La mutation de l’espace résidentiel urbain en Chine

Dossier : Le logement, un enjeu de sociétéMagazine N°681 Janvier 2013
Par Shiling ZHENG

Dans les années 1950, le gou­ver­ne­ment a atta­ché une grande impor­tance au déve­lop­pe­ment du sec­teur indus­triel, pla­çant au second plan la ques­tion du loge­ment et de la qua­li­té de vie.

À par­tir de 1980, l’État a accé­lé­ré le rythme de construc­tion de loge­ments afin de lut­ter contre la pénu­rie. En même temps, il a réfor­mé le sys­tème des loge­ments affec­tés en encou­ra­geant par des sub­ven­tions l’accession à la propriété.

Son inter­ven­tion a per­mis à des habi­tants d’accéder à la pro­prié­té de leur logement.

REPÈRES
Sous le régime des loge­ments affec­tés, c’est l’unité de tra­vail qui attri­buait un loge­ment au tra­vailleur. Cette uni­té, en chi­nois Dan­wei, était une orga­ni­sa­tion spé­ci­fique du lieu de tra­vail dans le contexte du socia­lisme d’État. Elle pre­nait en charge les fonc­tions d’organisation et de contrôle social. La situa­tion géné­rale se carac­té­ri­sait par une grave pénu­rie de loge­ments et une grande dif­fi­cul­té pour la plu­part des cita­dins à se loger.
La concep­tion et la pro­duc­tion de loge­ments obéis­saient au modèle de l’unité de voi­si­nage sovié­tique. Le for­mat stan­dard avait rem­pla­cé le modèle tra­di­tion­nel. Ce type d’habitat, dit vil­lage ouvrier (Gon­gren xin­cun), s’est déve­lop­pé à cette époque. Le stan­dard en matière de loge­ment était de 4m2 par habi­tant et de 50 à 60m2 par ménage. On a alors pous­sé à la stan­dar­di­sa­tion de la forme et des com­po­sants du loge­ment. Des équi­pe­ments col­lec­tifs ont été amé­na­gés. En 1978, la sur­face moyenne par habi­tant était tom­bée à 3,6 m2.

Une période de transition

Le loge­ment est deve­nu un pro­duit com­mer­cial négo­cié sur le marché

Or, le loge­ment n’était pas alors un pro­duit com­mer­cial, il n’était pas encore entré sur le mar­ché. En 1984, le gou­ver­ne­ment chi­nois a enga­gé une réforme du régime d’économie pla­ni­fiée en se fon­dant sur la pro­prié­té publique.

Les muta­tions poli­tiques et éco­no­miques ont ouvert à la socié­té chi­noise une période de tran­si­tion. Le loge­ment est enfin deve­nu un pro­duit com­mer­cial négo­cié sur le marché.

Les barres et les tours

Le pro­ces­sus de pro­duc­tion s’est fon­dé sur des typo­lo­gies de base de loge­ments. Le mode de vie des habi­tants a été pris en compte dans la concep­tion du loge­ment. Afin d’économiser le fon­cier, des barres et des tours ont com­men­cé à sor­tir de terre. Ils consti­tuaient alors, et consti­tuent encore aujourd’hui, la prin­ci­pale forme d’habitat urbain.

Depuis les années 1990, le Fonds public d’aide au loge­ment (Zhu­fang gong­ji­jin) a été pro­gres­si­ve­ment mis en place. En 1992, le gou­ver­ne­ment chi­nois a pro­po­sé de sub­sti­tuer au régime d’économie pla­ni­fiée celui d’économie socia­liste de marché.

La réforme de 1998

En 1998, une réforme du loge­ment a été ins­tau­rée dans les villes. Elle visait à rem­pla­cer l’affectation des loge­ments par un régime com­mer­cial : la pro­duc­tion, l’échange, l’attribution et la vente des loge­ments devaient désor­mais rele­ver d’une logique mar­chande. La ges­tion du fon­cier a aus­si pro­fon­dé­ment chan­gé, pas­sant d’un régime d’allocation gra­tuite à une poli­tique de baux fonciers.

Afin de résoudre les dif­fi­cul­tés de loge­ment des ménages à moyens et faibles reve­nus et d’encourager la consom­ma­tion sur le mar­ché immo­bi­lier, l’État a pro­mu la construc­tion de loge­ments éco­no­miques (jing­ji shiyong fang). En 2007, la volon­té de pro­mou­voir ce régime a été confir­mée avec l’objectif de répondre aux besoins de relo­ge­ment après expro­pria­tion. Ce fut du reste une des mesures phares qui per­mirent la réso­lu­tion de la crise du logement.

La location à prix modéré

Les années 1997 et 1998 marquent un tour­nant dans la poli­tique du loge­ment, avec le démar­rage du sec­teur immobilier.

En 2006, les prio­ri­tés du loge­ment éco­no­mique sont pas­sées de l’accession à la pro­prié­té à la loca­tion aux ménages à faibles reve­nus. Il se déve­loppe désor­mais en ce sens. Loge­ment loca­tif à loyer faible (lian­zu fang), loge­ment éco­no­mique loca­tif et loge­ment à prix modé­ré (xian­jia fang) com­posent un sys­tème de pro­tec­tion sociale du type « aide à la pierre ».

