La navigation par satellite à l’heure européenne : Egnos et Galileo
Pour beaucoup la navigation par satellite s’identifie à l’acronyme américain GPS. Pourtant la Russie, la Chine, l’Inde, le Japon, l’Europe ont développé et développent de tels systèmes. L’Europe est présente avec Egnos et Galileo : Egnos améliore la précision du GPS. Galileo, système de navigation indépendant du GPS, assure une indépendance stratégique à l’Europe.
Sous la forme d’un petit appareil accroché derrière le pare-brise, le GPS envahit notre quotidien. L’appareil détermine sa position en calculant la distance qui le sépare de plusieurs satellites de la constellation GPS. Ce système développé par le ministère de la Défense américain s’est irréversiblement inséré dans notre vie, à la manière d’Internet ou des téléphones portables, suscitant quelques interrogations. Une coupure totale du service par les militaires américains n’est pas à craindre, car les civils américains, à commencer par l’aviation, sont les premiers à en avoir besoin. En revanche une dégradation locale est possible.
La confiance d’un automobiliste dans le GPS est accrue par les algorithmes du navigateur embarqué qui positionnent le véhicule sur la route par défaut et lissent la trajectoire. Cela augmente l’impression de précision, mais celle-ci est rapidement mise en défaut lorsque la voiture emprunte une sortie d’autoroute alors que l’écran indique qu’elle roule toujours sur la voie rapide. Que penser alors des usages mettant en jeu la vie des personnes : avions, bateaux, trains, route ?
Repères
Le ministère de la Défense américain a ouvert son service de GPS au public sous le président Reagan, suite au drame du B‑747 de la Korean Airlines abattu par un chasseur soviétique Su-15 le 1er septembre 1983 parce qu’il survolait par erreur l’espace aérien soviétique (269 morts !). En mai 2000, le président Bush permit l’ouverture de ce service sans dégradation volontaire, la Selective Availability, qui limitait la précision à une centaine de mètres. Cette décision était liée à l’utilisation massive de récepteurs civils par les troupes américaines lors de la guerre du Golfe et à l’essor de systèmes de correction de type Egnos ou DGPS. Enfin le 19 septembre 2007, le ministère de la Défense a annoncé officiellement que la Selective Availability ne serait plus possible avec les satellites de prochaine génération GPS III.
Les limites du GPS
Le service GPS peut être dégradé par des erreurs au niveau du satellite ou liées à la diffusion des signaux. Des solutions existent pour réduire celles-ci.
Même si le GPS fournit certains services gratuits, il n’est pas inutile de développer des systèmes concurrents. Par analogie Microsoft Internet Explorer est » gratuit » et néanmoins concurrencé par Firefox, gratuit lui aussi. La concurrence est moteur d’innovation ; la gratuité n’interdit pas la concurrence.
La concurrence est moteur d’innovation
L’aviation civile tirerait beaucoup de la navigation par satellite, mais ne peut se contenter d’utiliser le GPS seul. Quelle serait la responsabilité du gouvernement américain et de son ministère de la Défense, dans un accident d’avion lié à une défaillance du GPS ? L’Europe ambitionne de pallier les défauts du GPS avec d’une part Egnos qui fournit aujourd’hui un service ouvert et n’attend plus que la certification pour l’ouverture de services aéronautiques ; d’autre part Galileo, système qui assurera une couverture mondiale, indépendante du GPS.
Egnos trace la route
Les performances d’Egnos
Quatre mots-clés caractérisent le système : précision mesurée par la différence entre positions réelle et estimée ; continuité définie par la probabilité que le système soit disponible à l’instant suivant (elle est particulièrement importante pour les avions en phase d’approche) ; intégrité, représentée par le degré de confiance qu’un utilisateur peut avoir dans la position calculée et exprimée comme la probabilité que la position réelle sorte du niveau de protection requis ; et enfin disponibilité.
