des marchés, plus proches des clients, plus proches des instances de pouvoir local. Plus l’entreprise devient anonyme et virtuelle masquée par un logo ou une image et plus grande est la nécessité pour elle d’être proche de ses clients.
Penser global, agir local est devenu le paradigme à atteindre. Cependant, cette proximité et ce nouveau pouvoir du client ont généré aussi un contre-pouvoir qui a pris toute son ampleur avec le développement des nouvelles techniques de communication. Si l’entreprise s’est appuyée sur ces nouveaux outils pour fonctionner plus rapidement et être plus proche de ses clients, ces derniers les ont aussi utilisés comme instrument de contrôle et même de pression sur ces entreprises.
Car il y a dorénavant une interaction croissante des événements, des opportunités et des choix stratégiques dans un espace de moins en moins cloisonné. Selon une image connue, avec les nouveaux moyens de communication, un vol de papillon dans la baie de Sydney peut provoquer un ouragan dans l’Himalaya. Cette accélération de l’information et de la communication est donc autant une source de pouvoir qu’un risque permanent de déstabilisation pour le pouvoir lui- même.
La rapidité de ce mouvement a donc imposé aux structures habituelles de management une nouvelle organisation.
La flexibilité, la réactivité sont devenues des règles de base pour la conduite des organisations aussi bien dans le domaine des ressources que dans celui des procédures.
L’entreprise mondialisée doit être capable de prendre des risques dans ses investissements pour les déplacer si besoin et en même temps elle doit être suffisamment souple pour générer de la créativité, de l’imagination pour rester entreprenante. Il est devenu essentiel de pouvoir répondre le plus vite possible à un besoin sans remettre en cause ni la totalité de sa structure ni la pérennité de ses ressources financières.
La recherche au centre de la stratégie
L’industrie pharmaceutique est au cœur de ce mouvement car le champ d’activité a dépassé toutes les frontières et envahit les marchés dits émergents d’Europe de l’Est ou d’Asie. La fin du XXe siècle a été marquée par les fusions, les absorptions, les concentrations.
Hématies, fausses couleurs. © INSTITUT PASTEUR
Les plus importantes ont touché des groupes pharmaceutiques qui étaient déjà en position de leader sur les marchés : Astra et Zeneca, Glaxo-Wellcome et SmithKline Beecham, Rhône-Poulenc et Hoechst, Sanofi-synthelabo, Monsanto et Pharmacia Upjohn…
La motivation première des regroupements est la capacité à investir dans de nouveaux domaines de recherche et de développement. Les dix premiers groupes pharmaceutiques mondiaux dépensent ainsi chaque année plus de 70 milliards de francs en recherche et développement.
Le prix d’entrée d’une molécule sur le marché est aujourd’hui de plus de 3 milliards de francs. Seules les entreprises disposant de réserves financières conséquentes peuvent dorénavant se permettre de rivaliser sur des marchés ouverts et de plus en plus exigeants mais peuvent aussi supporter les échecs inhérents à toute recherche.
Cette nouvelle donne internationale a eu des conséquences majeures pour les patients qui bénéficient dorénavant plus rapidement des nouveaux traitements.
La mondialisation a ainsi conduit les entreprises à innover plus rapidement. Parallèlement les autorités de santé ont internationalisé les procédures d’enregistrement ce qui a accéléré la mise sur le marché des nouveaux médicaments. Cette procédure a également permis d’harmoniser les règles de sécurité sanitaire qui pesaient sur le médicament et de les renforcer s’il était besoin.
Il reste néanmoins de nombreux progrès à accomplir. Sur un plan économique, la mondialisation doit encore démontrer qu’elle peut être un avantage pour les pays les plus pauvres. Sur un plan éthique, la mondialisation nécessite également un meilleur contrôle de l’information thérapeutique notamment sur le réseau Internet.
Une mauvaise interprétation d’une étude médicale menée sur un continent, un trop vif enthousiasme sur des résultats cliniques peuvent créer de faux espoirs ou de fausses inquiétudes.
L’Organisation mondiale de la santé s’est notamment inquiétée de ce phénomène et a même envisagé de créer un label » santé » afin de réguler cette masse d’informations. Ce label n’a pas encore été autorisé par les instances internationales chargées de réglementer les adresses Internet, mais le projet ne semble pas abandonné pour autant. Enfin, le gigantisme des entreprises ne doit pas leur faire oublier leur dimension humaine.
Qu’il s’agisse du fonctionnement de l’entreprise ou de sa finalité, cette dimension est aussi une des conditions de son développement.