La nouvelle génération des chercheurs sur l’hydrogène
La première École d’hiver sur l’hydrogène s’est tenue à l’École polytechnique à l’automne 2023. Cet événement de l’Alliance des universités d’EuroTech a été une plateforme complète pour les 30 doctorants qui y ont participé, les plongeant dans les technologies de l’hydrogène bas carbone avec une perspective multidimensionnelle. La seconde aura lieu aux Pays-Bas en 2024.
L’École d’hiver de l’Alliance des universités EuroTech, réunissant six institutions majeures de science et technologie, à savoir la Technical University of Denmark, l’École polytechnique fédérale de Lausanne, l’Institut Polytechnique de Paris, le Technion–Israel Institute of Technology, l’Eindhoven University of Technology et la Technical University of Munich, s’est tenue sur le campus de l’Institut Polytechnique de Paris en octobre l’année passée. Sous le thème « Accélérer l’hydrogène : vers des technologies de production, stockage et conversion durables », en tant que doctorants de l’École polytechnique-Ensta, nous avons organisé cet événement pour rencontrer nos pairs de ces six universités partenaires autour d’échanges riches, tables rondes avec des spécialistes de l’hydrogène et visites des sites industriels. Allant au-delà du simple discours universitaire, le séminaire a offert des perspectives approfondies sur les défis et les possibilités de l’hydrogène en tant que vecteur énergétique essentiel. (Voir EuroTech Universities Alliance, « EuroTech Universities Alliance. » https://eurotech-universities.eu/.)
Une chaîne de valeur viable et durable
Le choix méticuleux des conférences, des visites industrielles et des discussions a permis de démontrer le rôle crucial que peut jouer l’hydrogène à faible teneur en carbone pour relever les défis pressants du changement climatique et de la durabilité environnementale. L’accent mis sur le contexte géoéconomique et géopolitique de la chaîne de valeur de l’hydrogène montre la reconnaissance des implications mondiales et des efforts collaboratifs nécessaires pour naviguer dans les complexités d’un avenir énergétique durable.
Premier segment de la chaîne : la production
L’exploration de la production d’hydrogène lors de l’École d’hiver, couvrant les aspects scientifiques fondamentaux jusqu’aux percées technologiques, témoigne de son engagement à favoriser une compréhension globale parmi la prochaine génération de chercheurs. En se plongeant dans des sujets de pointe tels que l’électrolyse de l’eau par membrane échangeuse de protons, l’événement propulse des avancées dans les technologies d’hydrogène propre qui ont le potentiel de remodeler le paysage énergétique. Ces percées technologiques ont été mises en avant à travers des conférences données par le directeur de recherche et le CEO d’Elogen, Pierre Millet et Jean-Baptiste Choimet respectivement. Les étudiants ont également visité leur installation de production, où la conception et l’optimisation des piles d’électrolyseurs à membrane échangeuse de protons ont été présentées. La diligence et la persévérance des membres de l’équipe ont inspiré les doctorants à redoubler d’efforts dans leurs recherches pour soutenir la technologie de production d’hydrogène.
Lire aussi : Déployer l’hydrogène décarboné à grande échelle pour un avenir plus durable
Le reformage à sec du méthane
Ensuite, lors de l’intervention de l’ingénieur de recherche Olivier Guaitella (Laboratoire de physique des plasmas à l’École polytechnique), nous avons exploré l’intégration du plasma non thermique dans le reformage à sec du méthane, qui marque une percée dans la révolution de la production d’hydrogène.
Alors que la réaction est thermodynamiquement favorisée à des températures élevées, l’utilisation de ce plasma partiellement ionisé permet d’effectuer cette réaction à des températures plus basses, défiant ainsi les contraintes thermodynamiques, améliorant l’efficacité énergétique et réduisant les pertes thermiques. Sa production sélective d’hydrogène minimise les sous-produits, en s’alignant sur les objectifs de durabilité et réduisant les émissions de gaz à effet de serre. Polyvalente car accueillant diverses sources de méthane, du gaz naturel au biogaz, elle offre une approche inclusive et durable.
L’utilisation du plasma non thermique améliore l’efficacité de l’activation du méthane. Cette innovation ouvre la voie au développement d’une économie intégrée d’hydrogène et de dioxyde de carbone, ainsi que la possibilité de recycler le méthane, un gaz à effet de serre. La production d’hydrogène offre également la possibilité d’une conversion en carburants synthétiques, renforçant ainsi l’aspect durable de cette avancée.
L’hydrogène blanc
Enfin Dan Lévy, postdoctorant de l’Institut de physique du globe de Paris, nous a présenté ses travaux de recherche portés sur une récente découverte, l’hydrogène blanc ou, autrement appelé, l’hydrogène naturel. Présent sous forme gazeuse dans le sous-sol terrestre, l’hydrogène blanc est formé naturellement à partir de mécanismes chimiques tels que l’altération hydrothermale des métaux composés de fer ou encore la radiolyse de l’eau.