Egnos détecte les défaillances du GPS et en avertit dans un temps très court un utilisateur n’importe où en Europe. Pour cela, il dispose d’un réseau de 34 stations réceptrices qui comparent leurs positions calculées grâce au GPS avec leurs positions préalablement connues pour en déduire une erreur locale. Elles transmettent ces données à des calculateurs déterminant des corrections à appliquer par un utilisateur n’importe où quelle que soit sa localisation en Europe. Ces corrections sont transmises par l’intermédiaire de 3 satellites géostationnaires avec une redondance permettant une grande disponibilité. Le système Egnos est actuellement déployé en Europe et son signal est diffusé depuis plus de trois ans. Il n’a souffert aucune interruption depuis un an.
Ce n’est pas tant le gain en précision horizontale que celui en précision verticale et la garantie de fiabilité qui font les atouts d’Egnos. D’ailleurs le besoin d’augmentation du GPS n’est pas lié à des craintes européennes : en effet les Américains ont développé le système WAAS, qui apporte sensiblement les mêmes services qu’Egnos, pour les besoins de l’Aviation civile américaine (FAA).
La dernière version d’Egnos fournit d’excellentes performances, comme le confirme la campagne de tests conduite au printemps 2008 : aucune perte d’intégrité, une précision horizontale et verticale moyenne meilleure que le mètre au centre de l’Europe (précision largement meilleure que pour le GPS seul pendant ces tests).
L’ESSP (European Satellite Services Provider), fournisseur du service Egnos dont le siège est installé à Toulouse, est responsable d’obtenir et de maintenir sa certification auprès de la Direction générale de l’aviation civile française (DGAC). L’objectif de ce processus de certification est l’utilisation d’Egnos comme moyen de navigation dans différentes phases de vol parmi lesquelles les procédures d’atterrissage des avions. Autrement dit, une fois Egnos certifié, un avion pourra voler aux instruments, avec un récepteur Egnos en faisant de moins en moins appel aux moyens classiques de radionavigation.
Télépéage pour poids lourds
La loi d’orientation du Grenelle Environnement 1 prévoit une taxe kilométrique pour les poids lourds en France pour réduire les impacts environnementaux et financer des actions de développement durable. Celle-ci fait partie du projet de loi de finances pour 2009. La mise en place d’une solution technique mêlant des portiques sans contacts et des systèmes de navigation par satellite permet de répondre aux attentes de l’État et aux directives européennes d’interopérabilité (2004÷52). Avec un seul terminal utilisateur embarqué, le système déployé bénéficie de la couverture géographique, la précision, la fiabilité, la robustesse grâce à Egnos aujourd’hui et à Galileo demain.
Egnos dès à présent utilisé
Des utilisateurs professionnels n’hésitent pas à utiliser le signal Egnos avant sa certification. Pour les délicates manoeuvres d’accostage dans un port, les pétroliers et cargos font appel aux services d’un pilote. Les pilotes du port autonome de Saint-Nazaire et des ports maritimes de Dunkerque, Le Havre-Fécamp utilisent quotidiennement des » valises de positionnement » recevant le signal Egnos.
Pour l’Europe, la certification d’Egnos constitue une grande première : la certification d’un système de Communication, Navigation ou Surveillance (CNS) paneuropéen.
Galileo offre de nouveaux services
Un enjeu environnemental et énergétique
La navigation par satellite permet d’optimiser les trajectoires, d’aider là la gestion des flottes, de réduire les encombrements, de mettre en place des éco-taxes sur les poids lourds.
Le programme Galileo soulève une question récurrente : pourquoi et comment concurrencer le GPS, un service gratuit ? Si la Russie avec Glonass, la Chine avec Compass ont développé et développent encore leurs propres systèmes, ce n’est sans doute pas pour rien.