La mise en œuvre de ces poli­tiques a clai­re­ment réso­lu les dif­fi­cul­tés du loge­ment en Chine.

L’urbanisation promeut l’économie

L’espace urbain peut sti­mu­ler l’économie par les res­sources qu’il lui apporte et les capi­taux qui s’y inves­tissent. L’expansion spa­tiale des villes, y com­pris de l’espace rési­den­tiel, est deve­nue le moteur de la crois­sance rapide de l’économie, tout en façon­nant la struc­ture urbaine.

Dans la Chine en tran­si­tion, l’urbanisation favo­rise le déve­lop­pe­ment éco­no­mique. Le modèle selon lequel le déve­lop­pe­ment éco­no­mique pro­meut l’urbanisation s’est trans­for­mé en modèle selon lequel, à l’inverse, c’est l’urbanisation qui pro­meut le déve­lop­pe­ment économique.

C’est la rai­son pour laquelle, tout au long des der­nières années, l’espace urba­ni­sé n’a ces­sé de s’étaler, au prix d’une uti­li­sa­tion exten­sive du foncier.

Shanghai la nuit
Shan­ghai la nuit

Redis­tri­bu­tion et exploitation
Une série de réformes du sys­tème éco­no­mique, du sys­tème finan­cier, du régime fon­cier et de la poli­tique du loge­ment a conduit à des chan­ge­ments signi­fi­ca­tifs en matière de pro­duc­tion et de consom­ma­tion d’espace résidentiel.
Le mode de pro­duc­tion de l’espace rési­den­tiel influe sur la dis­tri­bu­tion des res­sources et l’équilibre des inté­rêts dans le pro­ces­sus de tran­si­tion. La com­bi­nai­son d’orientations poli­tiques et de finan­ce­ments consti­tue un modèle ori­gi­nal de pro­duc­tion d’espace résidentiel.
Celle-ci s’est trans­for­mée sous l’effet des cinq fac­teurs sui­vants : le méca­nisme dyna­mique, les pro­mo­teurs, le finan­ce­ment, l’obtention du titre fon­cier et l’organisation tech­nique. Les gou­ver­ne­ments locaux, selon une approche entre­pre­neu­riale, prennent le contrôle des res­sources spa­tiales des villes et inter­viennent direc­te­ment dans leur redis­tri­bu­tion et leur exploi­ta­tion. La pro­duc­tion d’espace rési­den­tiel favo­rise le déve­lop­pe­ment éco­no­mique et lui est inti­me­ment liée.

Des disparités entre quartiers

Aujourd’hui, la Chine fait tou­jours face à des pro­blèmes qui se tra­duisent par des dis­pa­ri­tés régio­nales et par de grandes dif­fé­rences au sein même des villes entre quar­tiers en termes d’environnement, d’équipements édu­ca­tifs et de san­té, de ser­vices quo­ti­diens, de condi­tions de loge­ment et de niveau cultu­rel des habitants.

Ain­si, la ville de Shan­ghai a connu des amé­lio­ra­tions consi­dé­rables en matière d’environnement et de qua­li­té de l’habitat. La sur­face moyenne par habi­tant y est pas­sée de 4,3 m2 en 1978 à 6,6 m2 en 1990, 11,8 m2 en 2000, 17,2 m2 en 2009 et 17,5 m2 en 2010.

Un sys­tème de pro­tec­tion sociale du type « aide à la pierre »

Le mode d’habitat urbain a chan­gé. L’environnement, l’architecture et la forme de l’habitat ont été amé­lio­rés. Avec la construc­tion de nou­veaux loge­ments en péri­phé­rie, les dif­fi­cul­tés de loge­ment héri­tées de l’époque pré­cé­dente ont été atténuées.

Comme beau­coup de villes, Shan­ghai a fait face à dif­fé­rentes époques de son his­toire à des pro­blèmes de loge­ment, notam­ment au cours du siècle der­nier où la muta­tion sociale a bru­ta­le­ment contri­bué aux bou­le­ver­se­ments de la vie sociale.

Une migration en périphérie

Dans cette ville, qui est la plus peu­plée de Chine, l’espace rési­den­tiel est tou­jours un des points durs du déve­lop­pe­ment urbain. Dans le pro­ces­sus de décon­ges­tion pro­gres­sive du centre-ville, la migra­tion en péri­phé­rie de la popu­la­tion a des effets conti­nus sur l’espace urbain : les espaces rési­den­tiels sont en train de se disperser.

L’étalement urbain que la ville avait vou­lu évi­ter tout au long de ces der­nières années est deve­nu réa­li­té. L’utilisation du fon­cier se révèle moins effi­cace. La ten­dance à l’expansion urbaine en tache d’huile est nette. La forme de l’espace rési­den­tiel au sein de l’espace urbain est non seule­ment celle de la vie, mais aus­si sociale, éco­no­mique et culturelle.

Dans la tran­si­tion de l’économie pla­ni­fiée vers l’économie de mar­ché et la construc­tion mas­sive, les formes de l’espace rési­den­tiel sont deve­nues d’une grande diversité.

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