La mutation de l’espace résidentiel urbain en Chine
Dans les années 1950, le gouvernement a attaché une grande importance au développement du secteur industriel, plaçant au second plan la question du logement et de la qualité de vie.
À partir de 1980, l’État a accéléré le rythme de construction de logements afin de lutter contre la pénurie. En même temps, il a réformé le système des logements affectés en encourageant par des subventions l’accession à la propriété.
Son intervention a permis à des habitants d’accéder à la propriété de leur logement.
REPÈRES
Sous le régime des logements affectés, c’est l’unité de travail qui attribuait un logement au travailleur. Cette unité, en chinois Danwei, était une organisation spécifique du lieu de travail dans le contexte du socialisme d’État. Elle prenait en charge les fonctions d’organisation et de contrôle social. La situation générale se caractérisait par une grave pénurie de logements et une grande difficulté pour la plupart des citadins à se loger.
La conception et la production de logements obéissaient au modèle de l’unité de voisinage soviétique. Le format standard avait remplacé le modèle traditionnel. Ce type d’habitat, dit village ouvrier (Gongren xincun), s’est développé à cette époque. Le standard en matière de logement était de 4m2 par habitant et de 50 à 60m2 par ménage. On a alors poussé à la standardisation de la forme et des composants du logement. Des équipements collectifs ont été aménagés. En 1978, la surface moyenne par habitant était tombée à 3,6 m2.
Une période de transition
Le logement est devenu un produit commercial négocié sur le marché
Or, le logement n’était pas alors un produit commercial, il n’était pas encore entré sur le marché. En 1984, le gouvernement chinois a engagé une réforme du régime d’économie planifiée en se fondant sur la propriété publique.
Les mutations politiques et économiques ont ouvert à la société chinoise une période de transition. Le logement est enfin devenu un produit commercial négocié sur le marché.
Les barres et les tours
Le processus de production s’est fondé sur des typologies de base de logements. Le mode de vie des habitants a été pris en compte dans la conception du logement. Afin d’économiser le foncier, des barres et des tours ont commencé à sortir de terre. Ils constituaient alors, et constituent encore aujourd’hui, la principale forme d’habitat urbain.
Depuis les années 1990, le Fonds public d’aide au logement (Zhufang gongjijin) a été progressivement mis en place. En 1992, le gouvernement chinois a proposé de substituer au régime d’économie planifiée celui d’économie socialiste de marché.
La réforme de 1998
En 1998, une réforme du logement a été instaurée dans les villes. Elle visait à remplacer l’affectation des logements par un régime commercial : la production, l’échange, l’attribution et la vente des logements devaient désormais relever d’une logique marchande. La gestion du foncier a aussi profondément changé, passant d’un régime d’allocation gratuite à une politique de baux fonciers.
Afin de résoudre les difficultés de logement des ménages à moyens et faibles revenus et d’encourager la consommation sur le marché immobilier, l’État a promu la construction de logements économiques (jingji shiyong fang). En 2007, la volonté de promouvoir ce régime a été confirmée avec l’objectif de répondre aux besoins de relogement après expropriation. Ce fut du reste une des mesures phares qui permirent la résolution de la crise du logement.
La location à prix modéré
Les années 1997 et 1998 marquent un tournant dans la politique du logement, avec le démarrage du secteur immobilier.
En 2006, les priorités du logement économique sont passées de l’accession à la propriété à la location aux ménages à faibles revenus. Il se développe désormais en ce sens. Logement locatif à loyer faible (lianzu fang), logement économique locatif et logement à prix modéré (xianjia fang) composent un système de protection sociale du type « aide à la pierre ».
La mise en œuvre de ces politiques a clairement résolu les difficultés du logement en Chine.
L’urbanisation promeut l’économie
L’espace urbain peut stimuler l’économie par les ressources qu’il lui apporte et les capitaux qui s’y investissent. L’expansion spatiale des villes, y compris de l’espace résidentiel, est devenue le moteur de la croissance rapide de l’économie, tout en façonnant la structure urbaine.
Dans la Chine en transition, l’urbanisation favorise le développement économique. Le modèle selon lequel le développement économique promeut l’urbanisation s’est transformé en modèle selon lequel, à l’inverse, c’est l’urbanisation qui promeut le développement économique.
C’est la raison pour laquelle, tout au long des dernières années, l’espace urbanisé n’a cessé de s’étaler, au prix d’une utilisation extensive du foncier.
Shanghai la nuit
Redistribution et exploitation
Une série de réformes du système économique, du système financier, du régime foncier et de la politique du logement a conduit à des changements significatifs en matière de production et de consommation d’espace résidentiel.
Le mode de production de l’espace résidentiel influe sur la distribution des ressources et l’équilibre des intérêts dans le processus de transition. La combinaison d’orientations politiques et de financements constitue un modèle original de production d’espace résidentiel.
Celle-ci s’est transformée sous l’effet des cinq facteurs suivants : le mécanisme dynamique, les promoteurs, le financement, l’obtention du titre foncier et l’organisation technique. Les gouvernements locaux, selon une approche entrepreneuriale, prennent le contrôle des ressources spatiales des villes et interviennent directement dans leur redistribution et leur exploitation. La production d’espace résidentiel favorise le développement économique et lui est intimement liée.
Des disparités entre quartiers
Aujourd’hui, la Chine fait toujours face à des problèmes qui se traduisent par des disparités régionales et par de grandes différences au sein même des villes entre quartiers en termes d’environnement, d’équipements éducatifs et de santé, de services quotidiens, de conditions de logement et de niveau culturel des habitants.
Ainsi, la ville de Shanghai a connu des améliorations considérables en matière d’environnement et de qualité de l’habitat. La surface moyenne par habitant y est passée de 4,3 m2 en 1978 à 6,6 m2 en 1990, 11,8 m2 en 2000, 17,2 m2 en 2009 et 17,5 m2 en 2010.
Un système de protection sociale du type « aide à la pierre »
Le mode d’habitat urbain a changé. L’environnement, l’architecture et la forme de l’habitat ont été améliorés. Avec la construction de nouveaux logements en périphérie, les difficultés de logement héritées de l’époque précédente ont été atténuées.
Comme beaucoup de villes, Shanghai a fait face à différentes époques de son histoire à des problèmes de logement, notamment au cours du siècle dernier où la mutation sociale a brutalement contribué aux bouleversements de la vie sociale.
Une migration en périphérie
Dans cette ville, qui est la plus peuplée de Chine, l’espace résidentiel est toujours un des points durs du développement urbain. Dans le processus de décongestion progressive du centre-ville, la migration en périphérie de la population a des effets continus sur l’espace urbain : les espaces résidentiels sont en train de se disperser.
L’étalement urbain que la ville avait voulu éviter tout au long de ces dernières années est devenu réalité. L’utilisation du foncier se révèle moins efficace. La tendance à l’expansion urbaine en tache d’huile est nette. La forme de l’espace résidentiel au sein de l’espace urbain est non seulement celle de la vie, mais aussi sociale, économique et culturelle.
Dans la transition de l’économie planifiée vers l’économie de marché et la construction massive, les formes de l’espace résidentiel sont devenues d’une grande diversité.