Au cours de ces dernières années, des études préliminaires menées sur les puits d’hydrogène ont montré que celui-ci n’était pas seulement stocké dans le sous-sol, mais en constante production du fait des réactions chimiques qui s’y déroulent sans interruption et sur une courte échelle de temps. Ce point est d’un intérêt primordial car il sous-entend que ces puits sont des sources à hydrogènes naturels inépuisables. Néanmoins, comme indiqué au cours de la présentation, l’hydrogène n’a ni couleur ni odeur, donc ces gisements restent difficiles à trouver avec les moyens actuels.
De plus, l’hydrogène gazeux est souvent mélangé à d’autres gaz comme l’azote ou l’hélium, ce qui implique une étape supplémentaire pour l’isoler avant de le stocker. Toutefois, les découvertes récentes de nouveaux gisements de taille importante incitent les chercheurs à approfondir leurs recherches dans ce domaine prometteur.
Au-delà de la chaîne de valeur : une dernière transformation
Au-delà de la production, la couverture de l’aval du programme, y compris la conversion et les applications, dévoile l’écosystème plus large dans lequel l’hydrogène peut catalyser le changement. La synthèse des connaissances d’experts tels que le professeur Alon Grinberg Dana de Technion (Institut de technologie d’Israël) élargit non seulement les horizons intellectuels des participants, mais met également en lumière l’impact multidimensionnel de l’hydrogène dans divers domaines. Lors de son intervention, il a présenté des conclusions importantes sur les carburants aéronautiques durables (SAF). Il a exposé une méthodologie novatrice pour générer et affiner automatiquement des modèles cinétiques chimiques prédictifs. De plus, il a proposé un schéma d’apprentissage actif pour la prédiction du temps de retard à l’allumage dans les mélanges. Ces avancées sont importantes pour améliorer la compréhension et la conception des carburants aéronautiques durables.
De la théorie à la pratique
Les visites industrielles à Elogen et Engie élèvent l’École d’hiver au-delà du discours théorique, fournissant une connexion tangible aux applications du monde réel. Observer des piles d’électrolyseurs à membrane échangeuse de protons et interagir avec la recherche industrielle offrent une compréhension pragmatique des défis et possibilités liés aux solutions apportées par l’hydrogène. En somme, cette immersion a permis d’explorer les nuances et les défis spécifiques du secteur privé, ainsi que les dynamiques de recherche en transition dans ces deux milieux, mettant en lumière les synergies potentielles entre les recherches universitaire et industrielle.
“Une connexion tangible aux applications du monde réel.”
La visite du synchrotron SOLEIL, organisme à la frontière entre les recherches universitaire et industrielle, est venue compléter l’École d’hiver en proposant aux doctorants de découvrir, par l’intermédiaire de chercheurs, les techniques expérimentales uniques offertes par cet instrument aux avancées technologiques remarquables. Au cours de cette journée, les étudiants ont pu voir l’ensemble des aspects techniques du synchrotron, des détails de son infrastructure à son principe de fonctionnement, mais aussi s’immerger dans la journée d’un chercheur de SOLEIL, en participant à des travaux de recherche utilisant le rayonnement synchrotron, sur les lignes de lumière SAMBA, ROCK et LUCIA. Cette interaction les a familiarisés avec l’emploi d’instruments complexes dont les performances sont un atout majeur pour la compréhension de mécanismes et le développement de technologies liées à l’hydrogène notamment.
Une perspective multidimensionnelle
Dans un contexte plus large, ces rassemblements ne sont pas de simples exercices théoriques, mais plutôt un engagement collectif visant à tracer un chemin plus durable pour la planète. L’École d’hiver, réunissant des doctorants de grandes universités européennes et des experts des mondes universitaire et industriel, reflète l’interconnexion nécessaire pour relever les défis mondiaux, favorisant une communauté de penseurs et d’acteurs conscients que l’avenir de la planète dépend de solutions innovantes et durables. À l’intersection de l’urgence environnementale et de l’innovation technologique, ces événements tels que l’École d’hiver sont des pivots vers un avenir plus vert. Les connaissances partagées, les liens tissés et les expériences pratiques jettent les bases d’une cohorte prête à stimuler un vrai changement. Par essence, ces rassemblements visent à catalyser une vision collective pour une planète alimentée par une énergie propre et durable.
L’an prochain à Eindhoven !
Favorisant la collaboration entre six universités, l’événement a significativement contribué à faire progresser la compréhension de l’hydrogène et de la transition énergétique, tout en incluant des aspects géopolitiques. La prochaine édition à l’université technique d’Eindhoven permettra en 2024 de poursuivre la discussion autour de ce vecteur énergétique, avec une réflexion approfondie nécessaire sur l’hydrogène bas carbone, incluant les sphères climatique, technologique, socio-économique et géopolitique. Les jeunes chercheurs doivent intégrer des disciplines des sciences sociales pour une compréhension holistique et équilibrée, essentielle face aux défis complexes de l’adoption de l’hydrogène bas carbone à l’échelle mondiale.