Le GPS offre deux services distincts : un service ouvert utilisé par le grand public dans le monde entier, et un fermé, crypté réservé aux militaires américains et alliés. De son côté, Galileo propose cinq services permettant une utilisation plus variée de la navigation par satellite : un service ouvert (OS), analogue au GPS ouvert, un service commercial (CS), un service de sauvegarde de la vie (SOL), un service public réglementé (PRS), un service de recherche et sauvetage (SAR).
Ces quatre derniers services pourront générer des revenus, mais pour autant, il ne faut plus penser que les revenus directs permettront de financer de façon significative le développement ou les opérations de Galileo. La fin de la Concession Galileo et du partenariat public-privé en 2007 a été la matérialisation de cette prise de conscience.
Egnos et Galileo sont maintenant à juste titre considérés comme des infrastructures publiques, financées par les institutions publiques, pour le bénéfice macroéconomique de l’Union européenne. Dans ces conditions, un tel programme dont les revenus sont essentiellement indirects n’est pas suffisamment rentable pour des investisseurs privés.
Un avion pourra voler aux instruments avec un récepteur Egnos
Les phases de déploiement de Galileo et d’exploitation d’Egnos sur cinq ans représentent 3,4 milliards d’euros soit moins de 1,5 % du coût total des trente grands » projets prioritaires » de réseaux de transports trans-européens (et la moitié du coût moyen d’un seul de ces projets) de l’Union européenne dont le coût total s’élève à 225 milliards d’euros.
La phase de développement et validation a révélé des problèmes de financements. Elle est maintenant relancée sur financements publics seuls (ESA et Union européenne) sous la maîtrise d’ouvrage de l’ESA. Après les satellites de test Giove-1A et Giove-1B, quatre satellites de la constellation sont en construction pour un lancement en 2010.
Un projet emblématique et un enjeu stratégique
Applications scientifiques de la navigation par satellite
GPS, Egnos et Galileo sont des outils privilégiés d’investigations scientifiques. Après un premier colloque à Toulouse, un second se tiendra en octobre 2009 afin de bénéficier au mieux de ces signaux gratuits et permanents : propagation des ondes, mesures différentielles, mesures des signaux directs et réfléchis, géodésie, etc.
Aujourd’hui Galileo constitue, dans la continuité d’Ariane, un pilier de la politique spatiale européenne. Il représente un véritable défi pour la politique européenne, permettant le contrôle d’une infrastructure vitale pour l’indépendance et la souveraineté de l’Europe. Galileo constitue également un levier de développement économique (avec des applications innovantes dans de nombreux secteurs) et technique (avec des technologies nouvelles pour l’industrie européenne, notamment des récepteurs et des horloges), qui sert de référence pour tout autre programme européen.
Galileo assurera une compatibilité avec le système actuel GPS. En augmentant le nombre de satellites en orbite, Galileo augmente la couverture satellitaire et améliorera ainsi la précision. D’autre part les satellites de génération plus récente auront des performances plus grandes, bénéficiant du retour d’expérience d’Egnos. Des défis techniques s’offrent pour Egnos comme pour Galileo. Pic ionosphérique, multi-trajet, problèmes de réception dans des canyons urbains.
Des retombées économiques liées à l’utilisation du système
Les services de navigation proposés permettent par l’optimisation de trajectoires, par la gestion de flottes… de réduire les coûts énergétiques et les émissions polluantes. La navigation par satellite peut être couplée avec d’autres systèmes pour offrir des services intégrés toujours plus variés, avec des systèmes satellites d’observation de la Terre, avec des réseaux de téléphones mobiles (GSM).
Acronymes
APV 1 : Approach with Vertical Guidance de niveau 1.
CNS-ATM : Communication, Navigation, Surveillance, Air Trafic Management.
DGAC : Direction générale de l’aviation civile.
DGPS : Differential GPS.
EGNOS : European Geostationary Navigation Overlay System.
ESA : European Space Agency.
ESSP : European Satellite Services Provider.
ILS : Instrument Landing System.
LPV200 : Localizer Performance with Vertical guidance at 200 feets.
WAAS : Wide Area Augmentation System.